Intervention de Sabrina Boutefnouchet

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 21 juin 2018 à 14h10
Table ronde autour de responsables de formations universitaires : m. guilhem bichet docteur en pharmacie et pharmacien d'officine mme sabrina boutefnouchet maître de conférences en pharmacognosie à la faculté de pharmacie paris-descartes m. thierry hennebelle professeur en pharmacognosie à la faculté de pharmacie de l'université lille 2

Sabrina Boutefnouchet :

Je vous remercie d'organiser cette mission autour de l'herboristerie.

Je suis responsable d'une formation universitaire en phyto-aromathérapie à l'Université Paris-Descartes pour les futurs pharmaciens ainsi que d'un diplôme universitaire en formation continue destiné aux pharmaciens et aux autres professionnels de santé.

Le contexte est aujourd'hui celui d'une très forte demande de la population de produits à base de plantes, non seulement dans un but de santé et de bien-être, mais également de prévention voire d'automédication.

Il nous a semblé indispensable d'organiser une formation, le format des DU existants n'étant pas, selon nous, adapté à la demande.

C'est la raison pour laquelle nous avons envisagé, au sein de l'université Paris-Descartes et en association avec le centre de formation professionnelle des préparateurs en pharmacie situé rue Planchat dans le 20ème arrondissement de Paris, de proposer un cursus de licence professionnelle en apprentissage pour former des conseillers spécialisés en herboristerie et produits de santé à base de plantes et ainsi garantir la sécurité d'utilisation de ces produits.

Ce cursus s'adresserait à des personnes diplômées de niveau Bac+2 (BTS santé, brevet professionnel de préparateur en pharmacie, L2 Sciences de la vie, Sciences pour la santé) qui, une fois devenues conseillers, pourraient exercer en pharmacie, parapharmacie, herboristerie, boutique spécialisée ou en grandes et moyennes surfaces.

Notre réflexion anticipe l'éventuelle recréation d'un diplôme d'État d'herboriste et invite à réfléchir aux contours de cette profession. Les prérogatives identifiées sont principalement la vente de plantes en vrac seules ou en mélange, sur la base d'une liste de plantes autorisées qui porte à discussion. Est également revendiquée la réalisation de préparations traditionnelles, tels les macérâts ou teintures de plantes, ce qui doit amener à réfléchir aux bonnes pratiques de préparation et à la traçabilité de ces préparations. Une autre activité serait évidemment la vente d'autres produits à base de plantes, comme les compléments alimentaires ou les huiles essentielles. Quant aux lieux d'exercice des titulaires d'un tel diplôme, nous pouvons envisager, en dehors des boutiques d'herboristerie, des pharmacies, des parapharmacies ou d'autres boutiques spécialisées.

Parmi les revendications les plus fréquentes, revient souvent le souhait d'associer à la vente de ces produits la possibilité de prodiguer des conseils en santé mettant en avant les propriétés médicinales des plantes. À cet égard, un certain nombre de plantes médicinales répondent à un usage traditionnel issu de traditions parfois populaires, réglementé notamment par l'Agence européenne du médicament. Une quinzaine d'indications traditionnelles sont reconnues pour environ 200 plantes : elles concernent des pathologies bénignes pouvant être prises en charge dans le cadre de l'automédication.

Il nous semblerait aujourd'hui raisonnable de lever le verrou réglementaire afin d'associer ces indications traditionnelles aux plantes utilisées en herboristerie, pour permettre, par exemple, d'indiquer que le thym est intéressant pour soulager la toux.

La demande de conseil en santé demande d'acquérir des connaissances solides que l'université peut apporteur pour appréhender le caractère ou non bénin d'une situation.

Ainsi, la formation que nous envisageons associerait plusieurs volets :

- un premier volet pourrait être dispensé par les écoles privées d'herboristerie, avec lesquelles nous avons déjà engagé des discussions, concernant la connaissance des plantes, la botanique, la connaissance du terrain, les circuits de production et de collecte, la gestion et la préservation de la ressource ainsi que les usages traditionnels ;

- un autre volet universitaire, dispensé au sein des universités ou de manière délocalisée, par exemple dans des écoles d'herboristerie ou des centres de formation professionnelle, porterait sur les fondamentaux en santé indispensables, dont la biochimie, la physiologie, l'anatomie, la physiopathologie, c'est-à-dire la capacité de comprendre ce qu'est la maladie pour savoir dans quel cas orienter vers un professionnel de santé et pour appréhender les limites du conseil en santé. Bien entendu, la formation inclurait également les risques de iatrogénie, à savoir les interactions entre plantes et médicaments. C'est également à l'université d'apporter la connaissance du principe actif des plantes, c'est-à-dire la pharmacognosie, et la capacité à analyser et à contrôler la qualité des plantes ;

- le dernier volet pourrait être assuré au sein des centres de formation des apprentis (CFA). Je laisserai M. Bichet vous exposer l'intérêt de l'apprentissage. Ces CFA pourraient participer à l'enseignement des fondamentaux, comme ils le font déjà dans le cadre de la formation des préparateurs en pharmacie.

Cette formation pourrait durer trois ans, comme cela est proposé dans d'autres pays européens, en passant éventuellement par une validation des acquis de l'expérience.

Nous avons le soutien du doyen de l'Université Paris-Descartes dans ce projet de formation. Les principaux avantages seraient de répondre à la réalité de la pratique de l'herboristerie en intégrant la dimension médicinale revendiquée, d'identifier un spécialiste reconnu, aux côtés des pharmaciens, voire même de dynamiser le secteur des PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales). En effet, l'université pourrait assurer, au sein de ses laboratoires, la sous-traitance du contrôle-qualité des plantes proposées et encourager les activités de recherche (qualité, intérêt clinique) autour des plantes.

Parmi les difficultés à surmonter, des aménagements réglementaires seraient à envisager, notamment pour réfléchir à la liste des plantes pouvant être proposées par des herboristes, et la mise en place d'une telle formation devrait reposer sur l'accord de toutes les parties. Comme je vous l'ai indiqué, des discussions sont déjà engagées avec les CFA et les écoles d'herboristerie, notamment sur le contenu de la formation.

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