Intervention de Emmanuel Capus

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 avril 2020 à 10h00
Institutions européennes — Échange avec mme amélie de montchalin secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes à la suite du conseil européen du 23 avril 2020 par téléconférence

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Madame la ministre, l'ordre du jour du Conseil européen qui s'est tenu hier visait notamment à déterminer une feuille de route commune pour la relance de l'économie européenne, mise à l'arrêt de façon brutale par l'épidémie de Covid-19. L'accord trouvé par l'Eurogroupe le 9 avril dernier constituait une base de discussion, mais éludait la question d'une possible mutualisation des dettes entre les États membres.

Le recours à un fonds de relance, dont la nature était à définir, a ainsi permis de renvoyer au Conseil européen la délicate tâche de clarifier les caractéristiques de ce nouvel instrument budgétaire. Or au terme des échanges qui se sont tenus hier, force est de constater que cette question n'a pas encore été résolue et que les désaccords entre les États membres persistent toujours.

Ce fonds de relance pourrait prendre plusieurs formes. Il pourrait se traduire par l'émission de titres de dettes communs, abaissant ainsi le coût de l'emprunt pour les États membres. Néanmoins, cette option n'élude pas le problème de la progression de la dette publique, qui devient insoutenable pour certains États membres.

Ce fonds pourrait également permettre des transferts budgétaires entre États membres, mais il reste à définir les pays bénéficiaires et l'articulation d'un tel dispositif avec le budget de l'Union européenne.

Toutes les options restent ouvertes et renvoient, comme toujours, à l'un des problèmes existentiels de l'Union européenne : où faut-il placer le curseur de la solidarité entre les États membres ?

Un prochain Conseil européen devrait se tenir début mai afin de poursuivre ces débats. D'ici là, nous pouvons toutefois nous réjouir que les États membres se soient accordés sur les trois volets de l'accord de l'Eurogroupe, à savoir la mobilisation d'une ligne de crédit du MES, le dispositif de refinancement des mécanismes de chômage partiel et la mobilisation de la BEI.

Madame la ministre, la crise économique résultant de la crise sanitaire appelle à la prise de mesures urgentes pour nos entreprises. Or le chemin d'une relance budgétaire coordonnée au sein de l'Union européenne s'annonce long et difficile. Dans cette perspective, plusieurs inquiétudes doivent être relayées.

Premièrement, si le plan de relance budgétaire au niveau de l'Union européenne n'est pas assez ambitieux, le soutien de l'économie reposera uniquement sur l'action de la BCE, qui a montré ses limites lors de la dernière crise.

Deuxièmement, la réduction des déséquilibres financiers au sein de la zone euro devrait être l'un des objectifs du plan de relance après-crise. Elle devra permettre le rattrapage des régions les plus en difficulté économiquement et encourager l'investissement dans les États membres qui bénéficient d'excédents budgétaires, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas.

En effet, la fragilité de la zone euro tient à son hétérogénéité, qui rend d'autant plus difficile la résilience en cas de choc économique comme celui que nous connaissons.

Troisièmement, l'articulation de ce fonds de relance avec le budget pluriannuel de l'Union européenne doit être débattue. Le président de l'Eurogroupe, Mário Centeno, s'est exprimé en faveur d'une dissociation de ces deux instruments. Le plan de relance doit être opérationnel très rapidement, au plus tard l'été prochain. Sa mise en oeuvre doit être facile et innovante, plus satisfaisante que celle des fonds structurels de la politique de cohésion.

Je m'interroge dans ce contexte sur l'avenir de l'instrument budgétaire et convergence et de compétitivité (IBBC), anciennement désigné comme le budget de la zone euro. Ne devrait-il pas être intégré au sein de ce fonds de relance ?

Enfin, la perspective d'un nouvel accord a minima ferait porter un lourd tribut politique à l'Union européenne, dont la crédibilité a déjà été entamée par la paralysie des négociations liées au Brexit et par son incapacité à surmonter les blocages lors des négociations du prochain cadre financier pluriannuel.

L'Union européenne ne peut se le permettre. Elle doit être en grande partie la solution à cette crise et se doit d'être au rendez-vous pour apporter une réponse globale, concrète et efficace.

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