Intervention de Pierre Chevallier

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 10 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Pierre Chevalier président jean-pierre fleury secrétaire général et patrick bénézat vice-président de la fédération nationale bovine fnb

Pierre Chevallier, président de la Fédération nationale bovine :

Nous avons beaucoup travaillé sur la contractualisation avec le ministre Stéphane Le Foll ainsi qu'avec son prédécesseur en poursuivant un but précis : la mise en place dans notre filière du contrat de filière avec sécurisation du revenu des producteurs, prenant en compte les coûts de production. Notre objectif est de contractualiser 30 % de la production de jeunes bovins, afin de soutenir les prix du marché. Nous étions les premiers à travailler sur ce sujet, avant même le secteur du lait. Le prix de revient du jeune bovin est établi par l'Institut de l'élevage, sur la base de l'amortissement des bâtiments d'élevage sur quinze ans, et en prenant en compte le coût de l'alimentation du bétail sur les marchés mondiaux. Cette méthode est totalement transparente. Elle conduit à fixer aujourd'hui ce prix de revient à 4,70 € par kilo. Quelques entreprises commencent à être intéressées par notre démarche.

Mais il serait souhaitable que le contrat de filière fasse l'objet d'un accord interprofessionnel, impliquant le syndicat national des industriels de la viande (SNIV), la Fédération nationale de l'industrie et du commerce en gros des viandes (FNICGV) et Coop de France. C'est le seul moyen pour sauver la production de viande dans notre pays !

La France est riche de son élevage bovin. La production de viande bovine française représente 25 % de la production européenne. Le cheptel est composé de 3,5 millions de vaches laitières, 4,2 millions de vaches de race à viande sur un total de 25 millions de vaches laitières et 12 millions de vaches allaitantes en Europe. Les vaches ne font qu'un veau par an : on ne peut donc pas démultiplier la production, contrairement aux secteurs du porc ou de la volaille. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) prévoient une augmentation de 15 à 20 % de la consommation mondiale dans les dix prochaines années. En Europe, nous consommons 7,8 millions de tonnes de viande bovine. Dans 10 ans, nous consommerons en Europe la même quantité car nous sommes dans une situation d'érosion de la consommation dans les pays de l'ouest de l'Europe mais de hausse dans les nouveaux États membres du fait de l'élévation de leur niveau de vie. Or, l'élevage est parvenu aujourd'hui au point de rupture économique et sociologique, alors que les prévisions de croissance sont très encourageantes au niveau mondial. Nous exportons maintenant au Japon, nous nous ouvrons vers l'Asie qui représente la moitié de la population mondiale. Il faut donc passer par la contractualisation pour surmonter la situation actuelle et sauver l'élevage français.

La dispersion des éleveurs est forte. Mais celle des industriels l'est également. Les trois acteurs industriels majeurs que sont le SNIV, la FNICGV et Coop de France n'arrivent pas à s'entendre pour organiser le marché. En Italie, les acteurs économiques ont moins de souci : entre août et octobre dernier, ils ont réussi à faire baisser le prix du broutard d'environ 200 euros par tête, alors même que le prix du taurillon engraissé n'avait pas changé. Quand j'ai dénoncé l'accord entre entreprises italiennes, sur le dos des éleveurs français, j'ai été critiqué. C'est pourtant la réalité. Et 200 euros par tête, c'est le montant annuel de la prime à la vache allaitante, pour le maintien de laquelle nous nous battons à Bruxelles.

Il est donc bien nécessaire de travailler ensemble pour peser sur le marché, même s'il faut le faire sans franchir les limites permises par les autorités de la concurrence. Les industriels y auraient au demeurant intérêt. En effet, pour ne prendre qu'un seul exemple, le groupe Bigard, qui assure 42 % de l'abattage en France, souffre d'une baisse de 10 % de ses volumes traités. Avec de tels chiffres, des fermetures d'abattoirs, en particulier dans l'ouest, sont inévitables. La contractualisation constitue une réponse pertinente, mais il faut un accord interprofessionnel pour l'imposer. Il est temps que certains industriels et certaines coopératives qui passent leur temps à se combattre au lieu de coopérer cessent ce comportement suicidaire.

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