Pour répondre à votre première question, nous nous félicitons qu'un certain nombre de démarches volontaristes aient été entreprises depuis quelque temps. Je pense en particulier aux nouvelles procédures, qui, selon nous, vont dans le bon sens. Toujours est-il qu'un dispositif tel que celui de la « flagrance fiscale » est une véritable usine à gaz inapplicable. On peut compter sur les doigts d'une main les cas où il a été utilisé. Encore une fois, on est là dans une démarche de communication : on crée un outil censé réprimer une fraude fiscale, mais qui se révèle finalement inopérant.
On peut aussi évoquer la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la BNRDF, dont la création va dans le bon sens. Depuis toujours nous réclamions une telle instance afin que la délinquance fiscale soit, dans certains cas, quasi judiciarisée. Voilà une dizaine d'années avait été évoqué - dans le rapport Strainchamps, me semble-t-il - un rapprochement de nos dispositifs avec ceux qui sont en vigueur en Allemagne : dans ce pays, c'est le juge fiscal - chez nous, il pourrait s'agir du pôle financier - qui est saisi au cours de la procédure de contrôle, dès lors que l'administration identifie un faisceau de présomptions de délit. C'est peut-être aussi pour cette raison que la judiciarisation des procédures est plus efficace en Allemagne. Je n'en connais pas le résultat in fine, mais, en tout cas, si l'on s'en tient aux questions de procédure, la création de la BNRDF va dans le bon sens.
Cela dit, la BNRDF ne peut agir qu'à partir du moment où elle a obtenu le « feu vert » de la Commission des infractions fiscales. Compte tenu de l'existence de ce filtre politico-administratif, comme le mentionnait le Conseil des prélèvements obligatoires, il n'y a pas grand-chose à attendre, de notre point de vue, de la BNRDF.
Mme Valérie Pécresse s'était félicitée que cette brigade soit composée, si je me souviens bien, de 17 agents, lors de sa création à la fin de l'année 2010. Aujourd'hui, j'ignore s'ils sont plus nombreux ; de surcroît, ils ont été prélevés sur les autres services. Quels résultats la brigade a-t-elle obtenus, notamment en termes de recouvrement ?
En tant que syndicat, nous demandons que les commissions des finances du Parlement suivent attentivement la mise en oeuvre des dispositifs votés par le législateur. Je pense en particulier aux articles réprimant la fraude fiscale internationale : il n'y en a pas cinquante, il y en a une dizaine ! Le Parlement est-il informé, chaque année, de la fréquence à laquelle ces articles sont utilisés, des montants proposés à la rectification et des montants recouvrés in fine ?
En 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires expliquait qu'il avait rencontré des difficultés pour accéder à certaines informations. Il nous paraît être la moindre des choses que les élus puissent être informés, au fil du temps, de l'utilisation qui est faite de ces articles. C'est une chose de rédiger puis de voter des lois, c'en est une autre de les « mettre en musique ». Il nous semble que, dans ce domaine, des améliorations pourraient être apportées.
Vous connaissez l'histoire de la liste HSBC, fournie par les Allemands. Le problème c'est qu'en France, selon une jurisprudence constante, on ne peut travailler qu'à partir d'éléments licites - il se trouve qu'autrefois, j'ai eu à utiliser les articles L. 16 B et suivants du livre des procédures fiscales. Or il se trouve que les éléments en question ont été, semble-t-il, volés ou achetés, ce qui fragilise fortement les suites fiscales qui pourraient être données à la révélation de cette liste HSBC. C'est un vrai problème. La justice, à mon avis, devrait aborder différemment ces dossiers. Cela dit, cette question est bien plus large que celles que nous sommes amenés à traiter en tant que praticiens, en tant qu'agents, mais, je le répète, la jurisprudence aussi bien européenne que française limite l'action administrative. Pour autant, il semblerait que les Allemands n'aient pas tout à fait les mêmes soucis. Quels sont les outils dont ils disposent pour mener à bien ces dossiers ?
Pour répondre à votre dernière question, nous sommes favorables, depuis très longtemps, avec beaucoup d'autres organisations, comme les ONG, comme certains partis politiques, à cette harmonisation fiscale. Cela relève du bon sens ! Si l'on veut faire adhérer les peuples au projet européen, il convient d'harmoniser les prélèvements.
On peut évoquer, par exemple, le projet ACCIS, assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Cela fait dix ans que nous travaillons sur ce projet. Le problème, d'après ce que nous savons, c'est qu'ACCIS serait optionnel. Si tel est le cas, on ne voit pas pourquoi les grands groupes, qui usent et abusent des prix de transfert, opteraient pour ce dispositif, qui vise précisément à limiter les prix de transfert !
Nous suggérons quelques pistes de réflexion, avec par exemple la coopération renforcée. Les traités européens, que je sache, n'interdisent pas des coopérations renforcées en matière de fiscalité.
Autre piste : l'harmonisation fiscale en matière d'assiette - c'est l'objet d'ACCIS -en matière de quotité et en matière de procédure. L'harmonisation des procédures est problématique et c'est pourquoi le législateur devrait, selon nous, recourir à une sorte de benchmarking pour étudier ce qui se fait dans les autres États et voir de quelle façon les procédures répressives pourraient être efficacement harmonisées.