Intervention de Bernard Salvat

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 10 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Salvat directeur national des enquêtes fiscales

Bernard Salvat, directeur national des enquêtes fiscales :

Ces dossiers ont récemment été envoyés pour traitement dans les directions locales, car nous en traitons peu nous-mêmes. Cette opération est naturellement pilotée par la direction générale. Nous en ferons le bilan le moment venu.

Nous en avons toutefois sélectionné un certain nombre que nous souhaitions traiter. Sur environ un millier d'opérations, notre taux de programmation est de 25 %. En d'autres termes, un quart des dossiers était donc en anomalie. Ces dossiers donneront bien entendu lieu à des suites, qui peuvent aller du contrôle de cabinet jusqu'à l'examen de situation fiscale personnelle. Toute la palette est utilisée.

Je le répète, nous faisons plus de travaux sur les entreprises que sur les particuliers, même si, d'un point de vue statistique, les volumes liés aux dossiers des particuliers peuvent être très importants.

J'en viens aux secteurs à risque sur lesquels travaillent les BNI. Le premier secteur que j'ai mentionné a trait à la fraude à la TVA.

La TVA est un impôt fragile, parce que les gens la collectent et la reversent eux-mêmes. Certains peuvent donc être tentés de ne pas reverser la TVA qu'ils ont collectée. La technique des « carrousels » pose problème, car cette fraude n'est pas franco-française ; elle s'est notamment développée dans tous les pays européens. La BNI 1 a pour spécialité de veiller sur les opérations à risque. Figure parmi elles, par exemple, le secteur de l'énergie. Cela a toutefois été réglé, puisque nous avons fait voter les textes visant à modifier les règles du jeu et éviter ainsi la fraude de type carrousel. Mais le marché de l'énergie est fragile.

Le commerce des véhicules est également un secteur à risque très élevé. On peut trouver sur Internet une quantité assez impressionnante de négociants en véhicules d'occasion qui font venir des véhicules d'Allemagne et qui les vendent à des particuliers. Lorsqu'un véhicule est acheté à un professionnel allemand, on devrait le vendre avec une TVA applicable sur le prix total. En réalité, les mandataires, en faisant fictivement transiter le produit par d'autres pays européens - initialement l'Espagne, mais la fraude prend désormais la direction des pays de l'est, comme la Hongrie ou la Slovénie - brouillent les pistes. À l'arrivée, on prétend qu'il s'agit d'un produit vendu par un particulier, et donc taxable sur la marge. Entre la TVA applicable sur le prix total et celle applicable sur la marge, il y a un très gros écart, car la commission du mandataire n'est pas très élevée, quelques milliers d'euros. Ces fraudes sont donc très importantes et appellent toute notre vigilance.

Nous travaillons notamment avec des moyens informatiques, mais également avec les services de la douane, qui disposent de statistiques assez précises sur les pays en question. Nous parvenons ainsi à recouper les informations, et à surveiller les gens qui ne déclarent pas ce qu'ils devraient. Au mois d'octobre, nous avons conduit une quarantaine de perquisitions, qui ont démontré leur validité. Il s'agissait, en effet, de circuits totalement frauduleux : la TVA était bien applicable sur le prix total du véhicule.

La BNI 2 s'occupe des grands groupes, périmètre sur lequel existe tout un ensemble d'opérations à risque. Nous surveillons les éléments qui nous permettent de voir si les prix peuvent avoir été faussés. Nous nous intéressons notamment à la fameuse problématique des prix de transfert, dont l'objet est de transférer du profit vers des pays qui taxent peu, soit en achetant à des prix minorés, soit en vendant à des prix majorés.

Nous regardons également de près les mouvements vers les paradis fiscaux. Disons que toutes les opérations qui se font vers les Îles Vierges britanniques nous interpellent ! Nous diligentons des enquêtes afin de savoir qui est le bénéficiaire des commissions ou quel est le rapport avec l'entreprise, puis nous déroulons le fil. Lorsque nous avons acquis la conviction que tout cela est un habillage destiné à faire évader des capitaux, nous proposons un contrôle. Nombre de programmations de la DVNI, par exemple, résultent de ce genre d'enquêtes.

J'en viens aux dossiers à forts enjeux traités par la BNI 3. Nous traitons actuellement les opérations dites du « décret banque ». Nous avons récupéré beaucoup d'informations portant sur des virements de fonds supérieurs à 15 000 euros, à destination de pays qui furent un temps des paradis fiscaux. Nous vérifions si ces comptes ont été déclarés ou non, si les flux financiers sont en relation avec les capacités des gens, ou s'ils peuvent se rattacher à des raisons que nous qualifierons de patrimoniales. C'est un très gros travail, alors que la BNI 3 ne compte que dix personnes. Or, nous avons traité 30 000 données à destination de l'étranger. C'est donc un secteur à risque, directement en relation avec vos travaux.

Au-delà de ces transferts de capitaux, nous pouvons aussi surveiller des successions, comme celles dont la presse s'est fait l'écho hier encore. Des articles révèlent que certains membres d'une famille, des veuves, ont été déshérités par la mise en place de trusts. Il est évident que nous menons des enquêtes sur ce point. Nous enquêtons, essayons de savoir qui est derrière un trust, quels sont les actifs qui le composent. C'est le travail de la BNI 3.

Nous nous fondons également sur des données simples, se rapportant à des éléments patrimoniaux détenus en France. L'achat d'une très grosse cylindrée peut constituer une piste à partir de laquelle la BNI 3 va décider une enquête.

Comme je vous l'ai dit, la BNI 4 s'occupe de fraudes en tous genres. Beaucoup d'informations nous parviennent de toutes parts, depuis les sphères du social, du travail, de la justice.

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