Intervention de Jean-Marie Darmian

Mission commune d'information sur le sport professionnel — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marie daRmian maire de créon représentant l'association des maires de france amf

Jean-Marie Darmian, maire de Créon, représentant l'Association des maires de France (AMF) :

Je suis co-responsable, à l'AMF, du groupe de travail sur le sport, représentant de l'AMF au sein du Conseil national du sport, ainsi qu'au sein du Haut conseil de la vie associative, et secrétaire adjoint de l'AMF pour quelques mois encore, ayant décidé de mettre un terme à mes mandats électifs.

J'ai été, durant 22 ans, journaliste sportif. Mon point de vue ne repose donc pas sur une vision strictement politique du monde du sport.

Les relations entre l'AMF et le milieu du sport professionnel sont complexes. La loi de 1984 fondant les relations entre les collectivités et le sport professionnel stipule que les collectivités peuvent aider ou subvenir aux besoins des clubs sportifs ou des associations qui, d'une manière ou d'une autre, incitent à la pratique sportive. Les collectivités territoriales, qu'elles soient départementales, régionales, ou communales, n'ont donc pas, ès qualités, de lien direct avec le sport professionnel, si ce n'est à travers leurs modes de financement. Dans les années 1970-1980, quelques maires avaient associé la collectivité territoriale à la vie du club par le biais de sociétés d'économie mixte (SEM). La plus célèbre était alors celle de Lille.

Le second mode de financement était celui de la subvention directe, comme à Marseille, au temps du président Leclerc et de Gaston Defferre : on demandait une subvention, que l'on obtenait. Quand il n'y avait plus d'argent, on en demandait une nouvelle.

La troisième solution, que des clubs célèbres ont utilisée durant des années, était la caution d'emprunt. Les mairies se portaient garantes de l'engagement des clubs professionnels à l'égard des banques, faisant jouer les cautions. On a ainsi vu des joueurs professionnels payés par des emprunts à vingt ou trente ans.

La situation n'est toujours pas clarifiée. Votre mission aura un rôle important à jouer de ce point de vue, la ministre des sports voulant refonder par une loi les rapports entre sport professionnel et sport amateur. Actuellement, il n'existe pas de code précis d'activité.

Les subventions directes des communes au titre du sport professionnel atteignent des chiffres relativement faibles, mais les subventions « annexes » (achat de places, sponsoring partenarial, travail avec les centres de formation, prestations de communication ou présence de joueurs lors de manifestations) représentent des montants conséquents. Le montant de subventions autorisé par la loi est très faible. Pour certains clubs, elle se limite à 30 000 euros. On peut estimer que c'est très peu, mais cette somme est affectée aux centres de formation. L'AMF, quant à elle, serait plutôt favorable à une loi allant vers le sport pour tous.

La participation des collectivités territoriales aux grandes manifestations sportives constitue un autre problème. En matière d'investissements, la difficulté majeure vient du fait que les collectivités territoriales investissent à long terme sur des performances sportives aléatoires.

J'ai siégé au Comités des grands équipements sportifs (COGEQUIS) qui devait approuver, avant toute demande de subvention au Centre national pour le développement du sport (CNDS), les appels de fonds effectués par les collectivités territoriales pour les grands stades et les Arénas. Nous avions de mal à juger de la rentabilité économique d'un équipement qui atteignait parfois des sommes extraordinaires. Le CNDS a été en grande partie vidé de ses fonds du fait de l'aide, à la rentabilité réelle mal définie, apportée aux grands équipements de la coupe d'Europe de football, ainsi qu'aux Arénas.

L'AMF n'encourage pas les collectivités territoriales à participer directement à l'équipement dédié au sport professionnel, sauf si cet équipement présente un intérêt en matière de sport de masse.

Le troisième point que je veux évoquer devant vous concerne le problème des relations contractuelles entre une collectivité et un club professionnel, lorsque celui-ci ne fonde ses recettes que sur des résultats sportifs. En effet, tout aléa sportif entraîne automatiquement un déséquilibre financier, qu'il s'agisse de football, de rugby ou de basket. La ville de Strasbourg s'est ainsi retrouvée brutalement sans club professionnel, et a été obligée d'assurer le maintien d'un stade qui lui coûtait, selon l'enquête que j'avais menée, 20 000 euros par semaine, sans qu'un match n'ait lieu dans cette enceinte.

Comment une collectivité territoriale peut-elle établir des relations avec le sport professionnel si elle n'a pas de garantie sur la fiabilité de la structure qui va l'exploiter -sauf si des utilisations annexes justifient cet investissement et garantissent son fonctionnement ? Il appartient à la loi de clarifier la situation.

Vous savez que l'Europe se partage aujourd'hui en services d'intérêt général économique ou non économique. Il sera a priori difficile de considérer les structures professionnelles sportives comme ne présentant pas un intérêt général économique. La subvention indirecte deviendra donc impossible dans la quasi-totalité des cas. On peut compter sur la Cour des comptes pour relever ce point.

Quant au service d'intérêt général non économique, il faudra démontrer la valeur sociale de l'engagement de la structure, ce qui réduira considérablement la participation des collectivités territoriales.

Il manque actuellement, en France, 30 000 équipements sportifs de proximité. Or, ceux-ci ne peuvent plus être subventionnés par le CNDS. Il faudra donc que la loi revoie la manière de concevoir les investissements.

Le souhait de l'AMF est de plafonner les investissements publics, afin de ne pas entraîner la chute de la collectivité. Dans beaucoup de pays d'Europe, ces investissements sont assurés par l'entreprise sportive elle-même, et non par la collectivité territoriale.

Pour autant, l'AMF n'a pas, dans ce domaine, de politique déterminée, le sport professionnel touchant moins de 200 villes sur 36 000 communes.

Vous avez par ailleurs posé une question sur la refonte des compétences. Si des collectivités doivent être concernées, l'AMF estime que cela ne peut se faire qu'à l'échelle des régions. On voit bien que la plus grande partie des gens qui fréquentent un stade de football ne vient pas nécessairement de la ville dans laquelle est implanté le stade, mais d'une région bien plus large. Ce n'est donc pas nécessairement à la ville centre de supporter les dépenses, ni de faire fonctionner les clubs professionnels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion