Intervention de Valérie Létard

Commission spéciale Zéro artificialisation nette — Réunion du 14 février 2023 à 16h00
Audition de M. Christophe Béchu ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et de Mme Dominique Faure ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et du ministre de la transition écologique chargé des collectivités territoriales et de la ruralité

Photo de Valérie LétardValérie Létard, présidente :

Nous recevons à nouveau, un peu plus de deux mois après leur audition par notre mission conjointe de contrôle, M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Monsieur le ministre, lors de votre prise de fonction en juillet dernier, vous avez hérité du précédent gouvernement le dossier brûlant du « zéro artificialisation nette » des sols (ZAN). C'est votre prédécesseure, Mme Wargon, qui avait piloté la naissance du ZAN et défendu ce volet de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Climat et résilience), avec parfois un certain dogmatisme. Cela nous vaut aujourd'hui l'examen de cette proposition de loi.

Vous rappelez souvent, comme vous l'avez fait la semaine dernière au Sénat lors des questions d'actualité au Gouvernement, que vous n'êtes pas à l'origine du ZAN, contrairement à nous, parlementaires, qui avons adopté cette loi. À ce renvoi de balle, qui me semble un peu facile, je souhaite vous répondre en trois points.

D'abord, je rappelle que le ZAN, politique ô combien structurante, a été introduit à dessein dans un texte-fleuve, un patchwork dénué d'étude d'impact sérieuse, la loi Climat et résilience, qui comptait bien d'autres sujets, comme la rénovation énergétique, les zones à faibles émissions, etc. Nous l'avons adopté en responsabilité, parce que nous soutenons l'ambition écologique de la France, mais ce vote ne vaut pas chèque en blanc pour l'ensemble de ses dispositions, notamment pour le ZAN. En outre, vous le savez, des initiatives du Sénat, comme la sortie du compte foncier des projets d'intérêt national, ont été abandonnées en commission mixte paritaire.

Ensuite, vous n'ignorez pas la position du Sénat au sujet des décrets d'application, qui ont en partie dévoyé l'esprit du texte. La loi ne faisait pas du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) un super-schéma de cohérence territoriale (Scot) ; ce sont les décrets d'avril 2022 qui ont durci le ZAN. Dans la loi, nous avions demandé au Gouvernement de fixer rapidement par décret la maille d'observation de l'artificialisation, afin de permettre aux collectivités de se mettre au travail ; ces seuils ne sont toujours pas fixés et la nomenclature est insatisfaisante. On peut donc dire sans exagération que la loi que nous avons adoptée n'est pas celle que le Gouvernement entend faire appliquer. Nous sommes donc en droit d'être critiques sur l'application actuelle du ZAN, même si nous avons adopté ce texte : cela relève de l'exercice de notre rôle de contrôle de l'action du Gouvernement.

Enfin, vous n'étiez, certes, pas ministre lors de la naissance du ZAN, mais vous ne pouvez pour autant vous en laver les mains : nous avons un intérêt commun, Parlement et Gouvernement, en responsabilité, à faciliter son déploiement au sein des territoires. Le ZAN est aujourd'hui l'inquiétude numéro un des maires et de nombreux obstacles encombrent le chemin ; l'État ne peut s'en désintéresser, il faut fournir soutien, accompagnement, ingénierie, financement et, comme nous le proposons, ajustements législatifs, lorsque c'est pertinent. Vous nous avez indiqué, voilà quelques mois, que vous étiez prêts à retenir la proposition législative du Sénat comme véhicule d'adaptation du ZAN. Maintenant que ce texte est déposé, nous espérons que votre état d'esprit n'a pas changé et que vous soutiendrez notre initiative. Les collectivités attendent depuis de longs mois un geste de votre part : le temps est venu de leur envoyer un signal positif et de leur adresser des réponses concrètes.

Madame la ministre déléguée, vous êtes, au sein du Gouvernement, l'interlocutrice privilégiée des collectivités territoriales. Vous êtes spécifiquement chargée de la ruralité et de ses spécificités, que le Sénat connaît bien, vous n'ignorez donc pas les lourds enjeux de cohésion, de réduction des inégalités territoriales et de développement rural. Nous nous étonnons que l'approche très centralisée et descendante du ZAN, bien que tempérée par des amendements issus du Sénat, n'ait pas été accompagnée de mesures spécifiques à la ruralité. Vous avez évoqué, il y a quelques mois une garantie rurale, dont les contours étaient encore flous. Il nous semble que c'est maintenant qu'il faut avancer sur ces sujets, avant que le coup ne soit parti et que l'on ne s'en morde les doigts, dans cinq ou dix ans.

Monsieur le ministre, madame la ministre, lors de votre dernière audition devant la Haute Assemblée, nous vous avions demandé quelles actions vous entendiez prendre pour faciliter la mise en oeuvre du ZAN, mais aucune évolution législative ou réglementaire n'est intervenue à ce stade. Deux mois plus tard, le Sénat a pris les devants et a présenté un texte de loi pluripartisan contenant des mesures concrètes.

C'est sur celles-ci que nous souhaitons vous entendre aujourd'hui, afin de recueillir votre analyse mesure par mesure. L'enjeu de cette audition est simple : comment pouvons-nous avancer ensemble pour faire aboutir un texte facilitateur et constructif sur le ZAN, répondant aux attentes concrètes des collectivités territoriales ? Quelles mesures pouvez-vous soutenir et quelles mesures vous paraissent devoir être ajustées ?

Nous savons que les députés se sont aussi saisis du sujet, en lien avec votre gouvernement, au sein d'un groupe de travail chargé de formuler des propositions d'évolution du ZAN. Pourtant, le temps presse et le calendrier est serré ; j'espère que les travaux de l'Assemblée nationale ne vous empêcheront pas de considérer avec sérieux le texte issu du Sénat, qui s'appuie sur de nombreux mois de travaux approfondis ainsi que sur l'expérience des élus locaux de toutes régions, et de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale afin que la navette se poursuive.

Je donne la parole à notre rapporteur Jean-Baptiste Blanc, qui va vous interroger plus précisément sur les mesures portées par la proposition de loi, puis nous vous céderons la parole pour un propos liminaire. Enfin, nos collègues vous adresseront leurs questions.

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