Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le rappeler le président Legendre, cette loi est très attendue. Elle a suscité une très forte mobilisation du monde culturel et artistique : 10 000 signataires ont signé l’appel ; 37 cinéastes de premier plan se sont manifestés, ainsi que d’autres personnalités notables et, au niveau européen, l’Impala, Independent Music Companies Association, qui regroupe 4 000 labels indépendants.
Il importait de montrer que cette loi était celle non pas des majors, comme cela a été dit ici et là, mais de la multitude de petites entreprises indépendantes du secteur de la musique, composé à 99 % d’entreprises de moins de vingt salariés. Elles attendaient avec beaucoup d’impatience qu’un cadre soit défini et que des actions soient engagées pour empêcher ce téléchargement illégal dont la France, en raison de capacités technologiques dont elle peut par ailleurs être fière, est malheureusement championne du monde.
Fort attendue, cette loi présente la particularité d’être issue d’accords interprofessionnels. Voilà qui la distingue sensiblement des précédentes lois relatives au droit d’auteur !
Des négociations ont eu lieu pendant des mois. L’économie de ce texte procède de la volonté de faire une loi pédagogique et repose sur deux grands volets : d’une part, le développement d’une offre légale ; d’autre part, un processus très pédagogique visant à avertir l’abonné et lui faire prendre conscience de ses actes. L’étape de la lettre recommandée adressée à l’abonné permet de faire appel à la responsabilité parentale, ce qui est normal, la suspension de l’accès à internet n’intervenant qu’en fin de procédure et faisant l’objet d’une discussion entre la Haute Autorité et le contrevenant. L’ensemble de ce dispositif a été imaginé par les professionnels, y compris les fournisseurs d’accès à internet, ce qui garantit sa faisabilité et son caractère équilibré.
Je remercie vraiment de tout cœur les rapporteurs Michel Thiollière et Catherine Morin-Desailly, le président Legendre, l’ensemble de la commission des affaires culturelles mais également la commission des affaires économiques, ainsi que tous ceux qui se sont mobilisés et ont enrichi cette loi au fil de débats particulièrement fructueux et sereins.
L’apport du Sénat a été, me semble-t-il, considérable. La loi comportait effectivement deux volets, non seulement le processus pédagogique aboutissant in fine à une sanction, mais aussi le développement de l’offre légale. Or le Sénat a joué – c’est évident – un rôle tout à fait crucial dans la suppression des DRM. Cela a été très important pour le secteur musical : ce n’est pas qu’un signal, c’est un véritable changement du paysage !
La chronologie des médias a également été modifiée, alors que les réticences des exploitants étaient très fortes. Tout ce qui a été entrepris pour raccourcir cette chronologie me paraît très important.
Le Sénat s’est aussi mobilisé pour conférer une plus grande indépendance à la Haute Autorité, en prévoyant que son président serait élu. Cela me semble également important.
Le référencement et la labellisation, pour ceux qui en feront la demande, des sites pratiquant le téléchargement légal vont dans le bon sens. Il s’agit de valoriser et de rendre visible cette offre légale dont nous souhaitons voir se poursuivre la montée en puissance constatée au cours de la dernière année.
Je me réjouis des positions effectivement prises à propos de la poursuite du paiement de l’abonnement pendant la durée de la suspension, alors que l’Assemblée nationale avait prévu d’exonérer l’internaute du paiement de l’abonnement pendant ladite durée. Comme je l’avais dit, je partage tout à fait l’analyse selon laquelle vous ne devez pas être dispensé de payer les traites de votre voiture au motif qu’un délit commis sur la route vous prive de la jouissance de celle-ci. Il convenait d’éviter que ne prévale une vision non pertinente et, me semble-t-il, juridiquement injuste.
Je voudrais également remercier le Sénat de tout ce qui a été entrepris en faveur de la pédagogie. Mme Catherine Morin-Desailly a rappelé l’importance d’une sensibilisation des jeunes, notamment dans le cadre scolaire ; le message doit passer. Il ne faut pas partir du principe selon lequel les jeunes seraient absolument incapables de comprendre que des intérêts mais aussi des destinées d’artistes et de créateurs sont en cause. Des règles du jeu peuvent tout à fait être exposées ; je pense même qu’ils attendent cela. Nous pouvons tout à fait assumer, me semble-t-il, le fait que notre pays, de grande tradition culturelle, défend avec force le droit des auteurs.
Il est vrai que le projet de loi relatif à la création sur internet a tout d’abord été présenté au Sénat puis les états généraux de la presse ont eu lieu et ont rendu leurs conclusions. Cela nous offrait l’occasion de traiter la très ancienne question du droit d’auteur des journalistes, dont il fallait affirmer le principe, et celle du statut des éditeurs en ligne, qu’il s’agissait de sécuriser juridiquement.
Le fait que les collaborations entre journalistes et entreprises de presse soient réputées porter sur l’ensemble des supports a fait débat. Cela n’avait pas fait l’objet de ce que l’on a appelé le « blanc » et c’est pourquoi le Gouvernement avait pris une position de sagesse. Il estimait effectivement que la question était plus du ressort des discussions dans les entreprises que de la loi ; M. Serge Lagauche a exprimé ses réticences en la matière. Finalement, cela figure dans la loi.
De manière générale, que la loi porte le statut des éditeurs en ligne me paraît judicieux. Cela leur permet notamment de bénéficier des mêmes conditions fiscales que l’ensemble des éditeurs de presse. Je crois que nous avons bien avancé.
Nous disposons finalement d’un cadre juridique. Certes, cette loi est modeste, et nous n’ignorons pas qu’interviendront des évolutions et des innovations technologiques.
Bien sûr, on pourra toujours trouver des ruses, des parades, pour contourner la loi. En voiture, vous pouvez mettre sur votre tableau de bord un appareil qui vous signalera les radars. C’est totalement illégal ; pour autant, vous ne renoncez pas au code de la route !
En l’espèce, il s’agit d’affirmer des valeurs et de créer un cadre juridique et psychologique favorable à la création et permettant de combattre tout ce petit piratage quotidien, qui se pratique souvent, d’ailleurs, sans véritable intention de nuire, mais dont les conséquences finissent par être désastreuses.
Je tiens à remercier encore une fois tous ceux qui ont vraiment enrichi le débat. Le texte issu des travaux du Sénat était très bon, et le projet de loi final en est d’ailleurs extrêmement proche. Il est aujourd’hui approuvé massivement, à l’exception du groupe CRC-SPG, qui s’abstient. Cela montre que nous pouvons, au-delà des clivages et des différences d’opinions, nous retrouver sur des principes qui nous tiennent à cœur.