Sur l'articulation entre les programmes 146 et 178, nous espérons, puisque nos activités relèvent des deux domaines, un effet de vases communicants. En effet, la régénération est l'une de nos spécialités, qu'il s'agisse des VAB ou des camions GBC. C'est, pour nous, une condition critique pour durer et occuper nos usines en attendant la réalisation des programmes neufs. Mais ce transfert entre programmes n'a rien d'automatique. Un autre curseur important sera de savoir ce qui est confié aux industriels et ce qui reste effectué par l'État. Il faut maintenir un certain niveau de sous-traitance, compte tenu de moyens publics limités. Nous serons vigilants, en comptant notamment sur vous.
La taxonomie est une réalité de plus en plus pressante. Le léger assouplissement lié au choc de l'invasion russe n'a pas empêché un retour à la tendance : on continue à pointer du doigt l'industrie de défense comme non durable. Cela touche le financement mais aussi, plus largement, l'ensemble des acteurs susceptibles de participer à l'industrie de défense. Par exemple, un salarié peut se voir refuser un crédit immobilier parce qu'il travaille pour l'industrie de défense. Cela montre l'ampleur de cette pression malsaine subie par l'industrie, incompatible avec la nécessité reconnue de remonter en puissance.
Nous souhaitons la remontée du MCO terrestre dans le cadre du programme 178 et nous sommes en ordre de marche. Nous avons investi dans certains de nos sites industriels à cette fin. Nous avons spécialisé notre usine de Saint-Nazaire à 100 % dans des activités de réparation et de régénération. Nous avons créé un hub logistique des pièces de rechange à Garchizy, où l'on revalorise aussi les VAB. Nous sommes donc prêts. Bien sûr, cela suppose que la chaîne d'approvisionnement suive. L'âge de certains matériels, comme les VAB et les GBC 180, pose des difficultés, mais c'est notre travail de gérer les obsolescences, de trouver de nouveaux fournisseurs ou de nouvelles technologies, comme l'impression 3D.
Le programme CaMo est un excellent montage. Nous espérons qu'il sera reproduit avec d'autres partenaires. C'est un alignement des planètes entre les opérations militaires, les achats étatiques et les industriels. C'est un exemple de coopération européenne qui fonctionne, avec des matériels calqués sur les matériels français, donc parfaitement interopérables. La production ne sera pas décalée par rapport aux plans initiaux. Les premières productions de Griffon démarreront en 2024 et se réaliseront en 2025. Nous commençons, comme prévu, à intercaler les productions CaMo dans les productions Scorpion pour la France. Si le programme Scorpion France est étalé, cela laisserait de la place pour CaMo. Ce programme ouvre aussi des perspectives pour de nouvelles briques communes : pourquoi pas pour le VBAE, ou d'autres matériels ?
Scarabee est, en effet, un démonstrateur que nous avions présenté à Eurosatory dès 2018. Nous n'avons pas de pays client à ce stade, mais nous y travaillons. Je ne crois pas qu'il sera adopté tel quel par la France, mais c'est une base sur laquelle nous nous appuierons pour concevoir le VBAE.
Par ailleurs, produire plus, plus vite, moins cher, c'est l'injonction qui nous est faite par le Président de la République et le ministère des armées. Nous faisons tout pour y répondre, mais ce n'est pas toujours simple. Pour produire moins cher, encore faut-il que la hausse de volume soit significative. Produire plus vite suppose d'anticiper et de stocker des composants et matières premières, mais c'est un risque, qui nécessite des financements. En tant que chef d'entreprise, responsable vis-à-vis de ses actionnaires, je ne peux pas prendre de risques inconsidérés.
Nous n'avons pas de difficulté particulière de financement parce que nous n'avons pas besoin de faire appel aux banques, sauf pour certaines opérations d'export, qui nous obligent parfois à nous tourner vers des banques locales ou plus exotiques, mais nous restons moins touchés que beaucoup de nos fournisseurs et de plus petites entreprises.
À ce sujet, nous voyons que certains de nos sous-traitants sont en difficulté, souvent en lien avec le contexte général d'inflation et de ruptures d'approvisionnement. Or, c'est là que le soutien est le plus nécessaire : toute la chaîne doit accélérer. C'est la quadrature du cercle car ces acteurs sont fragilisés mais de plus en plus sollicités. Nous sommes confrontés à des injonctions contradictoires qui stressent le système. Nous aidons certains fournisseurs, par exemple en payant directement l'achat de leurs matières premières, mais nous ne pouvons pas le faire systématiquement.
Vous m'interrogez sur la possibilité de légiférer : je ne sais pas si cela suffirait à tordre le bras du système bancaire, soumis à des législations étrangères et à des contraintes commerciales plus globales. Bien sûr, toute amélioration serait bienvenue.
Sur l'actionnariat d'AB Volvo, Geely, déjà propriétaire de Volvo Cars, a en effet pris une participation en 2017 dans AB Volvo. Geely est un actionnaire relativement important par sa taille, même si un autre fonds - suédois - a plus de poids, mais c'est un actionnaire discret, voire passif. En toute transparence, je vous indique que cet actionnaire n'a aucune prise ni sur l'activité ni sur la gestion d'une société comme la nôtre, ni même au niveau du groupe. Ce n'est pas une contrainte ou un problème à ce jour.
L'optimisation énergétique des blindés est un vaste champ d'innovation : comment trouver de nouvelles sources d'énergie pour les matériels de défense, comment stocker plus d'énergie pour faire fonctionner des systèmes plus consommateurs et créer des capacités opérationnelles nouvelles ? Je pense à l'électrification et à l'hybridation des chaînes cinématiques. Nous le faisons nativement dans Scarabee, et nous l'avons proposé pour Griffon. L'électrification permet d'économiser l'énergie, de donner plus d'autonomie aux véhicules et de réduire le bruit associé à certains systèmes d'observation, voire d'armement. Nous avons des démonstrateurs avec la DGA et d'autres partenaires, et nous travaillons à d'autres solutions telles que l'hydrogène.
Monsieur le président, nous mettons régulièrement en avant le décalage entre la sophistication du cahier des charges français et les attentes à l'exportation. Arquus apporte des solutions à ce problème depuis longtemps : en parallèle des programmes français, nous développons des gammes plus simples destinées à l'export vers l'Afrique, l'Asie du Sud et du Sud-Est : Sherpa, Bastion, VAB Mk3 par exemple. Nous vendons par exemple en Indonésie, des Sherpa, des VAB, en partenariat avec des industriels locaux. La simplicité est un facteur de compétitivité pour garder nos parts de marché à l'export. L'alternative suppose des schémas de type CaMo, des accords d'État à État, bien plus complexes et coûteux. Cela signifie que nous devons gérer différentes gammes de produits, ce qui induit une certaine complexité.
Nous recrutons régulièrement sur nos bassins d'emplois qui sont très différents les uns des autres. Nous rencontrons différents types de difficulté. La concurrence rude sur le marché du travail pour les ingénieurs et les techniciens entraîne une « guerre des talents », comme en région parisienne. Dans ce cas, il nous faut être attractif, pour attirer les candidats.
Dans d'autres bassins, pour les emplois d'ouvrier et d'opérateur, la difficulté tient au nombre insuffisant de candidats. Nous avons développé en interne des écoles de métiers où nous formons nous-mêmes les candidats à la mécanique, la soudure etc. Nous trouvons toujours des solutions mais il faut se battre.