Intervention de Georges Chiche

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 7 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Georges Chiche cardiologue

Georges Chiche :

Je suis remonté à Paris pour effectuer une déclaration à l'Igas. L'experte de l'Igas m'a demandé de pouvoir rappeler mon associé, qui lui a confirmé par téléphone cette communication spectaculaire.

La même situation s'est réitérée avec la gendarmerie nationale. Une brigade d'enquête de santé m'a auditionné en début d'année. Mon associé a encore une fois confirmé la communication devant les gendarmes.

Je souhaiterais comprendre comment cette situation, qui apparaît inquiétante, est possible. Il me paraît stupéfiant qu'un déclarant d'effets indésirables soit nommé auprès du laboratoire du produit en question.

En 1999, j'ai constitué le dossier en me souvenant d'aminorex. Lorsque j'ai appris le nom chimique de l'Isoméride, la dexfenfluramine ou la fenfluramine, j'ai reconstitué de manière syllabique le benfluorex. Cela m'est resté en mémoire. J'ai retrouvé l'article publié par le professeur de thérapeutique que j'avais eu la chance d'avoir étudiant.

En 1996, dans une revue, nous avons vu arriver les travaux d'un groupe polyvalent de Lucien Abenhaïm, qui montre l'hypertension pulmonaire. En 1997, les valvulopathies induites par l'Isoméride se sont multipliées. A partir de 1997, lorsque je rencontrais des cas de valvulopathies qui n'étaient ni connues ni explicables par un rhumatisme articulaire aigu ou une ischémie évidente, je demandais aux patients s'ils avaient pris de l'Isoméride et du Mediator. Dans les quartiers nord de Marseille où je pratique, j'ai influencé les médecins généralistes, qui sont tous au courant de la toxicité de ces produits depuis 1997.

En janvier 1999, dans la revue Circulation, je mentionnais une épidémie prédictible. Il a fallu attendre novembre 2009 pour mettre fin à cette affaire. A l'époque, dans la littérature médicale, j'avais trouvé des travaux français de l'équipe du professeur Simonneau : dès 1993, il mettait déjà en lien le Pondéral (fenfluramine) et l'hypertension pulmonaire.

En 2011, l'ensemble des revues étrangères se moquent de nous. Elles refont un historique des cas, notamment ceux qui ont été publiés en 1999, qui auraient dû stopper l'affaire.

Je me pose un certain nombre de questions.

Tout d'abord, y aura-t-il un « avant » et un « après » ? En tant que praticien de terrain, je perçois un « après » de cette affaire. Lorsque je rédige une ordonnance, les patients me demandent à quoi servent les médicaments que je leur prescris. J'en suis très satisfait, car cela permet de retirer certains médicaments des ordonnances et de refaire la liste avec les patients.

Dans la littérature américaine, nous assistons à une multiplication des articles qui s'interrogent sur la question de l'« après ». Dans une enquête de mai 2011, des épidémiologistes interviewent des médecins américains qui ont suivi une formation médicale continue. A la question « Pensez-vous qu'une formation médicale continue qui est sponsorisée par l'industrie est biaisée ? », ils ont répondu oui à 80 %. A la question : « Etes-vous prêts à payer les frais d'hébergement, de restauration, d'amphithéâtres, etc. ? », ils ont répondu négativement. Nous nous trouvons dans un cercle vicieux : les médecins savent que leur formation sponsorisée est biaisée, mais ne veulent pas pour autant l'assumer.

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