Je vous donnerai mon point de vue personnel : on compare des choses qui ne sont pas comparables. Dans le cas d'une PME, pour obtenir le taux effectif d'impôt, on compare le montant qu'elle a versé au titre de l'impôt sur les sociétés au bénéfice qu'elle a réalisé en France ; c'est extrêmement facile, et il n'y a pas de raison que le taux diffère beaucoup de 33 %. En revanche, s'agissant du taux effectif d'impôt d'un groupe du CAC 40, le dénominateur est l'ensemble de ses résultats dans le monde - tous les bénéfices ou pertes réalisés dans ses 2 000 ou 3 000 établissements -, et le numérateur est le montant d'impôt sur les sociétés payé dans le monde. Or les taux d'imposition varient selon les pays. Par conséquent, une entreprise parfaitement en règle avec le droit fiscal peut payer 25 % dans un pays, 15 % dans un autre, 28 % dans un troisième, et il n'est donc pas anormal que son taux effectif d'impôt soit inférieur à 33 %.
Par ailleurs, vous prenez une photographie sur une année. Or certaines grandes entreprises peuvent avoir enregistré des déficits les années précédentes et les avoir imputés sur l'exercice étudié, ce qui explique leur plus faible imposition.
Il existe encore d'autres éléments. Il est fréquent que les grandes entreprises cèdent des filiales. Elles réalisent alors des plus-values, ce qui augmente le dénominateur mais pas le numérateur puisque ces plus-values sont exonérées d'impôt. Tout cela est parfaitement légal : la cession de titres de participation acquis depuis plus de deux ans est exonérée d'impôt.
Au vu de tous ces éléments, les taux effectifs d'impôt des grands groupes doivent être analysés au cas par cas ; il faut se garder de dire qu'ils paient moins d'impôts que les PME, car cela revient à comparer des choses qui ne sont pas comparables.
Si vous le permettez, je prendrai deux exemples frappants ; nous étudions bien entendu les taux effectifs d'impôt, car ceux-ci peuvent constituer un signe de la nécessité d'un contrôle. Le groupe du CAC 40 dont le taux effectif d'impôt est le plus élevé, c'est Total, avec près de 50 % ; cela signifie-t-il que le directeur fiscal de cette entreprise soit l'homme le plus honnête de la terre ? Non ! Cela résulte simplement du fait que les taux d'impôt sur les sociétés sont très élevés dans les pays producteurs. À l'opposé, le groupe du CAC 40 dont le taux effectif d'impôt est le plus bas, c'est Renault ; cette entreprise n'est pas pour autant la plus grande fraudeuse du monde : elle a seulement imputé sur ses résultats de 2010 les déficits très importants qu'elle a enregistrés les années de crise, en particulier en 2008.
Il faut donc être extrêmement prudent sur ce sujet. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il n'y a pas d'optimisation fiscale, mais on ne peut pas comparer des choses qui ne sont pas comparables.