Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des petits miracles dont notre assemblée peut être fière. On disait que le débat sur ce texte serait difficile, passionné et pourrait même tourner à l’affrontement.
Dans cette enceinte, nous avons voulu aller au fond des choses, nous nous sommes écoutés et nous avons fait des pas les uns vers les autres. Il est tout de même très significatif que notre assemblée ait adopté ce texte à l’unanimité, mise à part l’abstention du groupe CRC-SPG.
Pourquoi sommes-nous parvenus à un tel résultat ? Au-delà de nos légitimes divergences et conscients de la difficulté qu’il y avait à légiférer en cette matière, nous avons tous voulu, de bonne foi, protéger la création, sur laquelle pèse incontestablement une menace. Il n’est pas facile d’y répondre, mais il fallait faire comprendre à l’opinion publique que, si le piratage continuait d’être pratiqué dans les mêmes conditions et le même volume qu’aujourd’hui, le sort de la création, à la protection de laquelle nous sommes tous attachés, et celui des créateurs étaient en jeu. Je crois nécessaire de rappeler ce point fondamental.
La méthode peut susciter des approches divergentes, et nous pouvons nous interroger sur les bonnes réponses techniques. Nous avons eu ce débat, sans perdre de vue, ni les uns ni les autres, la nécessité de tenter d’apporter une réponse, et ce de deux manières.
D’une part, il s’agissait de sanctionner le piratage abusif, et en le faisant de manière pédagogique. Rappelons-le encore : il ne s’agit pas de constater et de frapper, il s’agit d’avertir une fois, puis une deuxième fois, et de ne se résoudre à la sanction de suspension de l’abonnement qui frappera les internautes les plus engagés dans ce qui est une mauvaise habitude qu’après les avoir dûment avertis. Une fraction d’entre eux considère sans doute le piratage comme un sport ; nous en sommes bien conscients. Il sera difficile de faire renoncer ces personnes à leurs mauvaises pratiques, même en recourant à une pédagogie très adaptée. La grande majorité n’en devrait pas moins se trouver préservée de la tentation dès lors que les messages d’alerte auront été envoyés. Tel est évidemment notre espoir.
D’autre part, à propos de ce que certains ont qualifié de « double peine », c’est-à-dire le fait de continuer à payer son abonnement durant la suspension, il s’agissait de faire en sorte qu’une faute constatée n’entraîne pas une revendication légitime du fournisseur d’accès à l’égard de l’État. Le fournisseur d’accès n’a pas à supporter les conséquences d’un comportement fautif ; l’État n’a pas non plus à payer pour la faute qui aura été commise par un pirate du net.
Nous ne pouvions cependant nous en tenir à ces considérations. Un texte équilibré doit mettre un terme aux atermoiements dénoncés dans cet hémicycle même lors de la discussion du projet de loi en octobre, à cause desquels l’offre légale n’était souvent proposée au public que beaucoup trop tard. Voilà pourquoi nous nous sommes ralliés à l’idée d’inscrire dans la loi le délai de quatre mois, tout à fait raisonnable selon nous. Nous n’avons effectivement pas témoigné d’une quelconque volonté de nous en prendre aux internautes. Ce texte n’est pas un texte « anti-internautes », c’est un texte raisonnable, relatif à la création et à sa protection.
Cette loi sera-t-elle applicable ? Sera-t-elle pérenne ? Nous avons pu nous interroger à ce propos. Les technologies, nous le savons bien, évoluent. Dès lors, la législation doit également évoluer. Par conséquent, nous devrons nous poser à un moment ou un autre les questions de l’efficacité de ce texte et de son éventuelle modification ; ainsi va la vie. Ce n’était cependant pas parce que les technologies et les comportements peuvent évoluer que nous ne devions pas légiférer. Il était même urgent de légiférer.
Nous sommes parvenus, madame la ministre, à un relatif consensus sur ce texte. Je ne peux que m’en réjouir, et souhaiter au Sénat d’être le lieu où les débats se font dans le respect des différences et le souci de parvenir à un consensus.