À Lille, la réforme a été expérimentée pendant l'année scolaire 1995-1996 dans un quartier en très grande difficulté, marqué par un fort absentéisme scolaire. C'est pour cette raison que nous avons mis en place la semaine de six jours, afin notamment d'éviter que les enfants oublient de se lever le jeudi matin après la coupure du mercredi... Des ajustements ont eu lieu pendant la première année, durant laquelle il a fallu convaincre les parents. La réforme a été une grande réussite, les enfants ont été très présents à l'école : la matinée a ainsi pu être consacrée aux cours, et l'après-midi à d'autres activités. Outre une diminution de l'absentéisme, nous avons constaté un changement de regard des familles sur l'école. Avec le mouvement d'éducation populaire les Francas, nous avons pu construire des parcours de deux heures l'après-midi, en liaison avec les enseignants, à la bibliothèque ou au musée, en éveillant ainsi la curiosité des enfants. Il est vrai que la stabilité de l'équipe pédagogique a facilité l'inscription dans la durée de cette nouvelle organisation des temps scolaires. Nous avons constaté l'attractivité de la réforme quand des parents des quartiers du centre-ville, plus favorisés, ont commencé à inscrire leurs enfants en maternelle dans ces classes : il y a eu un phénomène de mixité inversée ! Aujourd'hui, tous réclament de pouvoir conserver cette organisation, alors que la réforme des rythmes scolaires impose cinq matinées de cours.
L'expérience a été renouvelée à Lomme en 2012, avec les mêmes résultats positifs. Nous avons mis en place des parcours de philosophie dès la grande section de maternelle ainsi que d'apprentissage de la langue des signes, afin d'amener les enfants à se découvrir des potentialités et à leur faire comprendre qu'ils peuvent réinvestir en dehors de la classe ce qu'ils apprennent à l'école. Par exemple, la géométrie est nécessaire pour pratiquer l'astronomie.
Vous m'avez interrogée sur la durée des enseignements. Les matinées durent quatre heures, entrecoupées par deux pauses. Seule la première récréation, avant l'entrée en classe, a été supprimée. Une pause intervient après que le premier tiers de la matinée a pris fin : les enfants bénéficient alors d'une collation avec des fruits. Nous avons travaillé également à la préparation des récréations, qui ne doivent pas être considérées comme la soupape de sécurité de la cocotte-minute pour calmer des enfants trop énervés, ainsi qu'à l'aménagement des espaces de jeux.
Les cours commencent à 8h30 et terminent à 12h30. Nous avons travaillé sur la qualité des petits déjeuners, en invitant les parents à venir prendre un petit déjeuner avec les enfants. Deux services de déjeuner sont organisés à partir de 12h30.
Vous dites que mes idées sont généreuses. Mais j'ai également milité pour un changement de société, et je ne comprends toujours pas que, lorsqu'on établit des comparaisons internationales, on n'oublie de dire qu'au nord de l'Europe toutes les familles sont rentrées chez elles à 18h. Notre société ne peut pas continuer de fonctionner avec des mamans travaillant en discontinu à partir de 5h30 !
Aujourd'hui, je veux que nous puissions continuer de faire ce que nous faisons, et j'entends les voix de ceux qui me disent, comme à Lannion, vouloir poursuivre leur organisation scolaire actuelle, mais dont le projet est refusé parce qu'il ne s'inscrit pas dans le cadre des neuf demi-journées.