Je voudrais dire ma satisfaction que nous nous retrouvions en commission mixte paritaire pour examiner un texte d'une grande importance pour les Français et pour notre protection sociale. Des débats se sont déroulés dans les deux assemblées et il est primordial que nous puissions continuer à avancer dans le processus législatif.
Le constat est désormais connu et il a fait l'objet de longues discussions à l'Assemblée nationale comme au Sénat ; en dépit de désaccords qui se sont exprimés tout au long de l'examen du texte. Il est un point qui doit tous nous rassembler : la défense de la retraite par répartition. Notre système subit un choc démographique. L'allongement de l'espérance de vie en bonne santé est une excellente nouvelle mais elle implique des évolutions de notre protection sociale.
Les débats ont aussi démontré l'enjeu majeur du financement de notre système de retraite : que nous le voulions ou non, les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), même dans les scénarios les plus optimistes, démontrent un déficit structurel. Si nous ne faisons rien, la dégradation de ce trésor national est inéluctable. Nous choisissons donc la responsabilité pour garantir les pensions des générations futures, en nous fondant sur le travail et en améliorant la prise en compte de la pénibilité et l'adaptation aux métiers pénibles.
Je suis heureuse que, grâce à un travail nourri, mes collègues rapporteurs du Sénat et moi-même puissions vous soumettre des rédactions communes. Je tiens à les remercier sincèrement pour nos échanges denses afin d'aboutir au texte que nous allons vous proposer, en dépit d'un délai particulièrement limité.
Nous permettons d'abord la fermeture progressive pour les nouveaux entrants de certains régimes spéciaux, à l'article 1er.
Le compromis dessiné avec le Sénat sur l'index seniors, à l'article 2, me paraît équilibré. Il s'agit d'une mesure nécessaire mais non suffisante pour améliorer l'emploi des seniors. Cet article doit être lu en lien avec ceux qui suivent et qui sont venus enrichir le texte au cours de la navette parlementaire. Je pense en particulier au « CDI seniors », mais aussi à l'harmonisation de la fiscalité des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle, que j'ai défendue. Je pense aussi à la mutualisation des coûts des maladies professionnelles à effet différé afin qu'elles ne soient pas un frein à l'embauche. Nous devrons continuer à progresser sur ce sujet mais le texte pose des jalons.
Au nom de la nécessité d'une réforme responsable et juste, nous avons partagé les dispositions retenues aux articles 7 et 8. Nous avons déjà débattu de ces sujets au sein de nos assemblées respectives, même si je regrette encore que nous n'ayons pu arriver jusque-là à l'Assemblée nationale.
S'agissant de l'article 7, bien connu de l'ensemble des membres de cette commission, je souhaite remercier le Sénat d'y avoir intégré un certain nombre de dispositions qui nous tenaient à coeur. Je pense en particulier à la facilitation du rachat des trimestres pour les études supérieures et les stages, à la reconnaissance des trimestres validés par les sportifs de haut niveau, ou encore à l'intégration des trimestres d'apprentissage dans le dispositif « carrières longues ».
Concernant l'article 8, qui vise à protéger les plus fragiles et les personnes qui ont commencé à travailler tôt, je note que le Sénat y a inscrit une surcote pour les personnes ayant eu des enfants et qui, sous réserve d'avoir atteint le taux plein, continueront de cotiser entre 63 et 64 ans. Ce dispositif ajoute une mesure de justice sociale qui me semble bienvenue. Les sénateurs ont également adopté un dispositif proposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale : l'ajout d'une quatrième borne d'âge, à 21 ans, pour le dispositif « carrières longues ». Là aussi, des convergences se sont dessinées, qui ont permis d'ajouter, dans le texte que nous proposons, au dispositif « carrières longues » un plancher d'éligibilité correspondant à la durée d'assurance requise, sans aucun trimestre supplémentaire. Ce sont des mesures coûteuses, mais qui relèvent d'une attention aux plus fragiles que je sais partagée au-delà de nos divergences politiques.
S'agissant de la prise en compte de l'usure professionnelle, le compromis que nous présenterons permet un équilibre. En premier lieu, le départ à la retraite pour incapacité permanente sera maintenu à 60 ans pour les personnes justifiant d'un taux d'incapacité supérieur à 20 % en lien avec une maladie professionnelle ou un accident du travail. C'était une demande forte de René-Paul Savary ; je me réjouis que nous ayons pu parvenir à une rédaction commune.
En deuxième lieu, nous maintenons la création d'un cadre cohérent et, surtout, opérationnel de prévention et de reconnaissance de l'usure professionnelle, spécifiquement adapté aux personnes amenées à porter des charges lourdes ou à subir des contraintes posturales ou des vibrations mécaniques dans leur métier. Face à la priorité que constituent les troubles musculo-squelettiques, à l'origine de plus de 80 % des maladies professionnelles, nous avons maintenu le périmètre initial du fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle qui, je le rappelle, sera doté de 1 milliard d'euros sur la durée du quinquennat. Je salue par ailleurs l'esprit constructif des rapporteurs du Sénat s'agissant du maintien du suivi individuel renforcé en médecine du travail pour les salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques. J'y suis particulièrement attachée.
Enfin, l'article 9 préserve les mesures de montée en charge du compte professionnel de prévention par l'accroissement des droits de leurs bénéficiaires, en particulier ceux exposés simultanément à plusieurs risques professionnels, et la création d'une nouvelle utilisation à des fins de reconversion professionnelle.
Le texte comporte en outre des mesures ambitieuses pour renforcer la solidarité au sein de notre système. La pension de plus de 1,8 million de retraités actuels et de près de 200 000 nouveaux retraités chaque année sera revalorisée grâce aux dispositions relatives aux minima de pension.
Les travaux de nos deux assemblées ont conduit à ajouter aux éléments de solidarité que je viens d'évoquer des avancées concrètes pour améliorer la situation de nos concitoyens.
Les articles 10 bis et 10 ter adoptés par le Sénat, inspirés d'amendements que l'Assemblée nationale n'a pu examiner en séance en raison de l'obstruction, aboutiront à une revalorisation significative des pensions de nos concitoyens mahorais.
L'article 10 quinquies, issu d'une proposition du groupe Démocrate à l'Assemblée nationale reprise par les sénateurs, permet de mieux prendre en compte les indemnités maternité dans le calcul de la retraite des femmes.
À l'article 10, les sénateurs ont adopté un amendement créant une pension pour les orphelins selon un mécanisme proche de celui des pensions de réversion.
Ces innovations s'ajoutent à la prise en compte des trimestres effectués par les anciens tucistes et à la création d'une assurance vieillesse des aidants, qui permettra à plus de 40 000 personnes supplémentaires de se créer des droits à la retraite. Ce sont des mesures de justice et d'équité.
Les débats ont aussi permis d'enrichir les dispositions de transition entre l'emploi et la retraite. Nous améliorons de manière significative le cumul emploi-retraite, que nous rendons créateur de droits, et la retraite progressive, que nous ouvrons largement à de nouveaux publics, notamment dans la fonction publique.
Les discussions au Sénat ont également amélioré la lutte contre la fraude, simplifié les démarches pour les Français résidant à l'étranger et renforcé l'information des assurés, notamment ceux qui auraient de faibles pensions.
Enfin, je me réjouis de l'adoption au Sénat de l'augmentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie rectificatif pour 2023, à hauteur de 750 millions d'euros pour l'hôpital et la médecine de ville.
Au total, cette réforme, après avoir fait l'objet de plusieurs mois de travail avec les partenaires sociaux, a été au centre des discussions parlementaires puis des échanges entre les deux assemblées. Avec les rapporteurs du Sénat, nous proposons un texte équilibré qui permet des avancées sociales importantes tout en gardant un esprit de responsabilité budgétaire auquel, en tant que rapporteure générale, je suis particulièrement attachée.
Pour notre part, nous défendrons toujours le système par répartition. Celui-ci doit être réformé pour prendre en compte les évolutions sociales majeures auxquelles nous assistons, afin de préserver le pacte unissant les générations. Je remercie mes homologues du Sénat pour le travail accompli au bénéfice de nos concitoyens et dans le respect du Parlement. Je me réjouis à la perspective d'un accord en commission mixte paritaire.