La saisonnalité des tarifs est induite par le « yield management » des entreprises, une technique de tarification au coût marginal : le dernier passager d'un avion presque complet paie son billet plus cher que le premier passager d'un avion vide. Ce système, inventé aux États-Unis dans les années 80, a été développé avec énergie notamment par Air France dans les années 90 et toutes les entreprises bien gérées fonctionnent ainsi aujourd'hui. Pratiquer des tarifs plus élevés lorsque la demande l'est, et inversementc fait partie de la liberté tarifaire des entreprises dans la rentabilisation de leurs opérations. C'est une conséquence de la libéralisation prise dans son ensemble.
Pour les outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française mises à part, cette libéralisation est un bienfait, car elle a fait baisser les prix, selon notre analyse. Ces destinations représentent le seul faisceau au départ de la métropole dépassant amplement les seuils de 2019, en nombre de passagers. Elles font mieux que l'Asie, l'Afrique, le Maghreb et la métropole qui, elle, chute de 20 % à 30 % sur certains axes. Quant aux pays européens, ils enregistrent légèrement plus de passagers qu'en 2019. En conséquence, le passager nous fait savoir que le service lui est rendu. Les citoyens européens, qu'ils habitent en Martinique, à La Réunion ou à Brest, en profitent quotidiennement. Or, le coût est nul pour les finances publiques, mais vous me demandez d'améliorer encore les choses !
Idéalement, une compagnie aérienne devrait accepter de ne mettre en circulation des lignes qu'aux périodes de haute saison, pour en accroître le nombre.
Par ailleurs, je rappelle que l'État s'emploie à maintenir les compagnies en vie. Une dépense de plusieurs centaines de millions d'euros a été consentie pour sauver Air France, Corsair et Air Austral. Si la rentabilité du marché aérien avec les outre-mer était avérée, les grandes compagnies européennes s'y seraient positionnées, mais ce n'est pas le cas.
Le passager, lui, peut acquérir son billet à l'avance afin de bénéficier des prix minimaux offerts pendant la partie basse de la montée du cycle avant la haute saison. Nous avons compté que l'économie réalisée pouvait atteindre deux cents euros (pour des billets de Pointe-à-Pitre).
Pour répondre à la question d'aménager le système européen des obligations de service public, toute réglementation fixée entre deux points situés à l'intérieur du territoire de l'Union européenne est une encoche au marché intérieur qui, par définition, est libre. La création d'une obligation de service public (OSP) doit être signalée aux États membres. Les OSP sont de trois ordres :
- l'OSP ouverte, existant dans les DOM, est un ensemble de règles simples qui s'appliquent à tous les vols, imposant des réductions selon l'âge (aux - 2 ans, - 12 ans et - 18 ans) et un accès prioritaire pour les obsèques ou le rapatriement. Toutes les compagnies aériennes les appliquent, en reportant le manque à gagner sur le prix des billets des autres passagers :
- l'OSP fermée non financée, jamais pratiquée en Europe, consiste en un régime monopolistique non financé. La compagnie aérienne impose alors ses tarifs, n'apportant aucun bénéfice par rapport à l'effet recherché ;
- l'OSP financée s'appuie sur une délégation de service public qui appelle un marché et un appel à candidatures. Il en résulte un seul gagnant et donc un retour à une situation de monopole. Nous perdrions alors la force du système dont nous disposions à l'origine, tout en amenant les contribuables à financer le monopole créé, sans évoquer le coût administratif.
En conséquence, je ne saurais vous dire quelle est l'OSP qui fonctionnerait le mieux. Notre expérience sur de petits segments, tel le vol Paris-Aurillac, montre un coût élevé pour une liaison accueillant trente fois moins de passagers et assurant vingt fois moins de kilomètres que celle de Paris-La Réunion.