Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 mars 2023 à 8h35
Projet de loi pour contrôler l'immigration améliorer l'intégration — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Je remercie nos rapporteurs. Je note qu'ils se sont interrogés sur l'opportunité de légiférer sur ce sujet. Il serait plus judicieux en effet de faire le bilan de ce qui existe, de ce qui a été voté et n'est pas appliqué, de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Des négociations sont en cours au niveau européen sur un pacte sur l'asile et l'immigration. Elles devraient aboutir avant les prochaines élections européennes. Une transposition en droit interne sera pour partie nécessaire. Ne serait-il pas préférable d'attendre ce moment pour légiférer ?

L'accès aux préfectures est difficile. Elles sont submergées et refusent même parfois d'enregistrer les demandes de titre de séjour. Beaucoup d'étrangers deviennent clandestins faute d'avoir pu déposer leur dossier à temps. Résultat, les référés se multiplient et les juridictions administratives sont engorgées. Ce projet de loi ne répond pas aux priorités du moment et ne permettra pas de lever ces blocages.

On peut s'interroger sur le sens de ce texte. Celui-ci complique les choses et aboutira au résultat inverse de celui qui est escompté sur de nombreux points. Je m'inquiète ainsi de l'instrumentalisation de la notion de menace pour l'ordre public. Notre droit permet d'expulser des personnes qui représentent un danger pour la sécurité nationale : mieux vaudrait concentrer nos efforts pour éloigner les personnes qui présentent un risque réel, et non pas instrumentaliser les notions fondamentales de notre droit afin de pouvoir prononcer des OQTF à l'égard de tous les étrangers, en laissant croire que toute personne en situation irrégulière constitue un risque potentiel pour l'ordre public. C'est dangereux pour notre société.

L'histoire montre que le travail est le meilleur vecteur d'intégration. Les personnes venues travailler en France ont participé à la construction de notre pays et ont été intégrées à la société par ce biais. Le travail permet aussi de s'intégrer lorsque l'on vit en famille : évitons d'avoir une conception du travailleur étranger semblable à celle qui prévaut dans les pays du Golfe ! Certaines dispositions du projet de loi m'inquiètent à cet égard.

En facilitant l'exercice d'une activité économique par les étrangers, on renforce aussi notre croissance ; j'ajoute que lorsque les travailleurs sont en situation régulière, ils peuvent mieux défendre leurs droits, et c'est ainsi que l'on résorbera les « trappes à bas salaires ». De même, mieux vaut permettre aux demandeurs d'asile d'exercer un travail dès leur arrivée, sans que cela n'entraîne la moindre conséquence sur l'instruction de leur dossier par la suite, plutôt que de les forcer à rester inactifs pendant plusieurs mois, ce qui les conduit à perdre progressivement leurs compétences. Si l'on veut que les personnes s'intègrent le plus vite possible, il faut développer leur autonomie.

La création d'espaces « France asile » et de chambres territoriales de la CNDA n'est pas mauvaise en soi, mais il faut prévoir des garanties et éviter la généralisation du juge unique. La collégialité doit rester la règle, et le juge unique, l'exception.

En ce qui concerne la réforme du contentieux et la possibilité de tenir des vidéo-audiences, nous sommes favorables à une accélération des procédures ; mais là encore il faut veiller au respect des droits de la personne. Le développement incontrôlé de la justice hors les murs par visioconférence constitue un danger pour l'avenir de la justice.

Enfin, s'agissant des laissez-passer consulaires, je voudrais simplement rappeler que la meilleure façon de lutter contre l'immigration illégale est d'avoir des voies d'immigration légale. On ne peut pas rendre responsables tous les citoyens d'un pays de la politique menée par leur gouvernement, surtout lorsqu'ils ont des liens familiaux avec des citoyens français ou des personnes qui vivent sur notre territoire. Réduire notre politique bilatérale avec certains pays majeurs à cette question me semble dangereux et non conforme à notre intérêt.

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