Je souhaite pour ma part évoquer plus précisément certaines des mesures de la proposition de loi sénatoriale.
Monsieur le ministre, le décret d'application d'avril dernier est allé à l'encontre de l'esprit de la loi Climat et résilience telle qu'elle a été adoptée par le Parlement, en prévoyant le recours obligatoire aux règles du fascicule du Sraddet, c'est-à-dire à un fort degré de contrainte vis-à-vis des collectivités.
L'article 2 de la proposition de loi sénatoriale prévoit donc un retour à l'esprit de la loi, avec un rapport de prise en compte entre documents locaux et Sraddet. Nous entendons en parallèle renforcer le pilotage du ZAN, via une conférence régionale de gouvernance qui effectuera un suivi régulier des trajectoires. Dans ces conditions, le Gouvernement entendra-t-il l'appel à la souplesse qui émane des collectivités ou persistez-vous à vouloir faire des documents régionaux des « super-Scot », ce qui irait à l'encontre de la répartition des compétences décentralisées en matière d'urbanisme ?
Nos auditions et nos analyses, notamment dans le cadre de la mission conjointe de contrôle, ont confirmé qu'il était intenable de faire porter sur l'enveloppe d'artificialisation d'une région et des collectivités de son ressort la superficie des grands projets situés sur son territoire. C'est pourquoi notre proposition de loi formule deux propositions concernant ces chantiers à l'article 4 : d'abord, les compter à part, au sein d'une enveloppe nationale ; ensuite, ne pas les inclure dans les objectifs de réduction de l'artificialisation du ZAN.
De nos précédents échanges, il ressort que vous êtes défavorable à cette solution, à laquelle vous préférez une mutualisation nationale. Ma question est double. Premièrement, votre solution de mutualisation est-elle vraiment équitable, notamment pour les régions qui ne portent pas de grands projets et qui ne bénéficieront pas de leurs retombées économiques, mais qui devront mutualiser leur foncier ? Deuxièmement, est-elle réaliste ? Si l'enveloppe pour la deuxième période était non plus de 120 000, mais de 60 000 hectares, les grands projets consommeraient un tiers des droits à construire ! En 2050, il nous faudra atteindre zéro artificialisation nette : cela ne sonnera-t-il pas la fin de ce type de projets ? Car, même mutualisés, ceux-ci ne pourront jamais être compensés par une renaturation équivalente, sauf à ce que rien d'autre ne soit construit en France pendant dix ans. Concrètement, comment pourrons-nous encore réaliser de grands projets en 2050 ?
Madame la ministre, vous avez été alertée à de nombreuses reprises par les élus des territoires ruraux sur le sort qui leur sera réservé sous le régime du ZAN. Nous attendons toujours d'en savoir plus sur la garantie rurale annoncée par le Gouvernement il y a plusieurs mois. Le Sénat a donc formulé une proposition simple à l'article 7 : que toutes les communes puissent disposer d'une enveloppe minimale, c'est-à-dire que la territorialisation ne puisse pas priver complètement une commune de possibilités de construction. Nous avons souhaité la fixer à 1 hectare. Nous savons que le Gouvernement est opposé à cette proposition, mais serait ouvert à un plancher correspondant à 1 % de la surface artificialisée de la commune. Pourriez-vous nous indiquer le nombre de communes qui seraient effectivement protégées si l'on retenait ce critère de 1 % ? Pour éviter que celui-ci soit plus favorable aux communes ayant beaucoup artificialisé par le passé, la réserveriez-vous à certaines communes et, si tel devait être le cas, lesquelles ? Comment éviter les effets de seuil ? Je suis plutôt déçu de mes échanges avec la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), laquelle s'est montrée incapable de répondre à mes questions et de nous transmettre des données fiables sur ce sujet pourtant simple. Dans ces conditions, il nous est difficile de réellement expertiser vos propositions.
Que pensez-vous de la proposition formulée par le Sénat à l'article 8, qui vise à mettre en réserve une partie de l'enveloppe régionale ou du Scot au profit de projets d'intérêt supracommunal, afin de permettre aux petites communes ou à la ruralité de porter des projets communs ? Quelle autre solution voyez-vous pour que les projets intercommunaux puissent se réaliser, surtout dans les communes non couvertes par un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), le tout sans mettre en péril les solidarités territoriales ?
Enfin, à l'article 12, nous proposons deux outils très concrets pour que les maires puissent gérer plus facilement la transition vers le ZAN et piloter la consommation de foncier : un sursis à statuer et un droit de préemption. Il me semble que vous y êtes plutôt favorable. Quels dispositifs d'ingénierie et quels nouveaux outils le Gouvernement entend-il mettre en place pour combler les manques ?
Nous avons compris que M. Bastien Marchive, député apparenté au groupe Renaissance de l'Assemblée nationale, va présenter demain une proposition de loi sur ce sujet. J'espère que les travaux de l'Assemblée ne vous empêcheront pas de considérer avec sérieux le texte issu du Sénat, qui s'appuie sur de nombreux mois de travaux approfondis et l'expérience des élus locaux de toutes régions, et de l'inscrire à l'Assemblée nationale afin que la navette se poursuive.