Aucun, si ce n'est que j'habite dans une commune traversée par la LGV et que je suis président d'un comité qui a déposé un recours auprès du Conseil d'État pour annuler la mise en oeuvre de cette ligne.
Je tiens à vous remercier de m'avoir proposé d'exposer les vues du comité « TGV réaction citoyenne ». Créé il y a 17 ans, ce comité originellement composé de cinq associations en a réuni jusqu'à 38 au fil des années. Il a été déclaré en préfecture en 2000 et j'en suis président depuis 2003. Voilà donc dix-sept ans que nous travaillons à faire valoir la biodiversité, mais aussi l'humain et le socio-économique. Comme je l'ai mentionné, nous avons déposé un recours en annulation auprès du Conseil d'État.
Le but commun de toutes les associations réunies dans notre comité était initialement de lutter contre le projet de la LGV et de proposer une autre politique de transport. Les années passant et le rouleau compresseur de Réseau ferré de France (RFF) oeuvrant, nous sommes passés du « non » au « non, sauf si... » tout en restant guidés par les principes du développement durable des territoires concernés, avec la confluence des trois piliers, social, écologique et économique.
Le comité a exposé ses vues auprès des ministres, en particulier MM. Bussereau et Perben. Nous avons eu de nombreux entretiens avec M. Raffarin et nous avons défendu nos arguments devant certains députés, maires etc. Nous avons travaillé d'arrache-pied avec toutes les communes concernées. Les associations de notre comité implantées sur la partie nord du projet de LGV ont pu acquérir une forme de renommée, synonyme de professionnalisme.
Nous avons travaillé sur toutes les composantes des impacts environnementaux de la LGV. Même si nous avons acquis une réputation de professionnalisme, nous sommes loin d'être des spécialistes, car la formation professionnelle des présidents d'association n'entretient pas forcément de rapport avec l'environnement. Nous nous sommes donc entourés d'experts.
J'en viens à la mise en oeuvre de la séquence éviter-réduire-compenser sur laquelle vous m'interrogez. Pour la LGV L'Océane, de quoi s'agit-il ? Les aménageurs, et RFF en particulier, sont à mille lieues d'appliquer les principes de la séquence ERC. Les projets sont dans les tuyaux depuis 1992 et le comité ministériel a été créé en 1998. À l'époque, les aménageurs étaient bien loin de ces préoccupations.
Aux différents stades des études - car, vingt ans pour construire une ligne, c'est extrêmement long - au fil de l'avant-projet sommaire (APS) et de l'enquête d'utilité publique (EUP) de 2000 à 2005 pour le tronçon Angoulême-Bordeaux, puis en 2007, pour le tronçon Tours-Angoulême, l'impression des élus et de la population était que tout était joué d'avance. A-t-on cherché à éviter ? Non. À réduire ? Oui, mais au strict minimum et quand cela ne coûtait pas trop cher. À compenser ? Oui, mais au strict minimum légal.
Dans les analyses multicritères - soit 11 critères - pour évaluer des variantes de tracé, même si une majorité de critères était favorable ou assez favorable, qu'il s'agisse de la faune, de la flore, de l'environnement humain, etc., il suffisait que le critère du coût soit défavorable ou très défavorable pour que la variante soit abandonnée. A-t-on cherché à éviter ? Non. Combien de fois ai-je entendu le patron du projet dire en réunion devant le préfet que RFF était là « pour construire des lignes et rien d'autre » ! Lors de notre recours en annulation auprès du Conseil d'État, le rapporteur public a en substance proposé dans ses conclusions que les aménageurs prennent en compte les alternatives possibles au projet mais également l'aménagement de la voie existante plutôt que la construction d'une nouvelle ligne. Même si nous n'avons finalement pas eu gain de cause, je peux en déduire que l'évitement, dans le cadre de cette ligne, n'a pas été mis en oeuvre.
A-t-on cherché à réduire ? Oui. Sur beaucoup de sites l'abaissement du profil en long a été obtenu ou bien des banquettes sous les ponts ont été élargies à destination des animaux. Cependant, toutes ces initiatives s'appuient sur des études purement techniques, voire technocratiques, sans que les experts aillent sur le terrain. En témoigne la gestion des eaux de ruissellement. De nombreux débordements et des inondations ont été constatés, lors de pluies abondantes, il y a deux ou trois ans. Le fait est que RFF n'a pas tenu compte des avertissements répétés des « anciens », qui connaissent le terrain.
S'il y a bien eu des compensations, elles ont d'abord été a minima. Pour moi qui, sans être néophyte en matière de biodiversité, ne suis pas un professionnel, la compensation est un droit à détruire. Ou du moins un moyen de dire « je paie donc j'ai le droit ».
Le dossier de la LGV-SEA est mal parti, car lorsqu'il a été lancé, RFF ne connaissait pas la séquence ERC et était déterminé à faire valoir sa vérité sur le tracé de la ligne. « RFF, c'est l'État dans l'État », ai-je dit à un préfet.