Intervention de Angelika Nussberger

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 25 janvier 2022 à 15h00
Audition de Mme Angelika Nussberger professeure de droit constitutionnel à l'université de cologne ancienne juge à la cour européenne des droits de l'homme et M. Mattias Wendel professeur de droit public à l'université de leipzig

Angelika Nussberger, directrice de l'académie pour la protection des droits de l'homme en Europe, ancienne juge à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) :

J'ai parlé d'un manque de transparence, en lien avec le secret des délibérés. Loin de moi l'idée de remettre en cause le secret des délibérés, il ne faut surtout pas y toucher ! Certes, il doit bien exister des opinions dissidentes au sein de la Cour, mais le jugement est unanime et peu importe comment les juges constitutionnels y sont parvenus. C'est toute la différence avec le Parlement où les différents partis exposent de manière publique leurs arguments. Voilà pourquoi je pense que les questions de société fondamentales doivent être traitées par le Parlement, cela a pour effet de pacifier ces débats !

La justice constitutionnelle est un facteur qui corrige, mais elle ne prend pas l'initiative. Le débat de base doit avoir lieu au Parlement, surtout sur des questions comme l'avortement ou l'aide à mourir. La discussion doit être la plus ouverte possible si l'on veut que les solutions soient acceptées.

En revanche, pour les jugements, si nous avons accès au raisonnement, nous ne savons pas comment l'équilibre s'est construit. Pour autant, je n'éprouve aucun regret quant au secret des délibérés, surtout ne changeons rien !

Vous m'avez interrogée sur les développements dans les pays de l'Est. J'ai beaucoup travaillé sur ces sujets : contrairement à ce qui se passe en France, le taux d'acceptation de la justice administrative par les citoyens y est très faible, notamment en raison des soupçons de corruption. Pourtant, il existe un grand besoin de contrôle de l'exécutif et du législatif dans ces pays. Je travaille pour la Commission de Venise. On voit qu'il faut trouver des solutions. Mais la tradition de confiance par rapport à la justice administrative n'est pas la même qu'en France.

Qui peut agir ? Le Parlement ou l'exécutif ? Ce point est réglé chez nous par un article aux termes duquel les règles de bases doivent être fixées dans la loi, seuls les détails peuvent être définis par l'exécutif par la voie réglementaire. La question s'est beaucoup posée au début de l'épidémie où nous avons enregistré un mouvement vers l'exécutif : le Parlement a voté des lois très vagues, complétées par le règlement. Mais il y a eu des critiques suivies d'un revirement. Le législateur a alors commencé à redéfinir toutes les catégories de façon plus détaillée. Si le législatif donne le pouvoir à l'exécutif, il peut donc toujours le reprendre !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion