Intervention de Patrice Weisheimer

Mission commune d'information sur les rythmes scolaires — Réunion du 19 février 2014 à 14h35
Audition de M. Patrice Weisheimer secrétaire général du syndicat de l'éducation populaire sep-unsa Mm. Ahmed Hamadi et bouziane brini de l'union des syndicats des personnels de l'animation des organisations sociales sportives et culturelles uspaoc-cgt ; mmes catherine sergent secrétaire générale adjointe en charge de l'animation et béatrice beth-desmazieres du syndicat national des artistes et des professionnels de l'animation du sport et de la culture snapac-cfdt

Patrice Weisheimer, secrétaire général du Syndicat de l'éducation populaire :

Je vous remercie de nous accueillir pour évoquer la réforme des rythmes éducatifs. C'est cette expression que nous utilisons plutôt que celle de rythmes scolaires, afin de conjurer le risque du scolarocentrisme. La réforme engagée par le Gouvernement va dans le bon sens ; elle constitue une avancée réelle. Le projet éducatif de territoire (PEDT) ouvre enfin la voie à la coéducation. La création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) en forme le complément essentiel car elle permettra la formation de l'ensemble des acteurs du monde éducatif dans des lieux communs ouverts à l'éducation populaire. J'ai dit que pour la première fois, la coéducation était mise en place dans les territoires. Je n'oublie pas les initiatives précédentes, comme les contrats bleus par exemple, mais celles-ci étaient pilotées par le ministère de la jeunesse et des sports. C'est aujourd'hui la première fois que l'éducation nationale prend toute sa place dans ce mouvement collectif.

Il est encore difficile de dresser un bilan même partiel de la réforme des rythmes éducatifs. La préparation de la rentrée 2013 a été un peu compliquée ; l'ensemble des partenaires ont dû travailler en commun sous une certaine pression, ce qui a produit des résistances. L'essentiel est que le processus de collaboration soit désormais lancé. Ce n'est que dans le long terme qu'il se stabilisera et produira tous ses effets. Le vrai bilan ne pourra être fait que dans dix ans.

Je reviens sur quelques difficultés. Encore une fois, la réforme a été lancée dans la précipitation. Cela s'est vu, y compris dans la publication de circulaires d'application avant même que le Parlement ne se soit prononcé sur la loi de refondation de l'école de la République. Deuxième difficulté : la poursuite de la révision générale des politiques publiques (RGPP), sous le nouveau nom de « modernisation de l'action publique » (MAP), a significativement diminué la capacité des corps déconcentrés de l'État à accompagner la réforme. En particulier, le nombre des conseillers « jeunesse, sport et vie associative » en services déconcentrés a chuté de 1 500 à 500 en quelques années.

J'aimerais également revenir sur l'organisation de la semaine scolaire. Premièrement, il est regrettable au vu du consensus relatif entre les chronobiologistes que le mercredi matin ait été préféré au samedi matin dans la plupart des écoles. Parfois ce choix contredit le souhait exprimé par la majorité des enseignants ; c'est le cas, par exemple, à Strasbourg. En outre, la gestion de la pause méridienne cristallise les conflits entre les différents corps professionnels. Les enseignants se plaignent notamment de l'excitation des élèves en début d'après-midi lorsqu'ils ont été pris en charge par les animateurs. Il nous faut réfléchir au moyen de ménager des temps de relaxation suffisants pour les enfants. La formation des intervenants sera un levier essentiel pour professionnaliser l'accueil et déminer les tensions.

La gestion des infrastructures pose d'autres problèmes. Elles appartiennent aux collectivités territoriales qui théoriquement, peuvent les utiliser à leur gré en dehors du service. Mais les enseignants ont beaucoup de mal à quitter leur classe et à permettre aux intervenants de les utiliser. Si, par ailleurs, il est fait recours à d'autres locaux et équipements que ceux des écoles il faut décompter les temps de transport du temps global des activités périscolaires, ce qui en diminue l'efficacité tout en générant des problèmes logistiques supplémentaires. Il est indispensable que pour l'avenir nous repensions l'implantation et l'utilisation des infrastructures scolaires et périscolaires afin de les adapter aux différents publics et aux activités complémentaires qui doivent y être accueillies. Nous n'en sommes pas encore là.

Les intervenants dans les temps périscolaires sont particulièrement inquiets des dérogations de droit commun obtenues par l'association des maires de France. Je vise la diminution des taux d'encadrement dans le cadre d'une expérimentation sur trois ans et les dérogations aux exigences de diplôme qui, jusqu'à présent, ne portaient que sur la période des congés mais qui s'étendent désormais au-delà. Nous ne disposons pas de véritables perspectives sur le devenir de ces dérogations à l'expiration du délai de trois ans. Seront-elles pérennisées au risque d'une fragilisation du droit commun ? Nous ne pensons pas qu'il faille aller vers une généralisation du brevet d'aptitude aux fonctions de direction (BAFD), dont je rappelle qu'il constitue un diplôme de l'animation volontaire. Nous considérons au contraire qu'il faut développer les diplômes de professionnels au moins de niveau IV. Nous ne savons toujours pas ce que le Gouvernement et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) souhaitent faire dans trois ans. Nous pourrions accepter la montée en puissance du BAFD si, en échange, nous obtenions un effort significatif permettant de mettre sur pied un véritable plan de formations qui dynamisera les diplômes professionnels.

Il faut également favoriser les organisations des rythmes scolaires qui permettent des mutualisations d'emplois afin d'offrir des temps de travail et des rémunérations suffisants pour les animateurs.

Il est indéniable que sur le terrain les relations entre les différents acteurs sont marquées par la défiance ; les enseignants stigmatisent les animateurs qui le vivent très mal. En maternelle, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) sont trop souvent laissés de côté sans reconnaissance de leur mission éducative. Comment, dans ces conditions, créer une culture commune ? Il nous semble que les ÉSPÉ sont le lieu adéquat pour assurer des modules communs de formation initiale et continue. Mais il convient également de revoir le rôle du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). La plupart des intervenants relèvent en effet de la fonction publique territoriale. Nous nous réjouissons par ailleurs que le CNFPT ait approuvé la création de corps de catégorie A dans la filière d'animation.

Quelle place doit occuper le ministère de la jeunesse et des sports dans cette réforme ? C'est une grande inconnue, et pour l'instant ses services semblent laissés de côté. 100 postes devraient être créés pour permettre l'accompagnement de la réforme dans les territoires ruraux.

Enfin, j'en viens aux questions de financement et du coût induit pour les communes. Je crois qu'il faut prendre de la hauteur par rapport à la démagogie ambiante. Tout est question de choix politiques. Il faut savoir choisir entre le budget de vidéosurveillance et le budget éducatif. Je rappelle que Jules Ferry faisait de l'accès à la culture et de l'éducation populaire un des ciments de la démocratie et de la République.

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