En prenant la carte des ruptures d'eau potable de cet été dans le bassin Adour-Garonne, nous constatons que près de 90 % des 250 collectivités concernées ont souhaité conserver la gestion de l'eau au niveau communal, plutôt que de transférer la compétence comme le prévoit la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). À l'heure actuelle et depuis la mi-2022, 17 collectivités sont encore en rupture d'approvisionnement en eau. Neuf d'entre elles réalisent du « citernage » et huit distribuent des bouteilles d'eau.
La gouvernance de ces collectivités explique peut-être directement les difficultés rencontrées. En effet, les collectivités peuvent avoir du mal à amortir seules leurs prêts et à construire des modèles économiques pérennes. Cette hypothèse animera sans doute des débats.
Quoi qu'il en soit, les aquaprêts peinent à être mobilisés par des collectivités qui doivent investir des sommes importantes pour sécuriser la qualité et la quantité de leurs eaux. Or, ils permettraient notamment de limiter l'impact de leurs investissements sur le prix de l'eau.
Pour en venir aux évolutions que nous envisageons, il faut préciser que les agences de l'eau s'inscrivent sur le temps long. Nous articulons des actions de long terme s'inscrivant dans le cadre du PACC avec des actions aux effets plus immédiats, en lien avec le régalien -- c'est-à-dire l'État et les préfets et avec les objectifs de notre SDAGE.
En particulier, nous veillons à sécuriser les captages en termes de qualité. Cette mission est d'autant plus importante que 60 % de la population de notre bassin est alimentée en eau par des rivières.
Avec la réduction de la quantité d'eau, plus les débits décroissent et plus la qualité de l'eau des rivières se dégrade : concentration des micropolluants, augmentation de la température ... Nous avons pu voir dans notre colloque de Bordeaux « Micropolluants dans l'eau, un enjeu pour le vivant » que nous retrouvons plus d'un million de molécules différentes dans nos rivières. Ces molécules interagissent davantage entre elles lorsque la température de l'eau est chaude et la présence de ces micropolluants a sans cesse augmenté.
Ainsi, le pouvoir régalien doit parvenir à faire face à ces enjeux et les agences de l'eau doivent travailler avec les préfets. La répartition des compétences des différents acteurs de la gestion de l'eau doit être claire et ces acteurs doivent avancer dans une dynamique commune.
Nous tentons d'articuler nos actions avec les préfets et les collectivités dans le cadre d'une organisation structurée par sous-bassins. Dans cette organisation, les collectivités locales, regroupées autour des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), ont pour interlocuteurs les préfets de chaque sous-bassin.
Par ailleurs, nous identifions la nécessité de renaturer les villes et de faire évoluer nos modèles agricoles. En particulier, il faut noter que le monde agricole intervient fortement dans la gestion durable de l'eau. Nous avons perdu énormément d'éleveurs en Aveyron, en Lozère, au Cantal, en Ariège, ou encore dans les Pyrénées. Depuis lors, nous constatons que les pâtures de montagne cèdent leur place à des friches davantage consommatrices d'eau et non productives. Cette transformation empêche l'eau de redescendre vers les plaines en été. Il apparait donc que nos plus importantes unités de stockage d'eau se trouvent probablement dans la nature et que nous avons besoin de nos agriculteurs pour les préserver.
Dans les zones céréalières, des efforts doivent être réalisés pour mettre en adéquation le développement économique et la sécurisation de la qualité de l'eau, notamment à travers une réduction des intrants. La transformation du modèle agricole interroge notamment nos choix alimentaires et la part de pouvoir d'achat dédiée à l'alimentation.
Les agences de l'eau expérimentent les paiements pour services environnementaux (PSE). Ces PSE rémunèrent des agriculteurs qui contribuent à maintenir la qualité de l'eau en maintenant certains écosystèmes. Par la même occasion, la préservation de paysages menacés profite au tourisme.
Enfin, nous devons mettre en cohérence les objectifs de la DCE et ceux de la politique agricole commune (PAC). Cette cohérence a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport européen récent.