Le Sénat a adopté samedi soir, à l'issue de dix jours de débats, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 que la commission mixte paritaire examine aujourd'hui.
Je remercie la rapporteure générale Stéphanie Rist de la qualité et de la sincérité des discussions que nous avons eues dans un délai restreint. Les propositions que nous présentons, issues du texte adopté par le Sénat et des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, devraient rallier toutes les bonnes volontés autour de l'enjeu de préservation du système de retraite par répartition. Cela fait quatre ans que le Sénat vote, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le report à 64 ans de l'âge légal de départ en retraite et l'accélération de la réforme Touraine. Nul ne sera surpris de constater que ces deux préconisations sénatoriales constituent l'ossature du texte que nous avons sous les yeux.
Conformément à la position constante de notre assemblée, nous n'avons pas remis en cause les mesures paramétriques de la réforme. Elles constituent à nos yeux la seule solution de retour à l'équilibre du système de retraite à l'horizon 2030, à défaut de diminuer les pensions de nos retraités, lourdement frappés par l'inflation, ou d'augmenter des prélèvements obligatoires déjà écrasants. Je rappelle que, comme le prévoit le texte, le déficit de la branche vieillesse des régimes obligatoires de base atteindra 15 milliards d'euros en 2026. Il y a urgence à agir. Le Sénat ne reculera pas devant ses responsabilités.
Je me réjouis que nous ayons conservé, en accord avec la rapporteure générale Stéphanie Rist, les amendements adoptés par le Sénat à l'article 7 portant diverses mesures de bon sens et de justice sociale, notamment l'allongement du délai de rachat de trimestres de stage en entreprise ou d'études supérieures et la prise en compte du rachat des trimestres d'apprentissage dans le cadre du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
L'article 8 porte l'un des principaux apports du Sénat au projet de loi : l'ouverture aux assurés, notamment aux mères de famille justifiant d'une carrière complète et d'au moins un trimestre de majoration de durée d'assurance pour enfants, de la possibilité de se constituer des droits à surcote, à hauteur de 5 %, en contrepartie des trimestres travaillés un an avant l'âge légal. Cette mesure profitera à 130 000 femmes par génération, soit 30 % d'entre elles. Nous souhaitons évidemment que cette disposition soit conservée.
Il en va de même de trois articles insérés par le Sénat. L'article 8 bis prive du bénéfice des majorations de durée d'assurance pour enfants et de la majoration de pension pour trois enfants les parents condamnés pour violences et maltraitance à l'encontre de leurs enfants. L'article 8 nonies prévoit l'attribution des trimestres de majoration de durée d'assurance au titre de l'éducation des enfants en cas de décès de l'enfant avant la fin de sa quatrième année. L'article 8 decies permet la prise en compte des enfants décédés pour l'attribution aux parents fonctionnaires de la majoration de pension pour enfant.
En revanche, nous proposerons de supprimer les articles 8 ter à 8 octies car la modification des règles de partage de ces trimestres entre parents est inopportune ou contraire au droit de l'Union européenne.
Concernant l'article 10, qui comporte des mesures de revalorisation des minima de pension, nous vous invitons à sauvegarder les améliorations apportées par le Sénat : l'institution d'une pension d'orphelin au régime général, l'indexation sur le Smic du minimum de pension de base des exploitants agricoles, l'allongement de six à neuf mois par an de la durée de résidence en France requise pour le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées et la fixation à 100 000 euros du seuil de récupération sur succession des sommes versées au titre de cette prestation. La rapporteure pour l'Assemblée nationale et moi suggérons également de fixer ce seuil à 150 000 euros outre-mer jusqu'en 2030, de façon à tenir compte des difficultés particulières de nos compatriotes ultramarins.
Seraient également maintenus, si vous l'acceptez, les articles 10 bis à 10 quinquies ajoutés par le Sénat, qui prévoient respectivement la revalorisation des pensions de retraite et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées à Mayotte, l'extension aux professions libérales et aux avocats de la majoration de pension pour trois enfants et la prise en compte, pour le calcul du salaire annuel moyen des vingt-cinq meilleures années, des indemnités journalières versées dans le cadre des congés de maternité ayant débuté avant 2012.
À l'article 11, nous proposerons de conserver les mesures en faveur des élus locaux adoptées par le Sénat : les indemnités de fonction inférieures à la moitié du plafond de la sécurité sociale pourront ainsi, sur option, être assujetties aux cotisations vieillesse du régime général. Le bénéfice du dispositif de rachat de trimestres sera étendu aux périodes de mandat électoral.
L'article 11 bis, introduit par le Sénat, accorde une bonification de durée d'assurance aux sapeurs-pompiers volontaires totalisant au moins dix années de service, afin de valoriser leur engagement. Nous proposons de conserver cette mesure dans une rédaction améliorée.
Le Sénat a adopté l'article 12 créant une assurance vieillesse des aidants qui rendra plus lisible leur affiliation à l'assurance vieillesse du régime général, étendue à l'ensemble des situations d'aide qui ont des conséquences sur l'activité professionnelle. Nous proposerons de retenir cette mesure.
En matière d'emploi des seniors, nous sommes d'avis, à l'article 2, de conserver la modification apportée par le Sénat, qui a rehaussé à 300 salariés le seuil d'effectif des entreprises concernées par la publication d'indicateurs sur l'emploi des seniors. Ce seuil est pertinent compte tenu des démarches demandées, de la nécessité de disposer d'un effectif suffisant pour obtenir des statistiques fiables et de la négociation prévue dans ces entreprises au sujet de la gestion des emplois et des parcours professionnels. En outre, nous proposerons de compléter cet article afin qu'une entreprise dont les résultats en matière d'emploi des seniors se dégradent pendant trois ans prenne des mesures destinées à redresser la situation par la voie d'un accord ou, à défaut, d'un plan d'action.
Le Sénat a introduit un article 2 bis A qui crée un contrat de fin de carrière pour inciter les employeurs à recruter des seniors. Ouverts aux plus de 60 ans, ces contrats à durée indéterminée (CDI) seraient exonérés de cotisations familiales. L'employeur pourrait mettre à la retraite le salarié qui satisfait les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Les branches fixeraient par un accord les activités concernées et les contreparties données au salarié en matière de rémunération.
Il semble utile que les partenaires sociaux se saisissent de l'enjeu du chômage des seniors, d'autant qu'une loi sur le travail est attendue prochainement. En conséquence, nous proposons qu'une négociation soit engagée au niveau national à propos de l'emploi des seniors chômeurs de longue durée. À défaut d'accord, le « CDI seniors » sera instauré à titre expérimental du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2026. Dans ce cadre, nous suggèrerons de réserver ce contrat aux demandeurs d'emploi de longue durée d'au moins 60 ans et de limiter l'exonération de cotisations familiales à la première année, pour éviter des effets d'aubaine.
Le Sénat a approuvé, sous réserve de quelques ajustements, les articles 2 bis et 2 ter introduits à l'Assemblée nationale. D'une part, ils harmonisent à 30 % le taux de la contribution assise sur les indemnités de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur et, surtout, sur celles versées à l'occasion d'une rupture conventionnelle. D'autre part, ils permettront la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l'effet est différé, afin d'alléger le poids pour le dernier employeur de l'usure accumulée au cours de leur carrière par les salariés âgés. Nous recommandons de conserver ces mesures.
En matière de prévention et de réparation de l'usure professionnelle, à notre sens l'un des enjeux essentiels de la réforme, la rédaction que nous retenons à l'article 9 reprend plusieurs apports du Sénat.
Pour les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 20 %, elle maintient à 60 ans l'âge de départ en retraite anticipée pour incapacité permanente. Il s'agit d'un acquis important par rapport aux ambitions initiales. Cet âge serait porté à 62 ans pour les personnes présentant un taux d'incapacité permanente compris entre 10 et 19 % et une durée d'exposition à des facteurs de pénibilité d'au moins cinq ans, contre dix-sept actuellement. Cette mesure ne pèsera pas sur l'équilibre du système, les dépenses créées par le dispositif étant compensées par la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Concernant le compte professionnel de prévention, le Sénat a plafonné la mobilisation de points pour passer à temps partiel avant le soixantième anniversaire du salarié, afin de favoriser leur utilisation à partir de 60 ans, dans un souci d'amélioration de la transition entre l'emploi - a fortiori exposé à des risques professionnels - et la retraite. Cette mesure figure dans le texte que nous proposons et permettra l'amélioration de la prise en charge du travail à temps partiel, qui sera effectuée par décret. Ainsi, dix points permettront un maintien de la rémunération pendant quatre mois travaillés à mi-temps, contre trois actuellement.
Nous sommes en revanche convenus que les agents chimiques dangereux ne seraient pas pris en compte dans les orientations du nouveau fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle afin de ne pas diluer son action de prévention des risques ergonomiques qui sont, rappelons-le, à l'origine du plus grand nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Le risque chimique ayant été identifié prioritaire dans les négociations interprofessionnelles en cours sur la branche accidents du travail et de maladies professionnelles, nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour aboutir à un meilleur accompagnement des efforts de prévention des entreprises.
Enfin, nous souhaitons que les améliorations apportées par le Sénat à l'article 13, sur le cumul emploi-retraite et la retraite progressive, soient conservées.
Sous réserve de quelques ajustements, nous invitons également à conserver l'article 13 bis, qui améliore l'information sur les droits à la retraite des assurés ayant validé moins de dix annuités ou ayant connu une interruption de carrière.
Nous souhaitons qu'il en soit de même de l'article 13 ter qui fixe au Gouvernement un délai pour l'application des dispositions législatives permettant le recours à la biométrie pour le contrôle des bénéficiaires de pensions françaises résidant à l'étranger.