Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 novembre 2021 à 16h30
Numérique — Audition de Mme Frances Haugen ancienne ingénieure chez facebook lanceuse d'alerte

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, corapporteure :

Madame, vous êtes le deuxième lanceur d'alerte, avec votre compatriote Edward Snowden, à avoir informé les opinions mondiales du fait que l'internet n'était pas le monde angélique que l'on pouvait croire. Merci infiniment.

Votre témoignage est extrêmement précieux, à l'heure où, avec ma collègue Florence Blatrix Contat, nous sommes en train de travailler sur le rapport concernant le DSA, pour lequel vous avez été aussi auditionnée à Bruxelles.

Votre constat, qui est accablant, n'est pas franchement une surprise pour les sénatrices et les sénateurs car, depuis l'affaire « Cambridge Analytica », on avait bien identifié les dysfonctionnements, la manipulation des données de plus de 83 millions d'internautes, et constaté que les alertes internes n'avaient pas été prises en compte par Facebook.

Vous avez eu le courage de témoigner devant le Congrès américain et devant le Parlement européen, ce que n'a pas fait Mark Zuckerberg.

L'affaire du Capitole nous a aussi alertés sur les menaces dirigées contre nos démocraties par les réseaux sociaux. Nous avons besoin de plus de transparence, d'« accountability » pour ces plateformes mais, au-delà, il nous faut légiférer dans un cadre européen. Les tentatives de législations nationales ont en effet été des échecs, car elles mettaient en danger la liberté d'expression dans un mauvais équilibre et une mauvaise compréhension de l'écosystème, tel que vous l'avez démontré.

Notre préoccupation est de comprendre le modèle économique que vous avez évoqué, et notamment le fonctionnement de ces algorithmes, dont vous êtes une spécialiste. Ceux-ci ont-ils été conçus avec l'intention originelle de faire exclusivement du profit ? Peuvent-ils être corrigés et, si oui, comment et par qui ?

Est-ce au contraire totalement irréparable ? Dans ce cas, le modèle économique, comme l'a dit Shoshana Zuboff, dans son livre Le capitalisme de surveillance, est toxique et définitivement pervers. C'est une question fondamentale pour que nous comprenions le système.

Vous avez parlé d'évaluation, d'identification des risques systémiques et d'un vaste plan qui serait nécessaire pour mesurer tout cela. L'article 31 du DSA prévoit l'ouverture des données nécessaires à des chercheurs extérieurs pour évaluer ces risques, mais on y opposera peut-être le secret des affaires. Pouvez-vous nous confirmer s'il est absolument indispensable que tout cela soit ouvert à une expertise extérieure pour fonctionner ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion