Je vous remercie de votre venue. Nous connaissons votre engagement en faveur du CETA, que vous avez décrit comme « un accord qui nous ressemble et qui nous rassemble » dès mars 2018. Presque deux ans plus tard, cette formule très belle peut paraître étrange, tant le CETA semble susciter de réserves dans l'opinion publique et en particulier dans certaines filières économiques. En décembre dernier, vous vous êtes rendue dans la Creuse, à la rencontre d'éleveurs de la filière viande bovine, la filière la plus tendue sur ce sujet. Vous avez pu mesurer l'ampleur des crispations.
Le CETA est entré en vigueur provisoirement en septembre 2017. Nous sommes donc capables d'analyser ses premiers effets. Dans le cadre du groupe sénatorial de suivi des négociations commerciales internationales, nous avons auditionné des responsables administratifs de la Commission européenne et de l'administration française, qui ont globalement fait état de résultats favorables à l'Union européenne et à la France. Ce discours positif nous a été confirmé début janvier par le secrétaire d'État, M. Jean-Baptiste Lemoyne, lors du dernier comité de suivi des négociations commerciales. Quelle est votre analyse sur cette première phase d'application provisoire du CETA ? De quelle manière le Canada en a-t-il bénéficié jusqu'à présent ? Comment entend-il en bénéficier à l'avenir ? Certains signaux faibles vous laissent-ils espérer des évolutions dans certaines filières dans votre pays ? Rencontrez-vous également des difficultés avec certaines filières économiques qui se révéleraient plus hostiles à cet accord ?
Craignez-vous que l'un des quatorze États membres n'ayant pas encore ratifié l'accord ne bloque le processus de ratification, et avec quelles conséquences ?
Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États est en cours de finalisation. Par rapport aux tribunaux d'arbitrage classique, des garde-fous seront prévus pour éviter les recours abusifs, comme un code de conduite pour les juges ou un mécanisme d'appel. Ils sont au coeur des négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et surtout un point sensible politiquement. Le comité mixte du CETA devrait approuver une décision réaffirmant le droit des États à adopter des réglementations qui suivent des objectifs légitimes de politiques publiques, notamment sur l'environnement, ce que l'on a parfois appelé abusivement le « veto climatique ». Les parties pourraient alors diffuser des notes d'interprétation contraignante de l'accord ; si nécessaire, le comité mixte pourrait adopter des interprétations liant les tribunaux.
Certaines associations craignent que le Canada utilise ces instruments. Quelle est l'approche du Canada sur ces sujets ?
Je suis toujours ravi d'échanger avec vous sur ce sujet, comme ce fut le cas avec votre prédécesseur, car cette affaire du CETA nous occupe depuis sept ans. Je n'ai jamais caché mon approche du sujet ; si nous ne pouvons pas conclure d'accord avec un pays qui nous ressemble tant, cela augure mal des accords de libre-échange !