Intervention de Laurence Rouède

Commission spéciale Zéro artificialisation nette — Réunion du 14 février 2023 à 16h00
Audition de Mme Laurence Rouède vice-présidente de la région nouvelle-aquitaine chargée de l'aménagement du territoire au titre de régions de france

Laurence Rouède, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine chargée de l'aménagement du territoire, au titre de Régions de France :

Je vous remercie de me recevoir dans le cadre de cette audition consacrée aux Sraddet et au ZAN, des sujets qu'Alain Rousset, président de la commission Aménagement du territoire de l'association Régions de France, suit de près, et d'avoir créé, au travers de cette proposition de loi, les conditions d'un débat rejoignant les interrogations des régions.

Après l'adoption de la loi Climat et résilience, qui a institué le ZAN, l'association Régions de France avait été entendue par le cabinet d'Emmanuelle Wargon, avant la publication des décrets d'application et certains problèmes que nous pressentions alors se retrouvent d'actualité : sauf pour la question des délais, nous n'avions pas été suffisamment entendus. Cette proposition de loi donne la possibilité de discuter à nouveau.

Les régions ont pris leurs responsabilités en matière de sobriété foncière. Sur certains sujets, nous nous rapportons à l'esprit des dispositions de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Je pense en particulier à la nécessité que les Sraddet ne deviennent pas des super-Scot : les schémas régionaux donnent de grandes orientations, ils ne sont pas des documents d'urbanisme. Il faut faire la différence ; en tant qu'adjointe à l'urbanisme d'une commune de 25 000 habitants, je vois bien les deux bouts de la chaîne du ZAN...

Respectant la loi, les régions se sont engagées à réviser les schémas régionaux à échéance de février 2024, malgré la complexité. Cette complexité est d'autant plus prononcée que, avant le passage au ZAN à l'horizon de 2050, il faut tenir compte d'un objectif intermédiaire : la réduction du rythme de consommation d'espaces d'ici à 2031. Ces objectifs répondent à des méthodes différentes. Dès lors, tout ce qui, dans cette proposition de loi, faciliter la coordination entre consommation d'espaces et artificialisation nette est intéressant.

Toutes les régions ont organisé des concertations pour travailler sur la territorialisation des objectifs, puis, dans un second temps, sur le parcours vers le ZAN. Des interrogations ont été relayées par Régions de France et par les présidents de région, lesquels ont pris l'initiative d'écrire à la Première ministre et à M. Christophe Béchu. L'objectif était de demander le desserrement du calendrier, d'aborder la question des grands projets, qui posent de grands problèmes d'équité, et celle du fascicule des règles et objectifs, objet d'un recours de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF).

À la suite d'une concertation en octobre dernier, Christophe Béchu a assuré que, à tout le moins, il demanderait rapidement la réécriture des décrets d'application, mais sans changer le cadre de la loi ni l'échéance de février 2024 pour décliner les objectifs dans les documents de planification. À ce titre, cette proposition de loi pourrait offrir des perspectives. Force est de constater que, depuis la concertation d'octobre, nous n'avons reçu aucune information concrète : les courriers sont restés sans réponse. Cela nous inquiète : pour respecter le délai de février 2024, toutes les régions devraient adopter d'ici à mars ou avril prochain leur modification des Sraddet ! Tous ces schémas étaient déjà achevés et nous devons les recommencer quelques mois plus tard... Il faut garantir une stabilité des documents d'aménagement du territoire et de ceux de planification.

Au-delà du calendrier, il existe des impensés de fond : le lien à établir entre, d'une part, le ZAN, et, d'autre part, le logement social, l'évolution du trait de côte, la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la capacité de renaturation dans les communes rurales ou encore les énergies renouvelables. Autant de sujets sur lesquels nous n'avons pas de réponse.

Certaines de vos propositions vont recueillir un avis favorable des régions. Je pense au desserrement du calendrier : c'est une bonne chose. Les territoires nous attendent là-dessus, d'autant plus que certains sont actuellement en train de réviser ou d'élaborer leurs Scot, leurs plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) et leurs plans locaux d'urbanisme (PLU).

Ce décalage de l'échéance d'un an doit concerner tous les acteurs et ne pas se limiter à la seule partie foncière. En effet, la loi Climat et résilience et la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie (Agec) imposent des modifications d'autres volets des Sraddet. En Nouvelle-Aquitaine, cela concerne la logistique et les déchets. Il paraîtrait curieux de modifier le Sraddet sur de tels volets alors que la modification de la partie sur le foncier bénéficierait d'un délai d'un an supplémentaire : nous ne pouvons réélaborer en permanence des Sraddet, cela représente un coût important !

La proposition d'une enveloppe nationale d'artificialisation des sols pour certains projets satisfait nos voeux. Selon le ministre Béchu, un tel comptage à part était prévu depuis le début. Il ne faudrait toutefois pas que cette mutualisation soit ensuite répartie entre les régions, dont les contextes diffèrent. Dans l'élaboration des Sraddet, les régions ont tenu compte des parcours et des trajectoires des territoires, en les différenciant ; la loi, à l'inverse, n'opère pas une telle différenciation. Ma région, par exemple, est concernée par le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) : il paraîtrait normal qu'un tel projet remonte dans une enveloppe nationale sans faire ensuite l'objet d'une mutualisation.

Pourquoi ne pas faire également monter dans cette enveloppe des projets industriels ? Pour ces derniers, nous avions déjà proposé une « enveloppe blanche ». Cela nous a été refusé, car il faut pouvoir mesurer les retombées en nombre d'hectares. Par ailleurs, certaines régions sont très grandes : considérer qu'un grand projet national doit forcément être interrégional amènerait la Nouvelle-Aquitaine à ne pas faire remonter à l'échelle nationale la liaison Poitiers-Limoges !

Concernant les fascicules d'objectifs et de règles, les régions veulent également en revenir à l'esprit de la loi NOTRe, à savoir conserver leur liberté. Peu de régions ont intégré l'objectif de 50 % de réduction du rythme de consommation d'espaces dans le fascicule des règles. Pourquoi rendre cela obligatoire dans le fascicule des objectifs ? Pourquoi ne pas laisser latitude aux régions pour décider ce qui relève de l'objectif et ce qui relève de la règle ? En Nouvelle-Aquitaine, ces 50 % sont intégrés dans le fascicule des objectifs, la règle générale mentionnant, quant à elle, le fait de tenir compte de la sobriété foncière ; cela a été négocié avec les Scot.

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