Intervention de Mikaël Garnier-Lavalley

Mission commune d'information sur les rythmes scolaires — Réunion du 19 février 2014 à 14h35
Audition de M. Mikaël Garnier-lavalley délégué interministériel à la jeunesse directeur de la jeunesse de l'éducation populaire et de la vie associative M. Marc Engel chef du bureau de la protection des mineurs en accueils collectifs et des formations Mme Sylvie Martinez chargée de mission à la direction de la jeunesse de l'éducation populaire et de la vie associative djepva et M. Vianney Sevaistre sous-directeur de l'emploi et de la formation à la direction des sports du ministère des sports de la jeunesse de l'éducation populaire et de la vie associative

Mikaël Garnier-Lavalley, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative :

délégué interministériel à la jeunesse, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. - Le ministère de la jeunesse et des sports est chargé de la protection des mineurs scolarisés et accueillis dans les centres de loisirs et les séjours de vacances. Il doit également édicter et mettre en oeuvre les règles dans ce domaine. Cette compétence comprend les accueils de loisirs périscolaires et explique en partie notre intervention dans la réforme des rythmes. Par ailleurs, le ministère de la jeunesse a souhaité favoriser la mise en place de l'accueil des enfants avec les collectivités territoriales en mettant en avant la notion d'éducation partagée. Ce travail, de longue haleine, a été engagé dès le début des années 1980 et s'est concrétisé dès 1984 avec la circulaire Calmat-Chevènement intitulée « Temps scolaire dans le premier degré, développement des liaisons de l'école avec les partenaires éducatifs locaux ». Plusieurs circulaires ont suivi, dont la plus emblématique concerne les contrats éducatifs locaux (CEL), signée le 9 juillet 1998, et confirmée par une circulaire du 25 octobre 2000 des ministres chargés de l'éducation, de la jeunesse et des sports, de la ville et de la culture. Globalement, ces contrats ont touché environ 4 millions d'enfants du primaire et du secondaire au cours de l'année scolaire 2003-2004. Ce sujet n'est donc pas nouveau pour nous, tant en administration centrale que dans les services déconcentrés. Notre ministère a donc souhaité tout naturellement s'investir dans la réforme des rythmes scolaires, notamment pour la continuité des temps de l'enfant et la complémentarité entre éducation formelle et éducation non formelle, cette dernière étant dispensée notamment par les associations de jeunesse et d'éducation populaire et les associations sportives.

La réforme a été engagée à la suite de la publication du décret du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires. Elle permet de mieux répartir les temps d'enseignement sur la semaine, d'alléger la journée de classe et d'assumer une meilleure continuité entre temps scolaires et périscolaires, autour d'activités à caractère sportif, culturel, artistique, scientifique ou citoyen. Les activités proposées contribuent ainsi à multiplier et à diversifier les champs d'apprentissage indispensables à l'autonomie et l'épanouissement de l'enfant, en liaison avec les élus locaux, l'éducation nationale et les caisses d'allocations familiales (CAF).

La mise en place de la réforme constitue pour nous un levier important pour proposer des activités épanouissantes aux enfants, avec pour objectifs de faciliter les apprentissages et de réduire les inégalités d'accès aux loisirs de qualité. En s'appuyant sur des travaux de chronobiologistes, le Gouvernement a lancé cette réforme pour alléger la journée scolaire et franchir un cap dans l'accès à ces loisirs de qualité. Pour nous, la notion de réforme des rythmes éducatifs s'impose, en considérant que l'éducation n'est pas limitée au seul cadre scolaire et que la réforme doit permettre une meilleure articulation entre les temps scolaire et périscolaire, voire extrascolaire, dans la journée, la semaine et l'année, en tenant compte des autres activités durant les vacances, ou, en semaine, le mercredi. Ces activités ne sont pas nées avec la réforme des rythmes ; elles existent depuis longtemps, en lien avec les mouvements d'éducation populaire et les collectivités territoriales. Ce type d'activités existe sous différentes modalités, notamment les accueils de loisirs déclarés directement ou par l'intermédiaire d'associations. Ces accueils portent sur des effectifs compris entre 7 et 300 mineurs scolarisés sur le temps périscolaire. En 2011-2012, on comptait environ 15 500 accueils de loisirs déclarés regroupant plus de 860 000 places ouvertes. Si ces accueils sont privilégiés en raison de leur qualité éducative et des garanties d'encadrement et de sécurité qu'ils offrent, ils ne sont pas une obligation ; les communes peuvent décider de mettre en place une mono-activité, culturelle ou sportive, ou d'autres types d'accueil, comme des garderies. Dans ce cas, ces activités ne sont pas déclarées et ne bénéficient pas des aides de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), selon les règles qu'elle applique. Les nouvelles heures libérées ont été l'occasion d'associer l'ensemble des acteurs éducatifs, et la conclusion d'un projet éducatif territorial (PEDT) permet d'acter cette collaboration, en constituant une opportunité pour faire travailler ensemble les différents acteurs éducatifs.

Les communes qui ont été les premières à mettre en oeuvre la réforme étaient, pour la plupart, déjà engagées dans une démarche éducative et partenariale, dans le cadre des CEL, des contrats enfance jeunesse ou des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Parmi les conditions de réussite de la réforme, il convient ainsi de citer l'ancienneté des partenariats existants et le développement d'une politique organisée, notamment d'un projet éducatif local (PEL) qui prenait la suite de dispositifs antérieurs. L'ambition est de favoriser l'implication des familles, la mise en place d'une politique d'éducation et de prévention et l'accès à des activités socio-culturelles et de loisirs hors temps scolaire. Le cas spécifique des petites communes a fait l'objet d'une attention particulière : bénéficiant de faibles ressources humaines, elles ont pu disposer d'un accompagnement dédié à partir de questionnaires, permettant de préciser les besoins et les actions de formation en lien avec les CAF et les services de l'éducation nationale, ainsi que pour la diffusion d'outils. L'enquête de l'Association des maires de France (AMF) présentée en novembre 2013 précise d'ailleurs que, pour l'élaboration des PEDT, 54 % des communes se sont appuyées sur ce document existant, dont 23 % sur un PEL et 15 % sur un contrat enfance jeunesse, associant communes et CAF autour d'engagements réciproques.

Les difficultés apparues concernaient essentiellement la réglementation de la protection des mineurs et une mauvaise compréhension par ses acteurs de la réforme, et probablement des émetteurs de prescription que nous sommes. Si la règlementation a pu paraître contraignante, son objectif est double : la protection des mineurs accueillis et la qualité éducative. Elle offre donc une garantie pour tous, enfants, familles, animateurs et collectivités territoriales. Le code de l'action sociale et des familles définit un cadre règlementaire spécifique pour organiser ces accueils, en termes de taux d'encadrement, de qualification des personnels et d'existence d'un projet éducatif se déclinant en un projet pédagogique pour le directeur de l'accueil. Compte tenu des spécificités de ce type d'accueil, la règlementation avait déjà prévu un encadrement allégé par rapport aux accueils de loisirs extrascolaires, à raison d'un animateur pour 10 enfants de moins de 6 ans et d'un animateur pour 14 mineurs de plus de 6 ans, au lieu de un pour 8 et un pour 12 en extrascolaire. L'allègement de l'encadrement réglementaire s'est poursuivi à l'occasion de la réforme, pour accompagner l'augmentation prévisible de la fréquentation. Pendant les 3 heures libérées, à raison d'une fréquentation comprise entre 70 % et 80 %, le décret du 2 août 2013 a réduit le taux d'encadrement minimal de ces structures pour toutes les heures de l'accueil périscolaire de loisirs, le matin, le midi et le soir : un animateur pour 14 mineurs de moins de 6 ans, et un animateur pour 18 mineurs de plus de 6 ans. De même, l'arrêté du 12 décembre 2013 prévoit de déroger en cas de difficultés manifestes de recrutement pour une durée ne pouvant excéder douze mois à l'obligation de qualification professionnelle pour diriger un accueil de loisirs périscolaires. Une personne titulaire du brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) en accueil collectif de mineurs pourra ainsi exercer ses fonctions au sein de ces accueils. Au niveau local, ce sont les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) impliquées dans la réforme qui travaillent sur ces questions et accompagnent les communes par leurs conseils. S'agissant de la formation, un projet de circulaire est en cours de rédaction pour favoriser l'adéquation des formations aux besoins et préparer la rentrée prochaine.

Ces réformes n'ont pas toujours été expliquées ou comprises. Par exemple, le décret du 2 août 2013 permet d'assouplir les taux d'encadrement dans le cadre d'un PEDT signé sur l'ensemble des heures. Dans le même temps, compte tenu de ses contraintes financières, la CNAF a créé une prestation de service spécifique pour les 3 heures libérées, distincte de la prestation en vigueur pour les autres heures de l'accueil de loisirs. Cette situation a pu faire croire que les taux n'étaient pas assouplis pour l'ensemble des heures, ce qui n'est pas le cas, à condition toutefois d'avoir signé un PEDT, pour les prestations correspondant aux activités proposées jusqu'au mois de juin. Pour notre part, nous nous inscrivons dans une démarche expérimentale sur les trois prochaines années. Parallèlement, certains organisateurs d'accueil de loisirs, en fonction des heures libérées, souhaitent déclarer des accueils de 45 minutes par jour. Ce temps est inférieur à la durée minimale d'une heure pour pouvoir déclarer un accueil, cette durée d'une heure étant elle-même dérogatoire à celle initialement fixée à deux heures. La déclaration, que les organisateurs doivent remplir, doit comprendre toutes les heures d'accueil de la journée, et pas seulement les heures libérées, dans le cadre d'un système global. Il convient également de noter que les 45 minutes libérées ne constituent pas une norme, et ne permettent pas de toute manière l'organisation d'activités de qualité. Certaines collectivités territoriales définissent des créneaux horaires beaucoup plus importants et retiennent une organisation qui permet des activités d'une durée plus longue et ayant une réelle approche pédagogique. Localement, les services des DDCS accompagnent les communes sur cette question spécifique et les difficultés souvent soulevées.

Sur l'articulation des temps, l'une des critiques récurrentes concerne la fatigue des enfants. Cette critique des parents a pu trouver son origine dans le très grand nombre d'activités proposées sans réelle articulation entre elles. L'enjeu pour nous des PEDT est de favoriser la collaboration entre les acteurs éducatifs, ainsi que la complémentarité et la cohérence des activités proposées aux enfants. Lorsqu'il n'existe pas d'accueil de loisirs, les services de notre ministère apportent aux collectivités leur expérience afin de rechercher les activités les plus adaptées suivant les temps de la journée et l'âge des enfants (jeux sportifs, jeux calmes), afin de tenir compte du rythme et pas seulement du découpage séquencé administrativement parlant. L'accueil de loisirs facilite l'articulation des activités proposées par des clubs sportifs et des associations culturelles dans un cadre éducatif sécurisé.

L'ensemble des services du ministère se sont investis dans la mesure de leurs possibilités dans la réforme des rythmes, au niveau central par un travail constant et des groupes de travail nous associant à l'AMF, au ministère de l'éducation nationale et à la CNAF - ce qui qui a permis des échanges sur les pratiques pour résoudre les blocages éventuels - et au niveau déconcentré, par des actions d'information en direction de nos services, dans des réunions d'information, des formations, la diffusion d'outils et de bonnes pratiques. Le ministère contribue ainsi à une animation d'ensemble. Tous nos personnels concernés, y compris au niveau déconcentré, ont été réunis le 18 mars 2013, et nous réitérerons cette démarche le 18 mars de cette année.

Nous organisons des stages de formation en direction de nos agents. Nous avons diffusé une circulaire commune avec l'éducation nationale le 20 mars 2013, et préparons une autre circulaire avec le ministère du travail pour répondre aux questions de formation et d'emploi. Des stages sont également organisés par l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN), nous associant à l'enseignement supérieur, la recherche et l'éducation nationale. Nous avons publié, en août 2013, un guide pratique pour des activités périscolaires de qualité, que je vous remettrai, élaboré avec la CNAF, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, et qui se veut un outil apportant des réponses aux services de l'État, aux élus locaux et au monde associatif. Au niveau local se sont également mis en place des groupements d'appui départementaux (GAD), qui associent les communes, l'éducation nationale, les associations et les autres acteurs que sont les CAF et les services de notre ministère. Enfin, nous travaillons au quotidien avec les mouvements de jeunesse et d'éducation populaire, la moitié des accueils de loisirs étant associatifs. Nous intervenons aussi sur les habilitations de formation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et au BAFD, qui relèvent de notre champ, et pour la formation continue des personnels déjà qualifiés comme les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM).

En conclusion, je dirai que notre action sur ce dossier n'est pas ponctuelle, puisque nous travaillons au quotidien sur les différents accueils. Nous devons poursuivre notre action au-delà de la mise en oeuvre de la réforme. Cette réforme, qui est au service de l'enfant, n'en est qu'à ses débuts et nous considérons qu'il faudra du temps pour en tirer profit. Sa réussite est conditionnée par une coopération des acteurs aux niveaux national et local, une bonne articulation des temps (scolaire, périscolaire et extrascolaire) et une action sur l'emploi et la formation.

Pour nous, même s'il n'est pas obligatoire et ne constitue pas la norme, l'accueil de loisirs périscolaire est une réponse à l'accueil des enfants dans de bonnes conditions afin d'assurer leur épanouissement et leur sécurité, et répondre aux exigences de cette réforme de rééquilibrage des temps dans la journée, la semaine et l'année. Soyez assurés que l'ensemble des services du ministère sont engagés dans la réforme aux côtés des élus locaux, et en partenariat avec les services de l'éducation nationale, les mouvements d'éducation populaire, les CAF et les familles.

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