Il y a maintenant environ un an et demi, nous examinions la loi « Climat et résilience », dont le volet « Se déplacer » prévoyait d'étendre le champ d'application des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) aux 43 agglomérations françaises comptant plus de 150 000 habitants, et d'en renforcer le régime, avec une interdiction échelonnée de 2023 à 2025 des véhicules disposant de vignettes Crit'air 5 à 3.
En tant que rapporteur à l'époque, et avec votre soutien, j'avais alerté sur la nécessité d'une approche plus souple et territorialisée des ZFE, permettant de mieux associer les collectivités territoriales à leur instauration et d'accompagner les particuliers, mais aussi les entreprises dans cette transition, par exemple en renforçant les dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres.
Malheureusement, comme vous le savez, notamment pour ceux qui ont participé à la commission mixte paritaire, certains n'avaient pas été sensibles, ou à tout le moins très partiellement, à nos propositions.
Deux ans plus tard, les remontées de terrain se multiplient pour dénoncer les incohérences entre l'objectif fixé par le Gouvernement et la réalité : manque de lisibilité du dispositif, insuffisance de l'offre des transports collectifs - tel n'est pour l'heure pas mon constat, mais c'est en tout cas ce que l'on entend beaucoup sur nos territoires - et des infrastructures dédiées aux mobilités douces dans nos agglomérations, faible disponibilité de l'offre de véhicules propres et reste à charge à l'acquisition demeurant très élevé, déploiement insuffisant des bornes de recharge pour les véhicules électriques, ou encore absence de moyens de contrôler efficacement le respect des restrictions, etc.
En l'état actuel des choses, on ne peut que craindre que la mise en place des ZFE ne conduise à un creusement des fractures sociales et territoriales au détriment des populations les plus fragiles et éloignées du coeur des villes, ce dont aucun d'entre nous ne peut se satisfaire.
L'actualité récente nous donne quelque part raison : la métropole de Lyon a récemment annoncé un report de deux ans de l'interdiction des véhicules Crit'air 2, compte tenu de l'insuffisance des mesures destinées au développement des alternatives aux véhicules polluants. Pas plus tard que la semaine dernière, Fabien Roussel, secrétaire général du Parti communiste français, a également appelé à décaler l'entrée en vigueur des interdictions de circulation, faute d'un accompagnement social adéquat de la part de l'État.
J'en viens donc au coeur de mon propos : il me semble essentiel que notre commission se penche à nouveau sur ce sujet des ZFE-m, par exemple sous la forme d'une mission d'information « flash », afin d'identifier rapidement des solutions à ces écueils. Je reconnais que le sujet est sensible, je pense que nous partageons globalement le diagnostic quant aux difficultés de mise en oeuvre des ZFE. Le débat qui s'est tenu en séance publique le 10 janvier dernier l'a d'ailleurs largement illustré.
Je vous soumets donc cette idée, mes chers collègues. L'idéal serait de lancer nos travaux assez rapidement. Je ne manquerai pas, si vous m'en donnez la possibilité, de vous associer bien sûr à ma réflexion, aux auditions que je serai susceptible d'organiser, également aux déplacements sur vos territoires, même si l'on ne pourra pas aller dans toutes les ZFE déjà existantes ou prochainement mises en place. L'idée est que le Sénat ne soit pas absent de ce débat. Nous avons été les premiers à dénoncer un certain nombre de difficultés de mise en place susceptibles de se faire jour, et je crois que l'évolution de la situation, malheureusement, nous donne raison.