Intervention de Frances Haugen

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 novembre 2021 à 16h30
Numérique — Audition de Mme Frances Haugen ancienne ingénieure chez facebook lanceuse d'alerte

Frances Haugen, ancienne ingénieure chez Facebook, lanceuse d'alerte :

Je pense qu'il sera de plus en plus important d'avoir des lanceurs d'alerte, parce que la technologie a toujours été plus vite que les démocraties. Les nouvelles technologies sont de plus en plus complexes et s'accélèrent.

Vous ne pouvez avoir de doctorat ou de master dans ce domaine : il faut travailler dans des entreprises pour le comprendre. On doit donc avoir des systèmes de protection pour les entreprises privées et publiques afin de s'assurer que les personnes sont en sécurité.

J'encourage les associations ou les institutions de protection des lanceurs d'alerte. J'ai vécu avec ma mère, qui est pasteur, pendant six mois l'année dernière. Quand vous avez un cas de conscience, c'est très utile. Je la remercie donc pour le soin qu'elle a pris de moi. Quand ils lancent une alerte, la plupart des lanceurs d'alerte ne vont généralement pas très bien. Ils sont confrontés à des vérités très dures, se sentent impuissants au sein de l'entreprise, et cela les anéantit.

Les lanceurs d'alerte n'ont donc pas uniquement besoin de protection juridique, mais doivent également être soutenus par des coachs, par exemple, afin que ceux-ci leur expliquent les manières sûres de lancer une alerte.

Si j'avais été conductrice de bus aux États-Unis, il y aurait eu un numéro d'appel d'urgence dans ma salle de pause. J'ai travaillé sur des sujets touchant la sécurité nationale et l'intégrité de ma société, mais je n'avais pas de numéro d'appel d'urgence. C'est aussi inacceptable.

Je soutiens fermement le droit à l'oubli. Les jeunes doivent pouvoir « remettre leur compte à zéro ». Facebook pourrait utiliser l'intelligence artificielle pour repérer des contenus qui ont été effacés par des adolescents. Cela permettrait d'identifier ceux que les jeunes pourraient ensuite regretter. On pourrait trouver des solutions.

S'agissant de Donald Trump, je soutiens l'établissement de règles internationales, car le danger est grand quand un leader commence à parler de minorités comme d'insectes, ou à utiliser n'importe quelle autre forme de déshumanisation. C'est plus qu'un drapeau rouge en matière de violence ethnique.

Lorsque des individus appellent à des actions contre le résultat des élections ou qu'un leader appelle au meurtre, il faut déterminer les lignes rouges. Je trouve inquiétant qu'un élu puisse se comporter de manière dangereuse, mais ce n'est pas à Facebook de voter les lois et de dire le droit.

Meta est une très belle illustration du « méta-problème » de Facebook. Facebook veut toujours aller plus loin et croître. Si Facebook avait investi autant dans la sécurité que dans les jeux vidéo, je ne serais pas ici. La sécurité connaît un sous-investissement. Ils n'emploient que 1 000 ou 2 000 ingénieurs dans ce domaine, et cela démontre leurs priorités.

Je suis aussi très inquiète que Meta s'intéresse à l'emploi. Le métavers a besoin de beaucoup de capteurs et de données biométriques sur les personnes. Imaginez que votre employeur décide de transformer sa société en entreprise métavers et que vous deviez travailler chez vous. Serez-vous obligés d'avoir des capteurs Facebook chez vous, des micros ou autres, alors que Facebook ment ? Allez-vous faire entrer Facebook dans votre maison ? Il y a là un gros problème d'acceptabilité, et les gouvernements doivent légiférer.

Pour ce qui est du cyber harcèlement et du harcèlement scolaire, auparavant, quand un enfant était harcelé, il pouvait rentrer chez lui et être tranquille. À présent, les enfants sont harcelés tout au long de la journée, jusqu'au soir. Cela ne s'arrête jamais. Ils se couchent harcelés et se réveillent harcelés. Il y a de plus en plus de méchanceté en ligne, alors que les enfants ont de plus en plus une vie sociale en ligne.

Les recherches de Facebook dans ce domaine montrent que les enfants s'attendent à ce que les personnes qui s'occupent d'eux soient méchantes avec eux. Imaginez le type de relations que ces enfants vont avoir dans dix ans, quinze ans ! C'est un vrai problème.

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