En premier lieu, il me semble qu'il serait très souhaitable de modifier les textes pour ce qui concerne les liens entre blanchiment et fraude fiscale. Du reste, à mes yeux, nous y serons conduits quoi qu'il en soit par la nouvelle mouture des recommandations du GAFI, lorsque nous serons parvenus au stade de la transposition. Mais, malheureusement, cela prendra encore deux ou trois ans !
Toutefois, d'ici là, il serait bon de clarifier les règles en matière de blanchiment et de fraude fiscale, sans attendre la transposition. De fait, les possibilités d'interprétation existant dans la rédaction actuelle du code monétaire et financier sont effectivement invoquées par certains professionnels pour refuser de se pencher sur la fraude fiscale sous-jacente.
Dès que se présente un loophole, une possibilité d'interprétation d'un texte sensible, les plus réticents s'en saisissent. À mon sens, clarifier le texte du code monétaire et financier serait donc probablement utile. Néanmoins, je ne suis pas certain que cette mesure suffise, certains professionnels nous ont d'ores et déjà indiqué que, même si on modifiait les textes, ils trouveraient toujours des interprétations.
Les banques coopèrent-elles volontairement aux évasions d'actifs ? Je ne crois pas que l'on puisse l'affirmer aujourd'hui, en tout cas de manière générale. On peut observer des accidents individuels. Ce constat est sans doute plus vrai des banques suisses que des nôtres. Honnêtement, je ne crois pas que l'on puisse accuser ces dernières, de manière générale, de participer activement à des montages d'évasion.
Les véritables problèmes que nous rencontrons dans ce domaine procèdent surtout de l'intervention des sociétés-écran, d'où l'importance des actions que le GAFI est en train de mener pour progresser sur la question des personnes morales : tant que subsisteront des trusts funds dont on ignore le bénéficiaire effectif, d'énormes trous demeureront dans le contrôle du blanchiment ! À mon sens, telle est l'action essentielle que nous devons mener : lutter contre les sociétés-écran et mettre au point un système pour que les fiducies ne puissent plus constituer des écrans impénétrables.
Parmi les recommandations du GAFI qui viennent d'être adoptées figure notamment cette idée que les sociétés de fiducie doivent identifier le bénéficiaire effectif de leurs opérations. Restera à appliquer effectivement cette disposition, ce qui ne sera pas simple. Mais, je le répète, voilà le domaine dans lequel nous devons encore progresser en matière bancaire. En effet, si on affirme au banquier français : « Les fonds proviennent d'un trust fund tout à fait légal, juridiquement constitué comme il le faut et qui a parfaitement le droit de ne pas indiquer qui sont ses mandataires », la piste est perdue, il n'y a plus rien à faire ! C'est véritablement un gros problème.
Quant à la fraude sur les matières premières, je crains de ne pouvoir vous en dire davantage. Peut-être faudrait-il interroger de nouveau TRACFIN sur ce point. En effet, le COLB n'a pas étudié beaucoup de dossiers en la matière. Une fraude très importante a frappé les quotas « carbone » - c'est un sujet sur lequel j'ai mené une enquête au titre de l'IGF - mais, sur les matières premières, je n'ai pas étudié de cas personnellement. Pardonnez-moi de ne pas pouvoir vous en dire davantage : c'est un véritable sujet, mais un sujet que je ne maîtrise pas.