Intervention de Bariza Khiari

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 3 février 2016 à 15h10
Audition de Mme Bariza Khiari sénatrice de paris auteure de la note « le soufisme : spiritualité et citoyenneté » publiée dans l'ouvrage valeurs d'islam de la fondation pour l'innovation politique »

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari, sénatrice de Paris :

L'Islam est une matière inflammable en France, car on l'utilise à des fins politiques. Chaque fois qu'il y a une élection, les partis politiques s'en emparent, dans le contexte de montée des populismes qui se nourrissent de ce type de difficultés. Nous sommes tous dans des partis politiques et nous savons ce qui peut en être fait. L'ouvrage évoqué était absolument abominable et un contre-ouvrage a même été rédigé par des Normaliens pour montrer ce que l'Islam a apporté au monde.

S'agissant des groupes terroristes qui sévissaient auparavant en Europe, ils ont fait long feu faute d'argent, c'est tout à fait exact. Dans le cas du terrorisme islamiste, la cagnotte fonctionne soit avec les moyens que nous avons évoqués tout à l'heure, soit par le travail clandestin, le petit banditisme et le commerce informel. Daesh rémunère mensuellement ses recrues destinées pourtant à une mort certaine. Lors d'une précédente audition, le Ministre de la défense nous indiquait que les pertes essuyées par les combattants de Daesh étaient immédiatement compensées. On se pose ainsi la question de l'attractivité de Daesh : pourquoi la coalition n'utilise-t-elle pas les musulmans dits modérés pour travailler à un contre-discours idéologique face aux radicaux ? Il y a vraiment tout un travail à mener dans la durée. La question des modèles positifs d'identification se pose avec acuité dans les médias et nos sphères politiques. Les musulmans « normaux » ne sont pas entendus, on ne leur tend pas le micro et, par voie de conséquence, ceux qui ont réussi ne peuvent donc pas faire rêver les jeunes des quartiers ! Un jeune qui devient député, conseiller régional ou figure sur une liste, à moins qu'on l'utilise pour le caïdat colonial et non pour ses compétences, fait avancer la diversité.

Je n'ai pas beaucoup parlé de l'organisation, car c'est un sujet en soi. Le CFCM a été construit difficilement, sur le modèle choisi pour les Juifs de France par Napoléon. Ce n'est pas vraiment une réussite, car dans l'Islam sunnite, il n'y a pas de clergé, ce qui pose déjà certaines difficultés. En outre, cet Islam consularisé, qui dépend des pays d'origine, me semble problématique. Il faut couper le lien ; ça devrait être possible avec une nouvelle génération de musulmans qui sont plus indépendants vis-à-vis du pays d'origine. Que fait le CFCM ? On a créé des notables qui parlent aux institutions et aux Pouvoirs publics, mais plus aux musulmans. Ces gens-là ne parlent pas à leurs ouailles. C'est une réelle difficulté à laquelle s'ajoute celle de la formation des imans, dont certains ne parlent pas couramment le français et ne connaissent pas très bien nos usages.

Nous pouvons former des imans dans la zone concordataire, qui est une singularité de notre république laïque. Pour le moment, nous avons délégué leur formation à Rabat, ce qui n'est pas une mauvaise chose, car le Maroc demeure le réceptacle de cet Islam européen. Le Roi du Maroc, qui est commandeur des croyants, applique un Islam du juste milieu. Des professeurs y expliquent la laïcité. Mais nous pourrions très bien réintégrer cette démarche de formation en France dans un espace concordataire !

Mais ça suppose aussi des moyens, avec le soutien de la Fondation des oeuvres de l'Islam dont l'idée initiale est, me semble-t-il, tout à fait pertinente. Il faut à sa tête un banquier venu de la sphère de l'Islam, qui soit capable de rechercher des fonds et d'étudier des projets à financer, avec à ses côtés des personnalités qualifiées. Elle pourrait aussi financer des activités culturelles.

En termes d'organisation, on peut donc mieux faire.

Les musulmans pieux respectent la Zakat. Je me souviens de mon père qui calculait le montant de tous les comptes des membres de la famille, ainsi que celui de l'intérêt, pour sortir la Zakat. 2,5 % c'est lourd, tout de même, et les commerçants doivent également donner 2,5 % du montant de leur stock, sauf s'il s'agit d'un stock périssable. À cela s'ajoutent également les impôts ! Mais si vous faîtes appel à la charité des musulmans pour aider à construire un Islam spirituel, libre et responsable, vous aurez du monde !

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