Intervention de Brigitte Letombe

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 2 mars 2023 : 1ère réunion
Santé sexuelle et travail : quels aménagements possibles pour les femmes

Brigitte Letombe, gynécologue, membre du bureau du Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (GEMVI) :

S'agissant de la ménopause, le traitement hormonal a beaucoup souffert de la Women's Health Initiative (WHI), l'étude américaine de prévention primaire cardiovasculaire que j'ai évoquée. La population choisie était âgée de 63 ans en moyenne. 20 % des femmes avaient plus de 70 ans, avec un écart de quinze ans depuis leur ménopause. On leur a donné un traitement oral et un progestatif de synthèse qu'on n'utilise pas en France. Il faut savoir que la mortalité féminine est liée pour 35 % à des causes cardiovasculaires, contre 4 % pour le cancer du sein. Surtout, chez les Américaines, on avait pensé que les oestrogènes étaient bons pour les artères et la tension et qu'elles seraient protégées. À l'inverse, lorsqu'une femme est atteinte d'une athéromatose installée, la carence oestrogénique va la favoriser. Ces femmes n'avaient pas été traitées depuis dix ans. Elles souffraient donc d'une athéromatose installée, un problème artériel. Le fait de leur donner un traitement par voie orale a créé des accidents cardiovasculaires, des embolies pulmonaires, des infarctus ou des AVC. C'est pourtant exactement ce que l'on voulait éviter. Cette étude a alors provoqué un tsunami international.

Pour ce qui est du risque de cancer du sein, nous n'avons rien appris avec la WHI. Nous savions que le risque augmentait très peu, à hauteur de 1,3 %. Le risque, pour le traitement américain - et non le traitement français - équivaut au risque pour une femme en surpoids par rapport à une femme en poids normal, une femme sédentaire par rapport à une femme qui fait du sport, une fumeuse par rapport à une non-fumeuse ou une femme qui boit de l'alcool par rapport à une femme qui n'en boit pas. Ainsi, je ne dis pas que le risque de cancer du sein n'existe pas, mais il est minime. Il correspond à deux cancers du sein en plus, sur cinq ans, sur 1 000 femmes. Le risque s'établit aujourd'hui à 1/8, soit cinquante femmes sur 1 000. Avec le traitement hormonal à l'américaine, vous en auriez deux de plus sur cinq ans, six de plus sur dix ans.

En France, on utilise le traitement à la française, qui commence à essaimer sur le plan européen, et même chez les Américains. On utilise de l'estradiol, la molécule que secrétaient les ovaires avant l'arrêt de leur fonctionnement, et de la progestérone micronisée. Une étude européenne montre qu'après huit ans, il n'y a pas de différence de cancer du sein avec ce traitement. La voie transdermique évite en outre les risques thrombo-emboliques. Il est évident que le traitement à la française ne présente pas du tout les mêmes risques que les traitements à l'américaine.

De plus, les résultats de la WHI ont d'abord été donnés de manière brutale ; ils ont conduit à arrêter les prescriptions dans le monde entier. Quatre ans plus tard, les résultats nous ont été donnés par rapport aux tranches de vie des femmes. Il n'y avait que très peu de femmes entre 50 et 60 ans, puisqu'il s'agissait de la première étude randomisée, c'est-à-dire que certaines femmes se voyaient donner un traitement efficace, et d'autres un placebo. Entre 50 et 60 ans, les symptômes sont nombreux ; très peu de femmes pouvaient entrer dans cette étude parce qu'elles n'avaient pas de symptômes. Tout de même, au moment de la publication, ces femmes avaient moins de risques cardiovasculaires. Dix-huit ans plus tard, alors que ces femmes sont toujours suivies, on a constaté une diminution de la morbi-mortalité cardiovasculaire et de toute la mortalité chez les femmes traitées entre 50 et 60 ans. Ainsi, toutes les recommandations internationales et le dernier congrès s'étant tenu à Lisbonne en 2022 rappellent que le traitement hormonal de substitution présente une balance bénéfices-risques positive entre 50 et 60 ans dans les dix premières années. La North American Monepause Society (NAMS) elle-même a modifié ses recommandations.

Vous me parliez ensuite du temps de traitement. En France, les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ont été publiées en 2014. Depuis, énormément de choses ont changé. Nous avons fait évoluer les recommandations pour la pratique clinique (RPC). Nous reprenons toute la bibliographie internationale pour répondre à des questions. Ces RPC ont été publiées en 2021, sans aucune recommandation de temps de traitement. Tout dépend de la raison pour laquelle vous le donnez. Tous les ans, la balance bénéfices-risques doit être évaluée en fonction de l'histoire familiale et personnelle de la patiente, en fonction de son état de santé général. Le traitement hormonal peut être arrêté pour telle ou telle raison. Il peut également être poursuivi, dès lors qu'une symptomatologie climatérique persiste à l'arrêt ou en cas de fragilité osseuse que l'on veut éviter, par exemple. Il est simplement important de conserver une vraie évaluation annuelle du traitement, mais il n'y a pas de recommandation d'arrêt à cinq ou sept ans, par exemple. Ce n'est écrit nulle part. Si quelqu'un vous l'a dit, il doit vous le prouver.

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