Intervention de Marc Bouron

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 11 janvier 2017 à 16h35
Audition de représentants de l'association des sociétés françaises d'autoroutes asfa : M. Marc Bouron directeur général de cofiroute M. Nicolas Orset directeur adjoint de la construction du groupe autoroutes paris-rhin-rhône aprr M. Arnaud Hary directeur du développement des concessions de sanef et M. Christophe Boutin adjoint au délégué général

Marc Bouron, directeur général de Cofiroute :

J'ai également des liens d'intérêts avec les différents projets sur lesquels travaille la commission. En effet, Cofiroute fait partie du groupe Vinci Autoroutes, lui-même filiale du groupe Vinci, qui est actionnaire de Notre-Dame-des-Landes et de la LGV Tours-Bordeaux. Cofiroute a par ailleurs effectué un travail conséquent d'interconnexion entre la LGV et l'A10, exploitée par Cofiroute et ASF.

Le groupe Vinci Autoroutes gère actuellement près de 4 400 kms de réseau en France, principalement répartis entre trois concessionnaires : Cofiroute, Autoroutes du Sud de la France (ASF) et Autoroutes Estérel-Côte d'Azur (ESCOTA). Quelle que soit la taille du projet, la prise en compte de l'environnement est un sujet complexe qu'il convient de traiter le plus en amont possible.

Au sein des enjeux environnementaux, la préservation de la biodiversité est un axe de travail prioritaire. Depuis 40 ans, la compréhension de ces enjeux, la connaissance de la réglementation et les compétences des équipes de maîtrise d'oeuvre et de maîtrise d'ouvrage ont beaucoup évolué. Dès la construction des premières sections, au début des années 1970, une attention était déjà portée à l'environnement. Par exemple, le premier passage grande faune du réseau Cofiroute, qui se situe aux portes de Paris, au niveau de la barrière de péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines, a été construit en 1972.

Les deux tiers du réseau ont été construits après 1976. Les principes d'évitement et de réduction ont donc été systématiquement privilégiés, et des mesures de compensation mises en oeuvre lorsque l'évitement de l'impact n'était pas possible. L'ampleur des mesures déployées à cette époque est évidemment proportionnelle aux connaissances scientifiques et techniques du moment.

L'A71, dont la construction s'est achevée à la fin des années 1980, fournit un bon exemple du principe d'évitement. En effet, le tracé a évité un étang de 6,5 hectares, qui se situe désormais dans les emprises de Cofiroute. Une décennie plus tard, nous avons constaté une amélioration de ce milieu, grâce aux travaux de génie écologique que Cofiroute a menés. Cet étang a d'ailleurs été classé en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) en 2015 par les services de l'État.

Les sections les plus anciennes font l'objet de mises aux normes environnementales lors d'opérations d'aménagement spécifiques ou de projets d'élargissement. Des ouvrages de franchissement pour la faune, comme des tunnels ou des écoponts, sont construits. On en compte déjà 783 sur le réseau de Vinci Autoroutes, et plus d'une centaine de nouveaux aménagements sont prévus dans les prochaines années dans le cadre du plan de relance autoroutier.

Vinci Autoroute mise également sur la capitalisation de l'information et l'alimentation de la recherche scientifique à travers l'élaboration de guides sur l'efficacité des mesures engagées et la réalisation de thèses. En 2016, une étude menée avec la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a permis d'évaluer les aménagements de restauration des continuités écologiques. Il s'agit d'un ouvrage de référence en écologie routière, tant sur les aménagements eux-mêmes que sur le suivi de leur efficacité.

Le volet environnemental des bilans LOTI (loi d'orientation des transports intérieurs) permet également de qualifier la pertinence des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Un des derniers bilans effectués a porté sur une section d'environ 100 kms de l'A19, dans le Loiret, mise en service en 2009. Il existe sur cette section plus de 107 passages pour la faune, mais aussi des haies d'envol, des aménagements pour les chiroptères, et des mesures de compensation pour les bois. Le préfet a constaté que les mesures étaient efficaces, et qu'elles permettaient même parfois d'améliorer le milieu naturel.

La découverte d'une population de pique-prunes dans la Sarthe avait interrompu la construction de l'A28 pendant plusieurs années. Des mesures de préservation de l'osmoderma eremita, prises dans le cadre de la démarche ERC, ont fait l'objet d'un suivi de près de 10 ans. Cela a permis de mesurer leur efficacité et d'améliorer la connaissance scientifique de ce scarabée.

Plus récemment, lors du projet d'élargissement de l'A63, nous avons mis en place des mesures de compensation sur près de 250 hectares, dont une large partie était dédiée à la préservation du vison d'Europe. Une convention de gestion avec la maison d'initiation à la faune et aux espaces naturels (MIFEN) et le conservatoire des espaces naturels d'Aquitaine permettra de suivre ces mesures pendant 20 ans.

Le bilan, s'il semble positif, n'exprime pas pour autant l'ampleur du travail et de l'énergie que nous mettons à faire aboutir les dossiers. De nombreuses réunions de travail avec les différentes parties prenantes -les services de l'État, les associations de protection de la nature - sont nécessaires pour traiter les difficultés que nous rencontrons au quotidien. Face à l'importance grandissante accordée aux mesures compensatoires, deux m'apparaissent saillantes : la première difficulté concerne la quantification des mesures compensatoires. Les coefficients de compensation applicables aux projets sont généralement fixés par rapport aux projets précédents, et il est souvent attendu des maîtres d'ouvrage de faire toujours plus. Il serait préférable qu'un guide facilite la connaissance en amont des mesures compensatoires attendues. Cela permettrait en outre d'inciter à l'optimisation foncière : actuellement, pour obtenir les autorisations de démarrage des travaux, les maîtres d'ouvrages peuvent être tentés d'acquérir beaucoup de terres en vue des mesures de compensation, plutôt que d'en cibler la qualité.

Une évaluation plus objective des coefficients de compensation et une incitation plus forte à la fonctionnalité des mesures, plutôt qu'à leur quantité, permettrait de concilier au mieux préservation de la biodiversité et faisabilité des projets d'infrastructures au service des territoires.

Enfin, cela améliorerait aussi la compréhension du projet par l'ensemble des parties prenantes, et en particulier par le monde agricole. Les agriculteurs ont parfois du mal à comprendre que l'on ponctionne une première fois des emprises pour le projet, et ensuite pour la mise en place des mesures compensatoires. C'est ce qu'ils appellent la double peine.

La deuxième difficulté que l'on rencontre concerne les modalités de mise en oeuvre de ces mesures de compensation. Les arrêtés d'autorisation unique, qui permettent le démarrage des travaux, fixent les mesures environnementales des projets et règlent les procédures d'acquisition foncière, et en particulier le processus d'expropriation. Or, assurer la garantie foncière des mesures compensatoires est difficile en l'absence de levier juridique permettant aux maîtres d'ouvrage de satisfaire cette maîtrise foncière. Dans ce contexte, il serait utile que la déclaration d'utilité publique des projets permette d'obtenir également la maîtrise foncière des terrains de compensation, même si ces parcelles ne sont pas nécessairement strictement contiguës à celles du projet.

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