Ce document démontre la nécessité, s'il en était encore besoin, de définir une vision de long terme en matière d'infrastructures de transport. Il s'agit assurément d'une politique de temps long, qui nécessite de définir des priorités claires et des objectifs partagés entre les acteurs concernés avant d'engager des investissements souvent colossaux.
Votre travail est de grande qualité, mais j'apporterai un bémol, du point de vue de ce que l'on perçoit de votre méthode, de l'extérieur. En effet, vous avez rendu votre copie fin décembre, puis il y a eu des rumeurs sur des ajustements avant sa publication, ce qui laisse planer un doute sur le fait qu'il pourrait y avoir eu des pressions politiques. Je ne doute pas de votre intégrité ni de celle des autres membres du COI, mais on ne peut balayer ces doutes d'un revers de la main, je me devais de les signaler.
Il est impératif de rechercher la plus grande cohérence entre les priorités définies au niveau local - entre les différents niveaux de collectivités - mais aussi entre le niveau local et le niveau national. Le rapport du COI souligne les difficultés liées, ici et là, à la juxtaposition de contrats, de schémas, de protocoles et de conventions qui ne sont pas toujours cohérents entre eux. Cette situation pose souvent problème. Dans le cadre de mon avis budgétaire sur les transports routiers, j'ai par exemple constaté les difficultés liées au manque de coordination entre agglomérations, ou entre une métropole et les communes périphériques, qui vont parfois jusqu'à entraver notre capacité collective à répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens.
Estimez-vous nécessaire de revoir non pas la gouvernance elle-même, mais la déclinaison concrète de la compétence mobilité dans les différents schémas de planification ? Nous manquons d'organisation territoriale et je suis, personnellement, favorable à plus d'intégration, avec des schémas de cohérence territoriale qui seraient plus intégrateurs et qui forgeraient une vision commune de l'aménagement et, par exemple, de l'intermodalité. Je crois aussi que l'on ne tient pas suffisamment compte des coûts annexes, c'est un sujet important.
Derrière la question des compétences se pose celle du financement. La dernière partie de votre rapport traite de la sécurisation du modèle économique des transports en commun et recommande d'identifier de nouvelles sources de financement, à la fois pour l'entretien et le développement d'infrastructures, mais aussi pour leur exploitation. L'exemple du réseau du Grand Paris Express, dont le montage financier n'est toujours pas finalisé, est assez inquiétant, il faut anticiper en particulier l'endettement. Êtes-vous favorable à l'évolution de l'offre de service de la SGP pour la mise en place des RER métropolitains ?
Que pensez-vous, ensuite, de l'idée de faire évoluer, notamment au bénéfice des zones peu denses, la perception des recettes du versement mobilité ? Ce débat nous avait beaucoup mobilisés, et même divisés, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 et cette question n'est toujours pas réglée...
En tant que Girondin, je ne peux passer sous silence la situation du grand projet ferroviaire du sud-ouest (GPSO), où, manifestement, on abandonne l'idée d'accélérer la section Bordeaux-Toulouse, ce qui fait tout de même deux ans de décalage du calendrier, et où l'on reporte la section Bordeaux-Dax à après le quinquennat, ce qui remettrait en cause le financement européen : pouvez-vous m'éclairer sur ces points ?
Enfin, j'ai des questions sur les infrastructures routières, qui ont moins de place dans votre rapport, ce que Clément Beaune a noté en considérant que le scénario de la planification réduit trop les investissements routiers, qui en deviennent une variable d'ajustement budgétaire. L'augmentation des prix de l'énergie et des matériaux, conjuguée aux futurs transferts de certaines routes nationales aux collectivités volontaires, laisse à craindre un désengagement de l'État sur le réseau routier, dont l'état laisse déjà à désirer. Partagez-vous ces inquiétudes ? Avez-vous pris en compte ces éléments de contexte dans la définition de vos scénarios ? Quelle place avez-vous faite dans vos scénarios aux concessions autoroutières - et quelle est votre position sur le sujet, aussi bien que sur la proposition, par la Première ministre, de faire participer davantage la route au financement des infrastructures de transports ?
La question de l'acceptabilité des projets est également importante. Voyez le projet de mettre à trois voies l'A63 pour sa connexion à la rocade bordelaise, en passant par une concession autoroutière : sachant ce que l'opinion pense des concessions autoroutières, n'y a-t-il pas un risque qu'elle ne rejette ce projet dans son ensemble ?