Intervention de David Valence

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 15 mars 2023 à 9h45
Audition de Mm. David Valence président bruno cavagné vice-président et pierre-alain roche rapporteur général du conseil d'orientation des infrastructures coi

David Valence, président du conseil d'orientation des infrastructures :

Sur la méthode, d'abord, l'une des craintes que l'on pouvait avoir, c'était de n'écrire qu'un rapport confortable pour l'exécutif. Or, le président du COI que je suis, également député de la majorité, atteste qu'en réalité, ce rapport n'est pas si confortable pour l'exécutif, et qu'il prend même une certaine liberté avec le cadre de sa mission. Il est normal que l'on échange avec l'exécutif sur nos résultats, mais je tiens à dire qu'aucun membre du COI n'a eu le sentiment qu'on orienterait les choses, chacun a pu travailler et s'exprimer en toute liberté, j'y ai veillé. En réalité, la version du 15 décembre dernier, qui a « fuité », était une synthèse et ne comportait pas d'annexes - et les sujets qu'on évoque aujourd'hui comme ayant pu varier ou faire défaut, relèvent précisément de ces annexes.

Sur le montant des investissements que nous recommandons, je précise que nos chiffres sont présentés comme estimés « au minimum » - ce qui n'est pas facile à endosser pour l'exécutif, mais nous avons maintenu nos recommandations. En fait, il faut au Gouvernement rattraper des décennies de sous-investissement, et dans le débat, il faut reconnaitre que l'effort entrepris depuis cinq ans a été significativement plus important que ce qui était fait précédemment. Il est vrai que des personnalités diverses ont exercé la fonction de ministre des transports, mais vous reconnaîtrez avec moi que ce n'est pas fréquent que l'une d'eux, devienne Première ministre, c'est un signe de la place des transports dans la vie publique et c'est important de le signaler.

La crédibilité des engagements est déterminante, et nous devons nous le dire clairement : aucun acteur, seul, ne peut relever le défi ; oui, les collectivités territoriales seront sollicitées, l'État aussi mettra plus de moyens sur la table - et il faudra encore d'autres ressources, fiscales ou autres. Il n'y a pas de secret, les infrastructures sont financées par le contribuable ou par l'usager, ainsi que par les fonds européens. Ce que l'on constate, aussi, c'est que notre dépense publique va moins que chez nos voisins au transport décarboné ; dans le ferroviaire, nous sous-finançons les investissements, mais nous sur-finançons le fonctionnement, c'est l'inverse en Allemagne.

Les rapports entre État et les collectivités territoriales, qui demandent de la sincérité, s'incarnent dans la façon dont les CPER vont être renégociés. Dans le travail que nous avons conduit pour notre deuxième rapport, sur les attentes des territoires en matière d'infrastructures de transport, nous avons été étonnés de voir la diversité des projections : nous avons vu parfois une sélection de projets très rigoureux, réalistes et articulés - et inversement, parfois une liste de demandes disparates allant d'un rond-point jusqu'à une infrastructure structurante, ce n'est pas sérieux. On demande au Gouvernement de cesser les effets d'annonce, mais cela vaut en fait pour tout le monde, y compris les acteurs publics locaux- pour avoir été vice-président de région, maire et président d'agglomération, je sais qu'il est tentant d'annoncer l'amélioration d'infrastructures de transport, mais ce n'est pas toujours très sérieux quant au désenclavement lui-même.

Pourquoi notre rapport signale-t-il tel projet plutôt que tel autre ? Nous avons signalé les projets à partir d'un certain niveau d'engagement de l'État, et pour les projets qui se situent en deçà, ne pas être signalés dans notre rapport ne veut pas dire qu'ils sont abandonnés. La ligne Angoulême-Limoges, par exemple, relève de ces projets de petites lignes qui ont fait l'objet d'un accord avec la région, chacun s'est engagé publiquement, c'est dans le contrat de plan État-région et ce n'est certainement pas à l'État de la vouloir seul. L'État consacre plus de moyens qu'avant aux petites lignes - on fait un peu, mais ce n'est pas rien, et c'est mieux qu'avant, où l'on disait tout faire, alors qu'on ne faisait rien. À maints égards, l'avis négatif sur le projet d'autoroute A 147 entre Poitiers et Limoges est lié à une volonté de ne pas sur-financer les projets routiers au détriment des lignes ferroviaires.

Le COI n'a pas été mandaté sur l'aérien, pas plus qu'en 2018, et nous en avons parlé seulement pour Mayotte - puisque pour la première fois nous avons abordé les outre-mer, pour constater qu'une partie du raisonnement sur la priorisation que nous proposons, ne peut s'appliquer outre-mer, eu égard aux spécificités territoriales. Je n'ai pas d'avis à émettre sur les carburants aéronautiques alternatifs ; des projets sont en cours, dans les Bouches-du-Rhône et en Seine-et-Marne, mais il y a en effet un enjeu de production de ces carburants en France.

Sur l'Europe, nous avons auditionné le directeur général de la mobilité et des transports (DG Move) de la Commission européenne, lors de notre premier rapport, pour parler franchement de la capacité contributive européenne. Ce que l'on constate, c'est qu'il y a un loup. La somme des financements européens attendus à l'échelle nationale sur les infrastructures de transport, représente la moitié des financements disponibles pour toute l'UE ; la France est certes un lieu de passage important, mais pas au point de capter la moitié des financements européens. En réalité, il y a un effet de surestimation : lorsqu'on fait un tour de table pour lancer tel projet d'infrastructure, on s'arrange, pour peu que ce soit possible, pour le caler sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) et l'on inscrit à ce titre une participation européenne dans le plan de financement, en se disant qu'on verra bien ce que cela donnera. Nous avons constaté cette façon de faire y compris dans des projets importants dont on parle ici même, et nous avons écrit dans notre rapport que les financements européens ne seraient peut-être pas toujours au rendez-vous de ce qu'on a projeté.

Sur les réseaux express métropolitains et la SGP, je ne pense pas qu'on puisse parler de mise sous tutelle de SNCF Réseau. Je crois qu'il ne faut pas être obsédé par la question des recettes, ce qui compte ici surtout, c'est la capacité à faire. La SGP a développé une méthode de travail en plateau-projet et une bonne capacité de rendre compte aux financeurs - ces éléments font encore défaut à SNCF Réseau, c'est cela plus que le financement qui est intéressant, je le dis à titre personnel.

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