Je m’exprime ici au nom de mes amis sénateurs Verts.
La création est bien sûr chère à notre cœur. Pour qu’elle s’épanouisse, il est indispensable, nous en sommes d’accord, que les créateurs soient correctement rémunérés, ainsi que leurs diffuseurs, s’ils ne les spolient pas.
C’est pourquoi nous avions examiné avec attention la création d’un dispositif nouveau, qui renonçait aux excès liberticides de la loi DADVSI. Nous nous étions abstenus, compte tenu du climat de sérénité évoqué précédemment.
L’examen du texte élaboré par la commission mixte paritaire conserve le même ton. Cependant, la loi DADVSI reste en vigueur, et le nouveau dispositif est émaillé d’innovations judiciaires hasardeuses : abandon de la présomption d’innocence, fin de la séparation des fonctions administratives et judiciaires, promesses de choix cornéliens entre suspicions arbitraires du voisin ou infaisabilités ; par exemple, les utilisateurs de logiciels libres ne pourront jamais faire la preuve de dispositifs de protection. Mais les héros de Corneille étaient, eux, tiraillés par les scrupules. Formons donc des vœux pour la HADOPI.
Que de temps perdu pour prendre à bras-le-corps le soutien à la création, véritable devoir public, grâce à de réels financements et à une véritable prise en main du média internet pour que ces réseaux de diffusion n’échappent pas à l’éthique, à commencer par les opérateurs, par la fourniture d’une offre légale, par la prise en compte des mœurs et des besoins nouveaux.
Que de temps perdu du fait des professionnels, œuvrant pour retarder un accord sur le délai de mise à disposition du public des œuvres.
Que de temps perdu avec les errances de la DADVSI, les cryptages, les incompatibilités, les menaces.
Et soudain, c’est l’urgence, au point de court-circuiter le Sénat et de spolier les journalistes et photographes par le dépôt brutal d’un cavalier. M. de Broissia avait travaillé sur la mise en ligne des œuvres des journalistes sur internet, mais ce dispositif va beaucoup plus loin, puisqu’il s’agit d’autoriser, dans la presse écrite, qu’un texte change de titre.
Afin de manifester leur indignation, particulièrement s’agissant de cette remise en cause profonde de la propriété intellectuelle à la française des journalistes par l’article 10 bis A, les sénateurs Verts voteront contre ce projet de loi.
Nous en appelons à tous les créateurs et artistes, dont nous partageons les préoccupations et, souvent, les luttes, pour qu’ils se penchent sur le nouveau contenu du texte, qui devient porteur du sabotage d’une autre profession culturelle au motif de la défendre. §