Intervention de David Douillet

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 14 mars 2013 : 1ère réunion
Audition de M. David Douillet médaillé olympique ancien ministre des sports

David Douillet :

Je fais partie d'une génération postérieure à celle de Jean-Paul Coche : nous avons vécu en direct la chute du mur de Berlin, nous avions des relations amicales avec les judokas des pays de l'Est, nous les avons soutenus pendant cette période. Mais eux-mêmes le disaient : le dopage était une politique d'Etat, ils n'avaient pas le choix !

Pour ma part, je n'ai jamais été confronté de près au dopage. J'ai bien sûr eu vent de cas de triche dans d'autres disciplines. Mais nous avons cette chance au sein de la Fédération française de judo d'être très protégés par l'équipe médicale. La situation est différente selon que vous êtes pris en main par un club ou par la fédération. Vous savez, les athlètes, recrutés très jeunes, placés dans un cocon, sont vulnérables à toutes les pressions, à l'influence de tous les gourous et de tous les dealers. Mais nous étions quant à nous sous le dôme protecteur des médecins de l'équipe de France, qui contrôlaient strictement les ordonnances reçues de l'extérieur, même pour un simple rhume.

Vous me demanderez alors : comment gagne-t-on face à des athlètes dopés ? Sur cent mètres ou à vélo, c'est en effet une gageure. En judo, la victoire dépend heureusement de nombreux paramètres non réductibles à la forme physique : on ne peut gagner sans une technique, un mental, une concentration infaillibles. Le bon geste, déclenché au bon moment, compte autant que la capacité physique. J'ai toutefois vécu des situations invraisemblables. J'ai, par exemple, perdu contre un athlète soviétique qui pouvait perdre ou reprendre dix kilos à volonté pour disputer les compétitions dans la catégorie qu'il souhaitait. J'ai passé de nombreuses heures en salle de musculation pendant des années pour gagner deux ou trois kilos de masse musculaires : je peux vous dire que gagner dix kilos de muscles en six mois, c'est impossible.

Je pense à une athlète française qui a récemment mis un terme à sa carrière. Détentrice de la troisième meilleure performance de tous les temps dans sa discipline, elle n'est devancée que par Florence Griffith-Joyner et Marion Jones, la première décédée très jeune dans des conditions douteuses, la seconde convaincue de dopage... Or cette athlète est propre : on lui a donc volé son argent, ses médailles, sa vie de championne ! C'est un véritable scandale.

Lorsque je siégeais au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, je trouvais déjà les sanctions légères. Je suis convaincu qu'il faut taper plus dur, et pas seulement sur les athlètes mais aussi les fournisseurs de produits interdits. On ne devrait pas donner plus d'un seul avertissement : une première sanction significative, mais en cas de récidive, la radiation à vie. C'est la seule manière de responsabiliser les sportifs.

La lutte contre le dopage fonctionne-t-elle ? Je suis optimiste de nature. J'observe que nos athlètes gagnent de plus en plus de médailles, en natation et en athlétisme notamment. Or ils sont très surveillés et, je le crois, propres. Le directeur technique national d'athlétisme, un ami, me l'a confirmé. Il avait des doutes sur certains, qui se sont fait prendre. Nous avons marqué des points dans la lutte contre le dopage.

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