Madame la ministre, merci d'avoir accepté notre sollicitation pour cet échange par audioconférence au lendemain d'un Conseil européen très attendu. Nous vous entendons un mois à peine après notre dernière réunion, qui suivait le Conseil européen du 26 mars, au tout début de la période de confinement.
Ce laps de temps aura été dense : en quatre semaines, l'Union européenne est parvenue à construire une réponse tous azimuts à la crise sanitaire qui la frappe aujourd'hui, comme elle frappe l'ensemble de la planète, ainsi qu'au choc économique qui en découle et qui s'annonce très profond.
Dans leur déclaration commune du 26 mars 2020, les chefs d'État ou de gouvernement des États membres avaient mandaté les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne pour coordonner leur action en vue de la levée progressive du confinement. C'est chose faite grâce à l'accord intervenu la semaine dernière sur des lignes directrices communes pour encadrer cette étape. Il devrait permettre de garantir un équilibre entre l'impératif de sécurité sanitaire et le respect de nos valeurs fondamentales.
Il leur était demandé de s'accorder sur un plan de relance et d'investissement sans précédent. Une feuille de route commune, élaborée par le président Michel et la présidente von der Leyen, a donc été discutée hier au Conseil européen. Elle appelait notamment à un effort d'investissement commun et massif, qui viendrait compléter le plan de 540 milliards d'euros arrêté par l'Eurogroupe le 9 avril et reposant sur le Mécanisme européen de stabilité (MES), la Banque européenne d'investissement (BEI), et le nouveau dispositif SURE de financement du chômage partiel.
Il semblerait pourtant que le Conseil européen n'ait pas réussi hier à convenir d'une capacité commune d'endettement à la hauteur de la crise. L'Union européenne se trouve à un moment de vérité : son unité serait mise en péril si elle laissait à l'abandon les États les plus frappés par le virus, d'autant que ceux-ci se trouvent être les plus fragiles financièrement. Sa place dans le monde serait menacée si elle n'apportait pas une réponse économique aussi forte que le choc subi.
Thierry Breton, que nous avons auditionné lundi, a précisément insisté sur la nécessité d'assurer des conditions loyales de concurrence entre les continents et de doter l'Europe d'un plan de relance d'ampleur comparable à celui engagé par nos partenaires américain et chinois, autour de 10 % de leur PIB.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si les positions des États membres sont en voie de converger sur ce sujet ? La solution qui consisterait à utiliser plutôt le budget européen pour financer cette relance est-elle mieux reçue par nos partenaires les plus rétifs que l'hypothèse d'un fonds dédié ? Le débat sur la création de nouvelles ressources propres de l'Union européenne a-t-il repris ? S'agira-t-il, avec ce plan de relance, de financer des prêts aux États ou des transferts vers les secteurs ou régions les plus affectés ?
Imaginons qu'un accord soit trouvé sur les modalités de financement de la relance au prochain Conseil européen, début mai. Voyez-vous se dégager un consensus sur les priorités de ce plan ?
On évoque un consensus grandissant autour de la notion d'autonomie stratégique de l'Union européenne : quelle en sera la traduction concrète dans le nouveau cadre financier pluriannuel que prépare la Commission ? Le budget consacré à la politique agricole, dont le caractère stratégique est désormais reconnu, sera-t-il revu à la hausse ? L'articulation de la politique de concurrence avec la politique industrielle sera-t-elle modifiée pour restaurer l'autonomie de l'Union européenne là où la crise a montré que c'était nécessaire ?
Nous voyons à cet égard un début encourageant d'assouplissement des règles de concurrence au bénéfice des secteurs les plus touchés, comme l'agriculture ou le transport aérien, mais cela reste timide.