Je vais commencer par la mission des Safer. Lors de leur création en 1960, elles ne remplissaient qu'un rôle agricole. Le législateur a rapidement élargi leurs attributions à l'accompagnement de l'aménagement du territoire. Cela concerne particulièrement les grands ouvrages. Depuis quarante ans, la Safer intervient ainsi dans tous les grands ouvrages linéaires...à l'exception de Notre Dame des Landes qui est un exemple emblématique pour lequel la Safer n'a pas été missionnée : 50 ans de projet et finalement une reculade pour aboutir à rien !
L'accompagnement des Safer permet un double résultat : aboutir à ce que les ouvrages se mettent en place à un coût moindre pour la collectivité nationale, puisque l'État est généralement le financeur et prise en compte l'intérêt des agriculteurs. En effet, les réserves foncières permettent de compenser les pertes de terres agricoles engendrées par les ouvrages.
À la différence des EPF, l'accompagnement des Safer s'opère toujours à travers un prisme agricole. Les enjeux pour l'agriculture sont systématiquement étudiés. La grande force des Safer réside dans la complémentarité. La présence des élus agricoles dans les Safer est une grande force. Les collectivités territoriales et locales, les associations de protection de l'environnement, en fait l'ensemble des usagers des territoires ruraux, siègent au sein des conseils d'administration et des comités techniques des Safer. Cela fait toute la différence.
La Safer de Guyane n'est pas encore opérationnelle. Je ne peux donc vous présenter de résultats. Nous avons été sollicités à plusieurs reprises concernant Mayotte. Nous nous y rendrons à l'occasion de notre prochain voyage à La Réunion, afin d'étudier les modalités d'un accompagnement éventuel. Dans un premier temps, nous pouvons imaginer un support de la part des équipes réunionnaises, en accompagnement bien entendu de l'EPF. En tout état de cause, la compréhension des problématiques impose de nous rendre sur place.
Le Conservatoire du littoral agit en vrai partenaire des Safer sur l'ensemble du territoire national. Une convention-cadre nationale a été renouvelée l'an dernier. Les relations sont aujourd'hui excellentes. En effet, la gouvernance et la réflexion scientifique du Conservatoire du littoral ont évolué en faveur de l'agriculture. Les Safer proposent les agriculteurs susceptibles d'exploiter les terrains du Conservatoire. Souvent, elles attribuent même au Conservatoire les terres dont elles sont propriétaires. La relation est donc très forte.
La raison d'être de la Safer réside dans la régulation du prix du foncier. Nous nous inscrivons dans le marché foncier, et nous le régulons. Notre rôle consiste à éviter l'emballement, les bulles spéculatives, etc. La Safer intervient au travers de son droit de préemption, sauf impossibilité (tel est le cas du marché sociétaire). J'y reviendrai. La loi Sempastous, votée en 2021, n'est entrée en application que ce 1er mars. Comme l'indiquait Robert Catherine, le poids de la propriété bâtie par rapport aux surfaces agricoles est parfois tel que nous ne pouvons intervenir. Toutefois, l'outil nous permet globalement d'intervenir tout en respectant la capacité à entreprendre et à se développer. Nous voyons notre rôle de régulation comme équilibré. Dans les faits, la Safer préempte souvent peu. Elle préempte moins de 1 % des 320 000 déclarations d'intention d'aliéner reçues chaque année. Ces préemptions représentent environ 10 % de notre activité. Le reste se réalise à l'amiable. Toutefois, les préemptions sont un peu plus nombreuses outre-mer.
L'autonomie alimentaire est un enjeu majeur. Les deux dernières crises ont encore davantage mis l'accent sur le sujet. Cette question se révèle particulièrement prégnante sur des territoires insulaires et exigus. Dernièrement, nous avons accompagné Malte sur la mise en place d'outils de régulation foncière.
Dans ces conditions, la réflexion sur le financement du service public des Safer sur un territoire ultramarin est absolument indispensable. En l'absence de Safer, l'intervention est beaucoup plus difficile. En Guyane, nous commencerons à agir dans un marché sans référence de prix. Les premières préemptions seront probablement contestées devant les tribunaux. Les Safer devront se montrer suffisamment solides pour supporter d'éventuelles condamnations. Ces considérations s'appliqueraient aussi à Mayotte. Là aussi, il conviendrait de prendre des références et des risques. De ce fait, nous souhaiterions une garantie de l'État sur certaines opérations à risque, notamment les préemptions partielles.
Enfin, le logement comme le tourisme sont régulièrement invoqués en opposition à la préservation des terres agricoles. Il est donc indispensable d'inscrire leur protection dans le marbre. C'est aujourd'hui un enjeu de société majeur, a fortiori sur des territoires contraints. L'alimentation et les réserves d'eau en dépendent.