la communauté de communes du Jovinien est un EPCI de 18 000 habitants centré sur la ville de Joigny, petite ville de 18 000 habitants au coeur d'un bassin de vie qui en compte 50 000. La réorganisation des services publics devait mieux adapter les administrations aux besoins des usagers, valoriser le travail des fonctionnaires et réduire les dépenses publiques. Seul le dernier axe a été privilégié depuis 2007 sur notre territoire - à Joigny, c'est toute la décennie 2000 qui a été meurtrière. Avec la réforme de la carte hospitalière, celle de l'armée et de la justice, avec la reconfiguration des forces de police et de gendarmerie, avec l'évolution des effectifs au lycée et au collège, au Pôle emploi, au Trésor public sans oublier EdF-GdF, quand c'était une entreprise publique, nous avons perdu 500 emplois, ce qui est sans commune mesure avec les pertes d'emploi dans le privé : l'État est responsable du plus grand plan social de la décennie.
La carte militaire d'abord. Nous avons perdu le 28e groupe géographique, régiment spécialisé dans la cartographie militaire. Cela nous a coûté 410 emplois directs. Le régiment injectait 650 000 euros par mois de masse salariale, soit 7,8 millions d'euros l'an, dont 80% pour l'économie locale. Depuis lors, le marché immobilier est déséquilibré, les commerces souffrent et des familles entières ayant quitté notre territoire pour l'Alsace, des classes et parfois des écoles sont menacées de fermeture. L'État a cédé l'emprise foncière de 10 hectares en plein coeur de la ville pour l'euro symbolique, mais notre budget de fonctionnement a augmenté.
En outre, il a prévu une aide à l'investissement de 3 millions d'euros et une aide à l'emploi d'un million. Ces chiffres sont à comparer aux 7,8 millions d'euros dont j'ai parlé et aux 21 millions d'euros du budget de la ville et de la communauté de communes. Comment l'aide est-elle calculée ? Barcelonnette, Givet ou Provins ont obtenu beaucoup plus ! Aucune concertation n'a eu lieu : c'est par un article dans le journal Libération, en juillet 2008, que nous avons appris la délocalisation du régiment.
Mais ce n'est là que la dernière étape : nous avons subi une décennie entière de remise en cause des services publics à Joigny. La réforme de la carte judiciaire nous a fait perdre le tribunal de commerce au 1er janvier 2009 : il faut désormais se rendre à Sens, à une demi-heure de voiture. Nous avons perdu le tribunal d'instance au 1er janvier 2010, soit dix emplois. L'égal accès aux tribunaux est mis à mal ! La réforme de la cartographie des forces de police et de gendarmerie nous a coûté notre commissariat en 2004 : jusqu'alors, avec le canton voisin, nous disposions de 52 policiers et 12 gendarmes. Les policiers sont partis et ont été remplacés par 39 gendarmes : nous avons perdu 13 équivalents-temps-plein mais n'avons pas les moyens de créer plus de trois postes de policiers municipaux.
L'agence de Pôle emploi a connu une augmentation de son activité de 30% entre 2008 et 2010 : l'une des plus fortes progressions de l'hexagone, hélas. Or nous avons perdu deux agents et les mutations internes ne sont pas compensées, si bien que l'agence pourrait perdre encore cinq postes d'ici la fin de l'année. Joigny compte 2 550 demandeurs d'emploi, soit 232 par agent... Il est facile de calculer à combien de minutes par mois a droit chacun de ces chômeurs. Ils se sentent délaissés et les réactions violentes sont de plus en plus fréquentes. Les conditions de travail des agents empirent, les résultats sont en chute.
Quant au centre des impôts, désormais « centre des finances publiques », il reste à Joigny, comme la trésorerie... Mais avec 34 agents, contre 44 il y a six ans ! Les conditions de travail et la qualité du service rendu en souffrent inévitablement. La trésorerie a perdu 4 agents, elle aussi, alors que son ressort territorial s'élargit, les trésoreries voisines étant fermées.
En cinq ans, le lycée a perdu dix-huit postes d'enseignants et trois d'assistants d'éducation. Il perdra à nouveau sept postes à la prochaine rentrée à cause de la réforme du Bac sciences et technologies industrielles (STI). Le collège a perdu cinq enseignants en cinq ans ; trois autres suppressions interviendront en septembre 2011. Pourtant, à la rentrée 2010, nous avons franchi le triste cap de 50% d'élèves dits « de CSP moins », autrement dit issus de familles défavorisées. Enfin, l'établissement régional d'enseignement adapté ne dispose même plus d'une assistante sociale à plein temps : celle-ci se partage désormais entre l'EREA, un collège et deux lycées...
La caisse primaire d'assurance maladie a perdu huit agents en cinq ans, EDF et GDF ont fermé des bureaux commerciaux : encore 30 emplois en moins ! Le service se dégrade. Quant à la réforme de la carte hospitalière, elle nous a privés dés le début de la décennie d'une maternité et d'un service de chirurgie, malgré l'effort qui avait été consenti pour la modernisation du plateau technique - 50 millions d'euros d'investissements.
Les services de la préfecture de l'Yonne se dépeuplent aussi. Les petites communes y ont perdu l'accompagnement dont elles bénéficiaient auparavant. Les maires les plus anciens, qui ont connu une autre époque, se sentent de plus en plus seuls.
Voilà l'impact de la RGPP sur un territoire comme le nôtre. Les conséquences sont évidentes : service dégradé, agents démoralisés et surchargés, usagers mécontents, citoyens incrédules, amers, voire violents. Il y a, je le répète, une rupture d'égalité dans l'accès aux services publics. Si nous, élus locaux, avions été consultés, nous aurions pu faire valoir les tristes spécificités de notre territoire, mais, chaque fois, on nous a mis devant le fait accompli. Il est temps que la ruralité ait elle aussi son bouclier !