Intervention de Emmanuel Levacher

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 mars 2023 à 9h30
Loi de programmation militaire — Audition de M. Emmanuel Levacher président d'arquus

Emmanuel Levacher, président d'Arquus :

Merci pour votre invitation. Arquus appartient au groupe AB Volvo, à distinguer de Volvo Cars. Ce groupe international a réalisé un chiffre d'affaires de 42 milliards d'euros l'année dernière, et dispose de sites de production dans plus de 18 pays. Le groupe recouvre un certain nombre de marques, notamment de camions ou d'engins de construction, à l'image de Renault Trucks puisque le groupe Volvo avait racheté Renault VI en 2001. Renault Trucks Défense faisait partie de Renault Trucks. Les acquisitions de Panhard et d'ACMAT ont permis de former, en 2018, Arquus.

Le groupe AB Volvo est très décentralisé, par unité d'affaires. Arquus est l'une de ces unités, filiale à 100 % du groupe, avec une grande autonomie de gestion, de stratégie et de moyens, mais aussi une responsabilité quant aux résultats attendus par notre actionnaire unique.

Nous sommes une entreprise de taille intermédiaire (ETI), avec 550 millions d'euros de chiffre d'affaires et 1 500 collaborateurs. L'âge moyen est de 40 ans et la féminisation atteint 24 % - nous travaillons à augmenter ce taux. Chaque année, nous embauchons 150 personnes, ce qui s'est maintenu malgré le covid. Notre implantation est à 100 % française, de même que celle de la plupart de nos fournisseurs.

Arquus est un partenaire historique de l'armée de terre, pour tout ce qui roule sur roues, que nous fournissons seuls ou en partenariat, notamment avec Nexter. C'est le cas, entre autres, des flottes de petits véhicules protégés (PVP), de camions, de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) et de Caesar. Nous participons aussi au programme Scorpion pour les engins blindé multi-rôles (EBMR), c'est-à-dire Jaguar et Griffon, avec des volumes a priori maintenus en termes de cibles. Nous fournissons les véhicules des forces spéciales et les véhicules tactiques 4X4 (VT4), dont la production s'achève.

La LPM irrigue l'activité de nos sites industriels. Saint-Nazaire produit les VT4, et c'est là que nous régénérons des véhicules blindés légers (VBL). C'est à Limoges, site historique de Renault, que nous assemblons les kits de mobilité Griffon et Jaguar, ainsi que des véhicules pour l'export. Marolles-en-Hurepoix (Essonne) est le lieu de réalisation des tourelleaux et d'autres organes mécaniques du programme Scorpion. Enfin, à Garchizy, dans la Nièvre, nous avons des activités de logistique pour les pièces de rechange, de fabrication de caisses blindées et de régénération des véhicules de l'avant blindés (VAB).

Nous sommes aussi un acteur important du maintien en condition opérationnelle (MCO) : nous entretenons 10 000 camions et 5 000 blindés, ce qui représente 40 % de notre chiffre d'affaires soit 200 millions d'euros pour 2022, essentiellement pour la France.

Nous exportons essentiellement vers l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud et du Sud-Est. Ces flux d'export sont souvent plus erratiques que les programmes France. Nous avons des activités ou des prospects y compris dans des zones que vous avez évoquées, Monsieur le Président, en Europe centrale et orientale : Estonie, République tchèque, Ukraine, Roumanie et Suède.

Quels sont aujourd'hui les défis pour une entreprise comme la nôtre, en tant qu'acteurs de la base industrielle et technologique de défense (BITD) terrestre ? On a effectivement beaucoup parlé d'économie de guerre. Je ne pense pas que nous soyons encore pleinement en économie de guerre, mais l'industrie a été sollicitée pour produire plus, plus vite, moins cher. Nous participons à des groupes de travail. Ces travaux sont encore en cours. Pour notre part, nous n'avons jamais cessé d'investir sur nos sites pour les moderniser, pour rendre plus efficaces les activités de fabrication et de réparation. Nous n'avons jamais cessé non plus de solliciter notre propre chaîne d'approvisionnement, où se trouvent souvent les goulots d'étranglement.

Nous fabriquons les porteurs CAESAR MK1, c'est-à-dire la génération actuelle : trente-six sont en cours de fabrication pour le compte de Nexter, et nous avons réactivé une chaîne d'assemblage à Limoges pour cela, dans des délais que nous avons pu raccourcir en anticipant certains approvisionnements. C'est un cas d'école de la difficulté à relancer une production et des chaînes d'approvisionnement pour un volume finalement limité. Nous sommes force de proposition pour accompagner la volonté du ministère des armées et de la direction générale de l'armement (DGA), par exemple en proposant du matériel sur étagère ou régénéré, ou en suggérant des pistes de simplification pour accroître l'agilité des programmes.

Dans notre paysage de programmes actuels et futurs, certains éléments restent mouvants. Les livraisons Scorpion doivent normalement aller jusqu'à 2030 voire un peu au-delà. Les cibles en volume sont confirmées, mais il se pourrait qu'il y ait des étalements ou des lissages dans la future LPM, ce qui évidemment n'est pas une bonne nouvelle pour les entreprises du secteur. Nous nous adapterons.

Nous ne sommes pas impliqués directement dans les chars pour lesquels Nexter est l'acteur principal mais un certain nombre de questions se posent également à ce sujet. Nous sommes plus directement concernés, avec un risque d'étalement, par le renouvellement des camions tactiques et logistiques de l'armée de terre. Une première tranche concernera des citerniers de nouvelle génération. Un appel à candidatures a été lancé, concernant jusqu'à 800 véhicules, probablement par tranches successives. Seule une partie du renouvellement de ces flottes est enclenchée pour le moment.

Nous attendons aussi, dans la prochaine LPM, le programme de véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE), qui remplacera le VBL. Il bénéficie de financements du Fonds européen de défense pour certaines briques technologiques. Nous surveillons aussi le marché sur l'engin du génie de combat et les premiers appels d'offres relatifs aux robots.

Ces programmes seront-ils maintenus dans la future LPM, dans des délais nous permettant d'envisager rapidement des activités de développement et de production ? C'est la source de certaines inquiétudes, dans un contexte géopolitique où on peut comprendre que certains autres secteurs soient remontés en haut des priorités.

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