Intervention de Thierry Repentin

Commission des affaires économiques — Réunion du 7 décembre 2022 à 9h35
Audition de M. Thierry Repentin président et de Mme Valérie Mancret-taylor directrice générale de l'agence nationale de l'habitat anah

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis très honoré de me trouver dans cette salle de la commission des affaires économiques, passant de statut d'auditeur à celui d'audité, quelques années après avoir eu la chance de siéger dans cette commission. Je suis accompagné de Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Anah.

Vous avez indiqué, en introduction, le caractère exponentiel de la politique de rénovation énergétique. En 2018, on comptait 75 000 rénovations de logements contre 750 000 en 2022, soit dix fois plus de rénovation en cinq ans. Cette montée en puissance nécessite de renforcer l'organisation de l'établissement public et de disposer de moyens totalement différents.

Le sujet que nous abordons aujourd'hui est au coeur de l'actualité sur de nombreux aspects. Il concerne le pouvoir d'achat de nos compatriotes, la facture énergétique ayant un poids important dans le coût d'un logement. Il touche aussi aux enjeux de sobriété énergétique, avec le souhait de la nation de consommer moins d'électricité et de combattre le dérèglement climatique. Je rappelle que le bâtiment est le deuxième poste d'émission de gaz à effet de serre après les transports. Je rappelle également que 80 % des logements qui seront occupés par nos concitoyens en 2050 sont déjà construits. Même dans les meilleures années de construction, nous ne construisons jamais plus d'1 % du parc existant. Chacun comprend donc l'importance à donner aux travaux à réaliser sur le parc existant.

L'Anah est au coeur de ces enjeux et a pour mission d'accompagner les Français sur le chemin de la rénovation énergétique grâce au déploiement de France Rénov'. Des campagnes de communication télévisuelles ont été mises au point pour que nos compatriotes connaissent la porte d'entrée unique pour obtenir des renseignements en la matière. L'État mobilise des moyens inédits pour soutenir cette politique publique avec 3,5 milliards d'euros annuels, dont 1 milliard d'euros en aides à la pierre, contractualisées avec les collectivités territoriales. Ces aides comprennent MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriété. Nous obtenons des résultats en constante progression. Les territoires et les acteurs économiques ont besoin de stabilité réglementaire et budgétaire pour déployer cette politique publique de manière efficace et sur la durée. L'évolution du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) en MaPrimeRénov' apporte cette stabilité. Les critères du CITE pouvaient en effet être modifiés chaque année en loi de finances, rendant difficile la possibilité pour les ménages de se projeter dans l'avenir.

La réussite de MaPrimeRénov' se mesure aux retours des ménages ayant sollicité cette aide. 89 % de ces ménages se déclarent satisfaits de ce dispositif. 66 % d'entre eux indiquent que sans cette aide, ils n'auraient pas réalisé les travaux engagés sur leur logement. Ce dispositif a permis de lancer une dynamique forte de massification des travaux de rénovation énergétique. Depuis 2020, plus d'un million de ménages en ont bénéficié. Cette aide a profité d'abord aux plus modestes : 68 % des dossiers actés par MaPrimeRénov' concernent les quatre premiers quartiles de la population. Ces dossiers consomment 80 % des montants de subvention apportés par l'Anah. Aider plus ceux qui ont le moins est donc aujourd'hui une réalité.

MaPrimeRénov' a permis aux bénéficiaires de s'inscrire dans un parcours de rénovation se voulant écologiquement vertueux, avec la réalisation d'un premier geste, et ainsi introduire massivement la décarbonation des logements privés. Je voudrais insister sur un point : MaPrimeRénov' est accessible pour tous les propriétaires : bailleurs, occupants, ou copropriétés. La moyenne d'économies conventionnelles par logement et par an est passée de 3,9 mégawattheures avec le CITE à 5,6 mégawattheures avec MaPrimeRénov', soit une augmentation de 44 % des gains énergétiques.

Ces éléments de satisfaction ne nous feront pas oublier que pour certains usagers le parcours de demandes a pu être compliqué. La défenseure des droits a souligné des dysfonctionnements concernant 500 dossiers. Je voudrais rappeler, en comparaison, que l'Anah instruit chaque semaine 25 000 dossiers. Ces deux chiffres doivent être mis en perspective. Par ailleurs, au moment où la décision a été publiée, 50 % de ces 500 dossiers avaient été traités et résolus. Nous sommes conscients des difficultés concernant certaines situations particulières. Nos équipes sont pleinement mobilisées pour apporter des solutions dans les meilleurs délais.

Il ne faut pas, selon nous, opposer la rénovation globale à la rénovation par gestes. Il n'y a, en effet, pas une solution unique aux dossiers présentés par les ménages, ni de recettes miracles. Le bouquet de travaux de MaPrimeRénov' Sérénité est de 30 000 à 70 000 euros pour une rénovation performante et globale, alors que pèse déjà sur les ménages un coût du logement important. Les dépenses de logement représentent en moyenne 30 % des revenus des ménages, coûts auxquels il faut ajouter le renchérissement du prix des énergies. Il faut offrir aux ménages des choix et faire du sur-mesure, en fonction de leurs besoins et de leurs moyens. MaPrimeRénov' permet d'apporter une réponse à chaque situation.

Le traitement des ménages en situation de forte précarité énergétique peut engendrer des coûts majeurs pour remettre en état des logements (habitat indigne et dégradé). Ces coûts dépassent en moyenne 60 000 euros par logement. L'Anah apporte également des solutions de financement à travers des opérations de lutte contre l'habitat indigne (résorption de l'habitat insalubre - RHI - ou encore dispositif de Traitement de l'Habitat Insalubre, Remédiable ou dangereux, et des Opérations de Restructuration Immobilière - THIRORI).

L'Anah finance d'ores et déjà 60 000 rénovations globales, soit 10 % des aides, de maisons individuelles ou de copropriétés. MaPrimeRénov' Sérénité est déclenchée s'il y a au minimum 35 % de gains énergétiques à l'issue des travaux. Dans les dossiers traités, nous atteignons plutôt 50 % de gains constatés, avec des financements très incitatifs et un accompagnement systématique pour les 600 000 propriétaires modestes ayant pu bénéficier depuis 2011 de ce dispositif. La moitié des rénovations accompagnées par MaPrimeRénov' Sérénité permettent de sortir les logements du statut de passoire énergétique.

Le dispositif MaPrimeRénov' Copropriétés progresse chaque année malgré un contexte très difficile pendant les deux années de Covid. Les assemblées de copropriétés se sont en effet réunies avec une régularité beaucoup plus faible et très peu de décisions ont été prises. Seulement 7 000 logements ont bénéficié de cette aide en 2020, 12 000 en 2021 et vraisemblablement 25 000 en 2022. La courbe est donc croissante. Par ailleurs, les dispositions législatives ou réglementaires récemment prises, notamment l'interdiction de location pour un certain nombre de logements, devraient inviter davantage de propriétaires à réaliser ces travaux. Si cela reste encore insuffisant, de premières évolutions devront être proposées pour 2023, avec notamment une révision à la hausse des plafonds de travaux ainsi que des primes pour les ménages les plus modestes. Ces décisions sont en cours d'arbitrage et un conseil d'administration se tiendra cet après-midi.

Le défi est désormais de réussir la massification de l'accompagnement pour réaliser les rénovations globales et énergétiques. Pour ce faire, il convient d'abord de réaffirmer le rôle des collectivités, dans le cadre d'un pacte territorial visant à remettre en perspective le sujet habitat pour répondre aux enjeux de transition énergétique et démographique. L'objectif est aussi de valoriser la force du réseau de proximité porté par les territoires, avec le soutien de l'État. D'un territoire à l'autre, le portage est différencié. Certaines collectivités sont très mobilisées et apportent des compléments de subvention, conduisant l'Anah à bonifier ses propres interventions. Environ 350 communes exonèrent de foncier bâti les logements faisant l'objet d'une rénovation.

Il faut aussi permettre à tous les ménages d'être accompagnés par un tiers de confiance, à même de les conseiller de façon désintéressée, sans privilégier un certain type de travaux. Cette réponse sera apportée par Mon Accompagnateur Rénov' au 1er janvier 2023. D'ores et déjà, France Renov' permet une information et des conseils neutres et indépendants pour faciliter le passage à l'acte. France Renov', service public cofinancé par l'État et les collectivités, permet de regrouper sous une seule enseigne les agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), en fusionnant les réseaux de l'Ademe et de l'Anah. Les effectifs ont triplé, passant de 750 à près de 2 200 conseillers en deux ans. Leur professionnalisation n'est pas encore arrivée à terme pour se déployer partout en 2023.

Selon nous, il faut mesurer plus efficacement les gains énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre (GES) évitées par un diagnostic initial et un autre à l'issue des travaux. Cette mesure rendra de facto le parcours plus complexe, mais aussi plus sécurisé, sous réserve que l'harmonisation entre le DPE et les audits soit aboutie et fiabilisée. Il faut aussi poursuivre la démarche de simplification des aides. Cela est particulièrement nécessaire pour les certificats d'économie d'énergie, les C2E, dont le système est assez opaque pour une grande partie de nos concitoyens. Les critères de ce dispositif ne sont pas toujours alignés avec ceux de MaPrimeRénov', ce qui participe au développement d'offres commerciales agressives et peu scrupuleuses. Cette simplification doit aussi concerner les aides en faveur des bailleurs privés, soumis aux obligations de la loi « Climat et résilience ».

Enfin, il nous faut engager un véritable rééquilibrage des aides en faveur de la rénovation énergétique performante immédiate ou par étapes. À ce jour, le cumul de forfaits reste plus avantageux que le forfait rénovation globale. Aucun des deux n'est adapté pour financer les rénovations performantes et mieux financer l'isolation.

Indépendamment de toutes ces actions que nous appelons de nos voeux, il faut aussi interroger la capacité des filières professionnelles - entreprises, artisans, industries - à s'inscrire dans cette massification qualitative qui reste à conforter. Nous avons sur le territoire des retours de ménages nous signalant leurs difficultés à obtenir des devis. Les filières sont parfois submergées. L'organisation de ces filières doit être améliorée pour répondre à cette croissance exponentielle des demandes de rénovation.

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