Intervention de Frances Haugen

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 novembre 2021 à 16h30
Numérique — Audition de Mme Frances Haugen ancienne ingénieure chez facebook lanceuse d'alerte

Frances Haugen, ancienne ingénieure chez Facebook, lanceuse d'alerte :

Sans aucun doute, les algorithmes peuvent être conçus en appliquant le principe de « safety by design ». Le problème vient du fait que la seule motivation de Facebook réside dans les bénéfices.

La plupart des grosses entreprises de technologie ont une certaine transparence. On peut ainsi télécharger les résultats de recherche via Google et les analyser. C'est ce que font les gens. Google sait qu'il est contrôlé. L'entreprise est donc plus responsable. De vrais ingénieurs travaillent sur le système, écrivent des blogs et expliquent comment fonctionnent leurs recherches. C'était du moins le cas en 2006, lorsque je travaillais chez eux.

Twitter sait également que les gens récupèrent un dixième des tweets et les analysent. Je pense donc qu'ils effectuent des choix plus responsables, parce qu'ils savent qu'ils peuvent être tenus pour responsables. Facebook n'a jamais fourni intentionnellement d'informations sur son système, alors qu'il pourrait faire comme Twitter et partager ses données. Il sait que si on ne voit rien, on ne peut poser de questions ni réclamer de nouvelles règles.

On peut lui demander de réfléchir à la sécurité collective, mais ce n'est pas une question de périmètre. Il s'agit plutôt de savoir si, quand Facebook voit un problème, il essaie de le régler. Il existe deux Facebook. Le premier est celui de la croissance, qui est plutôt optimiste. Les personnes qui traitent de la sécurité en sont séparées. Auparavant, elles travaillaient uniquement sur les risques de panne du site. Aujourd'hui, elles travaillent un peu sur la désinformation, mais à chaque fois qu'une personne qui travaille dans les sections « sécurité et intégrité » trouve une solution qui rend le système plus sûr aux dépens des profits, l'entreprise fait tout pour ne rien mettre en place.

Il existe des solutions qui ne vont pas à l'encontre de la liberté d'expression. Facebook choisit de ne pas les mettre en place parce que cela lui coûte une partie de ses bénéfices.

Beaucoup d'entreprises ont géré leur façon de stocker les données grâce au RGPD, comme Google, par exemple. Je sais qu'il y a aussi des abus dans ce domaine, Facebook refuse de communiquer certaines données à cause du RGPD. Il faut s'assurer qu'on inclut la définition de la vie privée dans le DSA, car cela permettra d'éviter que Facebook considère que les données agrégées violent la vie privée.

Je pense que Facebook pourrait être rentable sans les publicités ciblées. Serait-il aussi rentable qu'aujourd'hui ? Certainement pas ! Encore une fois, c'est une question d'équilibre entre différents besoins. Je ne suis pas économiste. Je ne peux donc vous dire combien ils perdraient, mais j'imagine que les publicités non ciblées sont rentables. Facebook a d'autres manières de faire de l'argent par ailleurs. Je pense qu'il a suffisamment d'options.

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