Intervention de Isabelle Hudon

Commission des affaires européennes — Réunion du 5 février 2020 à 16h30
Politique commerciale — Accord économique et commercial global entre l'union européenne et le canada aecg-ceta - Audition de Mme Isabelle Hudon ambassadrice du canada en france

Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France :

Je l'ai dit, il y a beaucoup de pères et de mères du CETA en France ; j'ajoute que, chez nous aussi, plusieurs familles politiques lui ont publiquement accordé leur soutien.

Notre modèle n'est pas le modèle français, et nous n'entendons pas vous l'imposer. Il y a des règles claires et strictes sur les normes à respecter en France et au Canada et le CETA n'en fait disparaître aucune. En matière de production bovine, par exemple, il a été décidé, au Canada, à l'issue d'un débat passionné, que les producteurs bovins pouvaient continuer à élever leur bétail en utilisant des hormones. Or c'est interdit en France. La viande ainsi produite est donc interdite en France. Nous ne vous imposons pas notre modèle : nous acceptons le commerce entre les deux pays en respectant les normes des deux côtés. Ce n'est pas à moi de vous aider à regagner confiance dans la solidité de vos normes, en revanche, je vous assure que lorsque nos produits quittent le Canada, ils respectent les normes, les nôtres comme les vôtres.

J'ai passé deux ans sur le terrain français à parler du CETA avec passion, mais je me suis trouvée très seule ! Vous indiquez qu'à vos yeux le Canada est un pays ami, mais je n'ai pas entendu beaucoup de voix s'élever pour le défendre lorsque des propos ont été tenus, sur l'agriculture, en particulier, qui ont abîmé mon pays. Je me suis sentie bien seule à faire la promotion de cette entente, et je vous ai également envoyé des fiches explicatives. J'ai fait appel aux entreprises françaises et canadiennes, mais celles-ci ne veulent pas s'embarquer dans ce débat, ni ici ni là-bas. C'est pourquoi nous avons produit nous-mêmes ces fiches, qui ont également été transmises aux médias régionaux.

Sur les professions réglementées, il existe dans l'accord négocié un cadre permettant la reconnaissance des qualifications, mais il revient à chaque profession de mener les négociations. Ce secteur est sous la responsabilité provinciale, chez nous, et beaucoup de négociations se font province par province et profession par profession, la province de Québec étant la plus avancée.

Vous évoquez le secteur laitier, mais j'ai indiqué, dans mon discours, que, depuis le CETA, les vins français avaient repris la pole position aux vins américains : nous buvons votre vin et nous adorons votre fromage. Ces débats ont eu lieu dans le secteur laitier canadien il y a quelques années, avant les négociations. J'ai entendu, d'ailleurs, que vous auriez apprécié qu'il en aille de même en France. Des craintes se sont fait jour, le secteur s'est senti fragilisé au moment de renégocier l'entente de libre-échange avec les États-Unis et le gouvernement canadien a déployé un programme d'aide spécifique. Je ne veux pas m'ingérer dans vos façons de faire, vos règles sont différentes, mais si vous votiez contre le CETA, j'ai compris que ce serait pour souligner la souffrance de votre secteur agricole. Pourtant, je vous appelle à ne pas balayer le Canada du revers de la main et à voter pour des recommandations précises et non pour pallier les pertes possibles de votre secteur agricole. Je forme le voeu que la sagesse du Sénat soutienne une modernisation ou une réforme, mais je n'empiéterai pas plus avant sur vos prérogatives !

Je ne peux rien faire pour ou contre le Mercosur, mais je vous invite à faire une différence entre ces deux traités. Si vous exigez des normes précises pour le CETA, adoptez la même posture pour le Mercosur, mais ce n'est pas parce que vous voterez le CETA que vous voterez le Mercosur.

En matière de marchés publics, il est difficile de produire des chiffres, mais nous vous ferons parvenir un document. Globalement, les développements sont lents, mais des sociétés françaises multiplient leurs actions sur les marchés publics et obtiennent de plus en plus de succès.

J'attire votre attention sur le fait qu'un vote négatif de votre part, voire une absence de vote, enverrait, certes, un message à votre gouvernement, mais adresserait également au Canada un véritable signal géopolitique et pas seulement commercial. Je vous l'ai dit : la liste des pays alignés fond comme neige au soleil. Je ne sais pas ce que fera l'Union européenne d'un vote négatif, mais si le premier venait de la France, il s'agirait d'une sacrée gifle. Utilisez plutôt votre sagesse pour faire avancer le dossier !

Une dernière chose : au Canada, nous ne nourrissons pas nos ruminants avec des farines animales au sens où vous l'entendez, nous suivons sur ce point les mêmes règles que l'Union européenne, mais l'expression ne signifie pas nécessairement la même chose chez nous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion