Si j'ai pris la peine de venir, à la demande de l'ARF, c'est parce que j'ai considéré que votre mission était importante. Il est vrai qu'en dix minutes je n'ai pas pu parler de ce qui fonctionnait bien, qui ne me semblait pas constituer l'essentiel de l'objectif de votre mission.
Par ailleurs, j'estime que votre mission s'avère d'autant plus importante qu'une loi bien faite ne dépend pas seulement de la bonne volonté des individus. Ainsi, elle doit comporter des points de passage et de cohérence qui obligent les différents acteurs à produire des accords, qu'ils aient ou non envie de travailler ensemble.
La loi sur le RSA a prévu que les régions soient partenaires des pactes territoriaux d'insertion, ce qui se met en place dans toutes les régions au-delà des états d'âme des uns et des autres. En revanche, la réforme de la formation professionnelle de 2009 n'a pas prévu que les contrats de plan régionaux de formation professionnelle (CPRDFP) soient signés par Pôle emploi ni d'ailleurs par les partenaires sociaux.
Nous nous trouvons donc actuellement confrontés à la difficulté suivante. Nous négocions avec l'Etat, à la fois avec le préfet de région et avec l'autorité académique. En revanche, aucune contractualisation ne nous lie, de par la loi, avec les cofinanceurs de formation que sont les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), d'une part, et Pôle emploi, d'autre part. Il manque donc un verrou obligatoire à ce niveau.
Par ailleurs, trois niveaux de cohérence s'avèrent indispensables dans le domaine de l'orientation, de la formation et de l'emploi : une ingénierie de proximité, ou individualisée, c'est-à-dire le suivi des personnes ; une ingénierie de l'offre, qui se situe au niveau régional, et concerne l'offre de formation adaptée aux territoires, en articulation avec les schémas régionaux de développement économique et d'aménagement du territoire ; des outils réglementaires, élaborés au niveau national, qui permettent ensuite une déclinaison dans les différents échelons.
S'agissant de la prescription par Pôle emploi, je vous renvoie à la circulaire du 24 mars de la DGEFP qui donne aux sous-préfets, comme critères d'évaluation des priorités pour l'emploi, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, ce qui laisse de côté les jeunes qui sont suivis uniquement par les missions locales, et les formations achetées par Pôle emploi.
Ainsi, dans certaines régions où des formations sont cofinancées par Pôle emploi, celui-ci nous demande s'il est possible de trouver d'autres sources de financement, arguant qu'il n'a pas le droit de les compter dans ses résultats et que ses moyens vont dépendre de sa capacité à atteindre le résultat fixé. Or, il s'agit de formations aux métiers du secteur sanitaire et social, qui sont actuellement en grande tension.
S'agissant de ce qui fonctionne bien aujourd'hui, le principe d'un co-pilotage réalisé par l'Etat et les partenaires sociaux constitue une très bonne idée. Il nous manque toutefois des verrous législatifs, ainsi qu'un pilotage interne à Pôle emploi.
En outre, l'accompagnement vers l'emploi nécessite non seulement un front-office correct, permettant l'accueil des publics dans de bonnes conditions, mais aussi un back-office, des outils et des financements. Or, aujourd'hui, les acteurs de terrain de Pôle emploi se trouvent en situation d'asphyxie.
Un certain nombre d'études ont mis en évidence l'état de souffrance du personnel de Pôle emploi. Toutefois, un jour, nous serons également amenés à examiner les risques psychosociaux encourus par les demandeurs d'emploi eux-mêmes, et induits par la difficulté que ceux-ci éprouvent à être acteurs de leur parcours et à disposer d'interlocuteurs disponibles pour en discuter.