J'y reviendrai dans un instant. Si vous voulez, nous avons pour nos services un choix de degrés d'intervention relativement large. On pourrait dire que nous avons aussi une activité d'ingénierie fiscale.
Les trois brigades d'intervention rapide sont des structures de vérification. Leur activité porte essentiellement sur des opérations de « carrousel », qui visent à faire tourner les transactions pour éviter de reverser la TVA. Ce n'est pas nouveau. En général, les « carrousellistes » cherchent des produits peu volumineux et à forte valeur ajoutée, car ils sont faciles à faire tourner. La grande innovation en la matière est la fraude immatérielle, portant sur les services comme les quotas de CO2.
Cela représente évidemment des risques fiscaux très élevés. Nous sommes donc très vigilants, même si, par le passé, des fraudes très importantes ont été constatées.
Nous menons également des vérifications particulières. Il arrive à ces brigades d'aller expertiser, par une vérification, un secteur d'activité et d'y ramasser de l'information. Leur travail est essentiellement répressif. Nous déposons énormément de plaintes, comme je vous l'ai dit. Nous avons également recours à l'article 40 du code de procédure pénale, grâce auquel nous dénonçons des fraudes au procureur. Nous prenons également, chaque fois cela nous est possible, des mesures pour favoriser le recouvrement. C'est une orientation sur laquelle je reviendrai.
Enfin, nous disposons de services que nous appellerons spécialisés. La Cour des comptes a considéré qu'ils étaient trop nombreux. J'appelle ça l'effet « annuaire téléphonique ». Ce sont en effet des services accessibles à des organismes territoriaux ne faisant pas partie de notre direction et donc distingués dans l'annuaire de la DNEF pour faciliter les contacts directs. En réalité, il existe entre ces services de la porosité, et non de la rigidité. Nous faisons travailler les gens ensemble.
Parmi ces services figure la fameuse brigade de recherches systématiques qui est très occupée. Elle va à la recherche des relevés de comptes bancaires dans toute la région parisienne. Elle remplit cette tâche pour tout le monde.
La cellule INFOCENTRE est composée d'une équipe spécialisée dans le traitement de grandes masses de données informatisées, principalement les fichiers de la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui nous sont transmises.
Nous disposons aussi d'une cellule qui fait de l'assistance administrative à la demande, mais sur la fraude internationale. Il y a énormément d'échanges d'informations entre les pays européens. Cela occupe beaucoup de monde. Nous avons, en outre, l'obligation de répondre dans un délai de soixante jours, délai que nous respectons. Cela demande donc des moyens.
J'ai par ailleurs développé une cellule d'ingénierie informatique, dont on pourra reparler. La fraude se développe énormément par ce canal, ce qui, pour nous, est un défi, car l'affronter n'est pas si évident.
Enfin, comme dans toute direction, notre organisation se divise par secteurs ou divisions, comme la division des ressources humaines et budgétaires par exemple. Une autre division est spécialisée dans les domaines de la fraude internationale et de la TVA. Elle regroupe une BNI, les trois BIR et les services juridiques. Une autre division s'occupe des BNI. On l'appelle la division « enquêtes ». Deux divisions s'occupent des interventions, c'est-à-dire de la procédure du L. 16 B.
Notre organisation interne regroupe donc trois types de services offensifs et des missions de direction, qui participent à l'exploitation et à la collecte d'informations.
Je suis arrivé à la DNEF au mois de septembre 2009, à l'époque ou la direction venait d'être secouée par le sinistre juridique provoqué par l'arrêt « Ravon ». Cet arrêt avait invalidé notre procédure de visite et de saisie, en ce qu'elle n'offrait pas de recours suffisants pour le contribuable. La direction avait été traumatisée par cet arrêt. Pendant près de six mois, il a fallu élaborer un nouveau texte, temps pendant lequel les services de perquisition étaient restés cantonnés dans leur bureau.
La procédure a été renouvelée, tout est maintenant parfaitement « d'équerre », si je puis dire. Nous avons pu remettre tout le monde en activité, même si ce fut un peu difficile au début, car le climat était un peu tendu.
Nous avons ensuite beaucoup travaillé sur nos processus internes, afin de les accélérer. Nous avons par exemple diminué les recours à l'assistance administrative internationale, car ils représentent, à chaque fois, un allongement minimal du délai de trois à quatre mois, ce qui est très long.
Nous avons aussi fait des efforts en matière de politique de traduction, car ces activités nous prenaient également deux ou trois mois de délais supplémentaires. Nous avons aussi mené un travail de standardisation. Tout cela nous permet d'aller beaucoup plus vite. Actuellement on peut monter des opérations en deux mois, environ. Ce n'était pas possible auparavant.
Nous avons aussi travaillé sur la professionnalisation des équipes qui conduisent les perquisitions. Le monde a beaucoup changé, la part du papier diminue. Nous travaillons de plus en plus dans un monde de réseaux, de serveurs, le monde d'Internet. Il a donc fallu former tous nos collaborateurs à ces nouvelles techniques. Nous avons dû acheter des logiciels, appelés « forensics » - c'est un terme qui s'applique dans tous les pays -, qui permettent de faire des copies conformes d'ordinateurs. La police fait exactement la même chose. Ces logiciels nous permettent de récupérer des fichiers, y compris effacés, et de les analyser.
Tout cela nous a demandé un travail très important. Le volet positif est que la production est repartie. Nous avons conduit environ 150 perquisitions durant l'année 2009, nous en sommes actuellement à 240 par an, ce qui est un rythme tout à fait correct.
Nous avons aussi réfléchi au sujet des BNI : rassurez-vous, je vais finir par vous donner les spécialisations ! Nous avons ainsi modifié leur portefeuille. Ces brigades étaient en effet calées sur des risques de fraude qui n'étaient pas très bien ciblés. Nous avons donc revu ces questions, fait du management, organisé des séminaires, bref, nous avons fait tout ce qui se fait habituellement pour amener les gens à changer.
Nous avons aussi beaucoup investi sur la formation professionnelle. Il existait auparavant un désamour pour la formation, ce qui était négatif. De 0,5 jour de formation par agent par an, nous sommes passés à sept jours, ce qui paraît tout à fait correct. Nous avons notamment fait appel à des consultants privés. En somme, on a « mis les moyens » !
Nous avons aussi introduit - c'est quelque chose qui se développe de plus en plus - de « l'analyse risque » dans les travaux courants. Cela nous permet d'absorber des quantités assez importantes de données. La DNEF, en effet, n'a pas un effectif pléthorique, comme vous avez pu le voir. Or il faut bien traiter les 30, 40, 50 voire 80 millions de données récupérées auprès d'organismes divers. Fait manuellement, cela prendrait des années. Nous introduisons donc de l'analyse risque et avons recours à l'informatique.
Afin de répondre à une demande de Bercy, nous avons également profondément modifié les méthodes de travail des BIR. Le « carrousel », qui est notre clientèle « naturelle », malheureusement, a pour caractéristique de mettre en place des chaînes. Un fraudeur vend à une société écran, qui revend à une deuxième société écran, laquelle revend à une troisième, et ainsi de suite. Puis, au bout de la chaîne, se trouve la personne en contact avec le client, et c'est cette personne qui pratique la déduction finale de la TVA.
De manière traditionnelle, et cela se comprend, l'enquête consistait à faire des démonstrations successives. Elle visait à traiter tous les maillons de la chaîne un par un et les uns après les autres. C'est bien mais, quand des maillons sont volontairement ajoutés pour égarer l'administration, les délais d'enquête s'allongent. Nous avons donc changé nos méthodes de travail. Maintenant, nous cherchons plus à démontrer qu'il y a des liens entre le fraudeur et le déducteur final, et qu'ils ne pouvaient pas ignorer qu'ils participaient à un schéma global. Cela nous permet d'aller chercher le déducteur final sur le terrain de la solidarité au paiement. Cette technique est très intéressante, parce que le déducteur final est solvable, en général, alors que le fraudeur s'est organisé pour ne pas l'être. C'est une petite révolution dans les méthodes de travail. Aujourd'hui, ce processus se déroule correctement. J'ai prochainement une réunion sur un point, mais, globalement, nous avons bien évolué.
Nous avons enfin développé au maximum les activités informatiques. Je dispose d'une équipe de jeunes inspecteurs, que je suis allé chercher à l'école nationale des impôts parce qu'ils avaient aussi suivi, au cours leur parcours universitaire, des études en informatique. J'ai réussi, non sans mal, à les attirer à la DNEF. Nous étudions les procédés actuels de fraude, qui passent par des logiciels de gestion ou des logiciels comptables. Ces logiciels comportent des fonctionnalités que nous appelons permissives, qui permettent de retraiter des écritures. Cela nous oblige à réaliser des expertises de ces produits, à démontrer le mode de fraude, afin de fournir aux vérificateurs un mode d'emploi leur permettant d'aller jusqu'au bout de leurs investigations.
Cette équipe participe également aux interventions complexes. Il nous arrive de nous rendre dans des milieux où règne un véritable délire informatique, avec des serveurs distants, des sites en Irlande, et j'en passe. Il faut arriver à naviguer au milieu de tout cela pour ramasser et collecter l'information. Nous devons déjouer un certain nombre de pièges qui nous sont tendus, d'où la nécessité de disposer d'informaticiens.
La cellule d'analyse et de recherche sur les fraudes (CARF) est une équipe d'inspecteurs des impôts adossée à l'INFOCENTRE, où se trouvent tous les fichiers et où, en réalité, nous faisons de l'ingénierie à l'envers. Quand nous avons connaissance d'une fraude, nous essayons de la démonter afin d'en rechercher des traces dans nos fichiers. Nous pouvons alors faire de la récupération à grande échelle.
La BNI 1 travaille essentiellement sur la fraude à la TVA à l'échelle internationale. C'est dans cette BNI que nous traitons actuellement les échanges d'informations dans Eurofisc. Depuis un an et demi, en effet, le traité Eurofisc fonctionne très bien. Les 27 pays de l'Union ont notamment adhéré à son premier domaine : la lutte contre les fraudes « carrousel ». Nous recevons ainsi un flot d'informations très important, signalé par tous les pays, portant sur les opérateurs à risque. Nous avons l'obligation de faire une analyse de renvoyer un feed-back. Grâce à ce système, nous pouvons repérer les opérateurs qui méritent des investigations plus poussées. Pour la DNEF, ce traité représente donc un plus incontestable.
Cette BNI est concentrée sur les « carrousels », et les fraudes à la TVA sur les véhicules. En effet, beaucoup de véhicules d'occasion donnent lieu à une fraude. Sachez que, derrière les belles occasions allemandes, se trouve en réalité souvent une fraude à la TVA. C'est pour cela que, en général, le prix est attractif.
Cette BNI s'occupe des véhicules en général, y compris les aéronefs, les bateaux. Nous allons travailler un peu plus sur le régime douanier dit 42, qui se développe. Il s'agit d'une sorte de régime suspensif, à condition que le produit ne soit pas vendu en France. En réalité, les produits sont détournés et revendus en France. Nous allons donc travailler avec les douaniers sur ce sujet. Tel est le champ d'intervention essentiel de la BNI 1.
La BNI 2 travaille sur les thématiques fiscales des grands groupes. Son périmètre a donc un rapport direct avec les travaux de votre commission. Il comprend l'évasion fiscale, les prix de transferts, la sous-capitalisation, les intérêts indus, les redevances versées à tort dans les paradis fiscaux. Le crédit impôt recherche y figure également.
La BNI 3 - tout comme la BNI 5 - s'intéresse aux particuliers, et fait de la recherche sur des dossiers à forts enjeux. Vous imaginez ce que cela peut vouloir dire.
La BNI 4 couvre le champ de diverses fraudes réalisées par les entreprises. Nous sommes en relation avec de nombreux organismes, dans les sphères de la police, de la justice, du social, ou de la concurrence. Nous recevons de très nombreuses informations, portant, par exemple, sur des entreprises qui emploient des travailleurs non déclarés. Des procès-verbaux nous sont communiqués. Toutes ces informations arrivent à la BNI 4. Nous menons des enquêtes, voyons jusqu'où il faut aller et sous quelle forme il faut traiter le dossier. Il s'agit de fraude que nous pourrions qualifier de générique. Les données de TRACFIN arrivent également à la BNI 4.
La BNI 5 traite des problématiques de domiciliation des particuliers. Son périmètre comprend les faux expatriés, qui « sous-marinent » quelque part en France. Il y en a ! Il comprend aussi tout ce qui est lié aux opérations financières. Le sujet est souvent assez compliqué, car il traite d'opérations de stock-options, de plus-value, de trusts.
Enfin, la BNI 6 s'occupe de commerce électronique. Il s'agit d'activités qui ne sont pas déclarées en France. Je ne vais pas vous révéler de fait original : il est de notoriété publique que, pour l'achat de morceaux de musique sur iTunes, la TVA est payée non pas en France, mais au Luxembourg. Notre rôle consiste à savoir si cette situation est fondée ou non. En matière de commerce électronique, il existe de nombreuses activités qui, en réalité, ne sont pas fiscalement établies en France. La BNI 6 s'occupe aussi d'économie verte, soit tout ce qui est matériaux, économies d'énergie, et j'en passe.
Comme je vous l'ai dit, nous avons beaucoup renforcé la formation professionnelle des agents travaillant au sein des BNI. Nous les avons formés à l'analyse financière, aux opérations structurelles d'entreprises, afin qu'ils atteignent le meilleur niveau possible. Nous sommes également en train de transformer une trentaine de postes de contrôleurs en postes d'inspecteurs. Dix postes ont d'ores et déjà été transformés : cinq en 2011 et cinq en 2012. Nous allons continuer sur ce rythme, de manière à faire monter le potentiel.
Comme vous pouvez le constater, la direction évolue beaucoup !