Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je répondrai à ces nombreuses questions suivant l'ordre chronologique.
Je crois être constant dans mes positions. Tout est public et je ne renie rien des propos que j'ai pu tenir. Ceux-ci visaient toutefois deux éléments différents.
Le premier élément concernait le financement de la loi d'orientation des mobilités (LOM), dont le dispositif s'inspirait très largement des discussions que j'avais pu avoir avec Thierry Dallard, président du directoire de la Société du Grand Paris, qui a mené des travaux sur la contribution de mobilité durable - une production de l'Institut de la gestion déléguée - et sur le fait de savoir comment gérer un réseau dual, concédé ou non, jusqu'à l'échéance des concessions, pour des raisons d'aménagement du territoire, dans un contexte de ressources budgétaires assez rares.
À l'époque, il manquait dans la LOM 500 millions d'euros de financement par an. L'idée que j'avais portée était de dire qu'il était possible, pour financer cette somme, d'annoncer le retour des concessions autoroutières dans le giron de l'État entre 2031 et 2036, pour respecter la lettre et l'esprit des contrats, sur la base des recettes futures perçues par l'État, en prenant en compte la directive Eurovignette qui, comme vous le savez, réduit la capacité de percevoir du péage et de lever de la dette.
Cette solution présentait le défaut d'endetter notre pays à des conditions d'ailleurs plutôt bonnes, mais un peu plus élevées que le taux d'endettement de l'État. Cette solution n'a pas prospéré. On a choisi un bouquet de ressources fiscales pour financer la trajectoire de la LOM, notamment la contribution sur le transport aérien.
Le second élément visait la gestion future. Je ne renie rien de ma réflexion politique sur ce sujet. Je pense que la deuxième partie de mon raisonnement demeure valide. La première est de fait écartée, la LOM ayant été financée.
S'agissant du rôle de l'État et de l'ART, peut-être faut-il rappeler les fonctions de chacun. Le ministère des transports s'occupe du contrôle opérationnel, s'assure que les opérations sur les réseaux concédés et non concédés se font en toute sécurité, se charge des commodités pour les usagers. On a connu un sujet extrêmement concret avec les routiers qui, dans les premiers jours de la crise sanitaire, ont trouvé sur le réseau, concédé ou non, des toilettes condamnées, des sanitaires non disponibles, des points de restauration fermés. Nous avons contrôlé les choses et avons incité à y remédier sur le réseau public comme sur le réseau concédé, et tout a pu rentrer dans l'ordre au bout de quelques jours. Le travail des agents du ministère des transports a été sur ce point particulièrement précis et intense.
Sur le plan environnemental, les protocoles successifs, notamment ceux de 2015, ont permis, au sein des contrats qui ont fait l'objet d'avenants, de mettre en oeuvre différentes mesures en matière de biodiversité ou de protection des zones humides, par exemple. Ceci a permis de faire avancer les choses. C'est la responsabilité du ministère des transports que de vérifier que tout se fait de la meilleure des façons.
Il revient à Bercy de procéder au contrôle économique et financier, la charge de régulateur revenant à l'ART. Chacun doit être dans son rôle, et il est bien du ressort du politique, sous le contrôle du Parlement, de se prononcer sur l'analyse des opportunités politiques de développement de telle ou telle infrastructure. Mme Borne a eu des propos très précis à ce sujet, que je reprends à mon compte.
La troisième question que vous posez porte sur le modèle d'après. Doit-on aller au bout des concessions ou non ? J'ai essayé d'ébaucher quelques pistes, en expliquant qu'on pouvait « fossiliser » ces contrats ou utiliser le modèle post-2015 pour réaliser des investissements utiles et les questionner à nouveau, en lien avec l'ART, afin de déterminer les investissements inscrits et voir parmi ceux-ci ceux qui font encore sens ou non.
Je pense qu'il y a là une possibilité, avec les autoroutiers, avec qui nous devons avoir une relation ouverte et exigeante, de retrouver un peu de ressources financières pour réaliser des investissements utiles à la collectivité.
Pour ce qui est des modèles futurs, je reprendrai ici des propositions qui sont faites par des députés qui défendent des points de vue selon moi intéressants de concessions multimodales acceptables par l'usager, le péage servant à financer des lignes à grande vitesse ou de petites lignes ferroviaires, éventuellement à une échelle régionalisée. Les choses doivent évidemment être approfondies, mais permettent d'envisager les concessions au-delà de leur échéance.
Il existe d'autres solutions de régulation économique en cas de délégation ou si des opérateurs privés continuent à gérer opérationnellement les concessions. Les aéroports ou autres ouvrages d'art sont régulés par contrat, avec une clause de revoyure tous les trois, quatre ou cinq ans. Tout cela doit être expertisé de façon assez fine mais, en tout état de cause, des clauses de revoyure à échéance régulière me paraissent une des conditions d'acceptabilité d'un meilleur contrôle financier, en lien avec le régulateur, pour ne pas voir courir sur des périodes très longues des lois tarifaires qui s'imposent mais qui, à échéance régulière, viennent perturber le débat public et jeter l'opprobre sur les uns et les autres. Du point de vue de la démocratie, ce n'est pas souhaitable.