Intervention de Michel Sapin

Mission commune d'information impact emploi des exonérations de cotisations sociales — Réunion du 17 juin 2014 à 17h00
Audition de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics

Michel Sapin, ministre :

Est-il exact de dire que nous consacrons toujours plus d'argent public à la baisse des cotisations sociales des entreprises ? Je crois que nous devons commencer par regarder le poids des cotisations et impôts de toutes sortes sur la production - pour constater que la France arrive aux tous premiers rangs, sinon au premier, parmi les pays qui nous sont comparables. Pour en attester, il n'y a que deux juges de paix : la marge nette des entreprises, qui s'est écroulée entre 2002 et 2012 au point que les entreprises françaises disposent des marges les plus faibles parmi leurs concurrentes des pays qui nous sont comparables ; ensuite, le commerce extérieur, qui, hors énergie, était encore à l'équilibre en 2002 et qui est fortement déficitaire aujourd'hui. Et l'enjeu d'ensemble, parce qu'il y a bien un lien entre ces deux facteurs, c'est la capacité de notre industrie à être dans la compétition internationale. Je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'il n'y a pas de modèle parfait, l'Allemagne cherche à corriger son organisation en y introduisant un salaire minimum, par exemple ; cela dit, l'Allemagne innove et, avec des coûts du travail au moins égaux aux nôtres, vend beaucoup de voitures haut de gamme, beaucoup plus que nous ne le faisons.

Je crois que nous devons raisonner en considérant tous les mouvements de contributions et de rétributions, c'était du reste le débat sur les cotisations familiales des entreprises : on prélève sur la production, pour lui faire des restitutions ensuite, ce n'est pas le plus simple, d'autant que si le lien de l'entreprise avec le chômage, la retraite et même la santé est évident, celui qu'elle entretient avec les politiques familiales ne coule pas de source. En considérant l'ensemble, on voit qu'il vaudrait mieux alléger l'entreprise de ce financement et en trouver un autre, cela baisserait notre coût de production, ce serait meilleur pour notre économie, et finalement pour l'emploi.

Je crois donc que dans ce débat, il n'est pas exact de dire que l'Etat verse des fonds publics pour alléger les cotisations : il s'agit plutôt de ne pas prélever ce qu'on reverse par la suite, la nuance est de taille. On le voit avec le régime social des indépendants (RSI), intégralement abondé par la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) : lorsqu'on veut supprimer celle-ci, on ne le fait pas sans trouver un financement pour le régime social lui-même, c'est la compensation.

La question du financement des régimes de sécurité sociale est décisive. On peut encore faire des économies de gestion, solliciter les entreprises, les ménages, via la CSG, il y a aussi les impôts affectés - sur le tabac et l'alcool, par exemple. Les partenaires sociaux veulent de la transparence dans l'affectation des ressources, pour que chacun puisse se faire une opinion ; c'est bien notre optique, de réformer dans la clarté sans perdre de vue l'objectif d'améliorer l'efficacité de notre sécurité sociale. Les 50 milliards d'économies ne sont pas, comme je l'entends ici ou là, pour compenser le Cice, il l'est déjà notamment par l'augmentation de TVA intervenue à l'automne dernier et par de la fiscalité. Il s'agit bien de mesures nouvelles, pour 10 milliards d'euros de cotisations, 5 milliards pour les ménages, les baisses d'impôts, sans oublier la baisse du déficit - je ne suis pas un fétichiste des 3 %, mais je sais qu'à notre niveau de croissance, il faut penser au poids des intérêts de la dette. Reste, cependant, à aller chercher les 50 milliards d'économies : 18 milliards pour l'Etat, nous y travaillons ministère par ministère ; 11 milliards pour les collectivités locales, c'est très important ; 21 milliards pour les régimes de sécurité sociale, dont 10 milliards qui paraissent à portée dans la branche maladie grâce aux réformes déjà intervenues, ce qui ne préjuge cependant pas des difficultés pour les 11 milliards supplémentaires.

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