Merci pour toutes ces questions. Concernant la stratégie minière, nous avons une véritable vision de nos besoins, notamment en ce qui concerne lesterres rares - mais pas uniquement. Pour mettre en place la stratégie numérique et la stratégie verte, nous avons besoin de composants aujourd'hui fournis essentiellement en Chine. Nous avons une capacité importante dans nos sous-sols en Europe, mais devons avoir la possibilité de les extraire selon nos normes, en tenant compte des populations locales, de l'environnement, de la biodiversité, mais aussi des évolutions et progrès technologiques. Nous y travaillons. Nous pouvons attendre de nombreux progrès en matière technologiques de la part de nos entreprises européennes pour répondre à nos critères, que nous pourrons ensuite exporter sur d'autres lieux d'exploitation, notamment en Afrique.
Vous m'avez interrogé sur la taxonomie. Vous avez compris quelle était ma position : il faut y inclure le nucléaire. Il s'agit d'une énergie de transition. Le progrès continuera, nous le finançons. Je suis convaincu qu'au-delà de l'éolien et du photovoltaïque, la fusion nucléaire sera exploitée. Si nous considérons que ce deuxième acte délégué de taxonomie concerne les énergies de transition, il me semble qu'y inclure le nucléaire est un compromis possible, tout comme y inclure le gaz. Je suis plus optimiste aujourd'hui que je ne l'étais il y a quelques mois. Le Président de la République a été très explicite à ce sujet et, il me semble, convaincant, puisqu'une majorité au Conseil européen a suivi cette position. Je rappelle néanmoins que le choix du mix énergétique est une prérogative de la souveraineté des États.
S'agissant d'EDF, les discussions se poursuivent et n'ont pas encore abouti. Je ne peux me substituer à ma collègue Mme Vestager, qui mène les négociations, mais je suis attentivement le sujet.
La boîte à outils a, quant à elle, pour objet de permettre de traverser une situation temporaire de prix très élevés des énergies. 36 millions de personnes sont en difficulté. Ce dispositif a été adopté par un nombre important de pays. La France a eu raison d'utiliser le principe du chèque, dont la mise en oeuvre est plus rapide, et qui est plus efficace que la réduction des taxes, car plus ciblé. Nous pourrons reconduire le dispositif le cas échéant. Plus de 10 pays s'en sont actuellement saisis.
En ce qui concerne le marché de l'énergie, je voudrais rappeler que la dérégulation a été votée par tous les États, à trois reprises ; ce n'est pas la Commission qui a pris la décision.
À propos, la Commission ne vote pas les lois. Notre démocratie européenne est fondée, comme la démocratie nationale, sur la représentation du peuple d'une part, via le Parlement européen, et sur la représentation des territoires d'autre part, via le Conseil.
Plus que la déréglementation du marché de l'énergie, c'est l'interconnexion qui est importante ; or elle est inachevée et doit être renforcée -- pour certains pays isolés, comme l'Espagne et le Portugal -, surtout dans une Europe qui sera de plus en plus électrifiée. Il est vrai, cependant, qu'on peut s'interroger sur la corrélation du prix de l'électricité avec celui du dernier entrant. Mais ce mécanisme, voté par les États, a une raison d'être : favoriser la décarbonation et l'émergence sur le marché de capacités de production décarbonées. Au regard de l'ambition, y compris en matière de stockage et d'hydrogène, nous devons utiliser toutes nos ressources, dont le nucléaire. Nous avons demandé à l'ACER (Agence de coopération des régulateurs de l'énergie), l'instance européenne de contrôle de l'énergie, de réaliser une étude pour mettre à jour la corrélation entre le dernier entrant et le prix du gaz et de l'électricité. Mais c'est une réflexion de long terme, indépendante de la crise que nous traversons actuellement.
S'agissant de l'économie numérique, le DSA et le DMA répondent précisément aux questions que vous avez soulevées, à savoir notre capacité à être maîtres de notre destin numérique, à faire en sorte que ce qui est interdit dans l'espace physique le soit aussi dans l'espace numérique et réciproquement. Les principes sont simples, mais leur mise en oeuvre est compliquée. Il s'agit de règlements, dont l'application se fera de manière uniforme dans tous les États, avec un pouvoir d'intervention important attribué à la Commission. Les discussions sur le DMA sont bien avancées : le sujet est désormais à la main des co-législateurs.
Enfin, sur le quantique, d'importants investissements ont été consentis par la Commission européenne pour rattraper notamment la Chine. Nous ne sommes pas en retard, car nous avons de nombreuses compétences en Europe : en France, en Autriche, en Allemagne, aux Pays-Bas, etc... Nous devons conserver cette avance. Le quantique apportera d'immenses bénéfices dans beaucoup de domaines, comme la chimie : les développements très rapides de vaccins à ARN messagers ont été permis par des ordinateurs pétaflopiques et pré-exascales. On voit bien l'importance de la modélisation, qui sera accrue par les algorithmes, poussés par les accélérateurs quantiques. Ces derniers devraient être opérationnels dans les cinq prochaines années ; pour les ordinateurs quantiques, il faudra attendre un peu plus longtemps.
Vous avez eu raison d'évoquer les applications du quantique pour la sécurité de nos réseaux. Nous travaillons aujourd'hui sur des protections post-quantiques. C'est la raison pour laquelle j'oeuvre en faveur des cryptologies quantiques, y compris en matière spatiale.
Nous voulons avoir la possibilité d'offrir une redondance, y compris spatiale, par rapport à nos réseaux terrestres, dont nous avons perçu la vulnérabilité durant la crise de la covid. J'oeuvre donc en faveur d'une constellation satellitaire, qui aura aussi une dimension de cryptologie quantique et post-quantique, pour assurer des communications intergouvernementales cryptées. Cette constellation doit être souveraine.
Les Anglais ne font aujourd'hui plus partie de l'Union européenne ; nous en avons tiré des conclusions sur Galileo, programme auquel ils ne participent plus, car le positionnement stratégique par satellite est une question trop sensible.