Intervention de Jean-Pierre Duclos

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 10 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre duClos président d'elvea france

Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France :

Elvea France est une fédération regroupant 44 associations d'éleveurs reconnues comme Organisations de producteurs non commerciales (OPNC) par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 et agréées par le ministère de l'agriculture. L'agrément ministériel soulève traditionnellement une difficulté pour nos associations, le modèle des OPNC s'opposant à celui des organisations de producteurs commerciales (OPC). Les coopératives auxquelles leurs adhérents transfèrent la propriété de leurs productions en vue de leur mise sur le marché, évitant d'éventuels griefs d'entente sur un prix unique. Nous souhaitons que la reconnaissance des organisations de producteurs ne soit pas conditionnée à un tel transfert de propriété dont le principe ne figure pas dans nos statuts.

Depuis 20 ans qu'elles existent, nos associations ont permis d'accomplir des progrès sensibles, tout particulièrement en matière de traçabilité. Ce sujet est aujourd'hui au centre de vos préoccupations. En raison des événements récents, les grandes et moyennes surfaces (GMS) sont d'ailleurs de plus en plus intéressées par notre démarche et notre fonctionnement pour faire progresser la traçabilité.

Notre rôle est de renforcer le poids de l'amont, afin d'améliorer la capacité de négociation des éleveurs. Dans ce but, on évoque souvent la nécessité de concentrer la production qui demeure, il est vrai, relativement éclatée : une telle orientation me paraît souhaitable, mais sans pour autant pousser cette logique à l'excès sans quoi on risque de perdre les avantages liés à la diversité et à la spécificité régionale des productions. L'homogénéisation du produit, telle qu'on la constate, par exemple, dans la filière porcine, ne parait pas souhaitable pour les éleveurs spécialisés en viande bovine. Il faut au contraire être très attentif à la préservation de la variété des races allaitantes dans notre pays.

Les éleveurs sont en très grande difficulté économique depuis 2007-2008. Pas une région n'y échappe. Pour passer les caps difficiles provoqués par les épisodes de la vache folle puis de la fièvre aphteuse puis de la sécheresse, les éleveurs ont pu bénéficier de prêts. Lorsque les éleveurs ont été confrontés, par la suite, à des résultats négatifs pendant trois années successives - le prix de l'alimentation animale ayant explosé alors que le cours de la viande baissait - les difficultés de trésorerie se sont accumulées. Une tendance est préoccupante : pour faire face aux difficultés, les éleveurs ont commencé à ne plus conserver les génisses de renouvellement : j'avais alerté FranceAgrimer dès 2010 sur la décapitalisation du troupeau de souche.

Je regrette que nos banquiers ne nous soutiennent plus suffisamment : les établissements de crédits orientés vers l'agriculture prêtent aux céréaliers mais beaucoup moins aux éleveurs. On réduit la couverture de crédit des éleveurs. C'est une marque de défiance à l'égard de l'élevage bovin et cela entretient le mouvement de décapitalisation des troupeaux. Bien entendu, dans un premier temps, ce phénomène a permis d'alimenter les étals des boucheries mais j'ai bien peur que, dans peu de temps, il n'y ait plus guère d'animaux à vendre. Jusqu'à présent, les abatteurs demandaient des animaux et étaient prêts à augmenter les prix pour les obtenir. Mais, eu égard au pouvoir d'achat limité du consommateur, cette escalade atteint sa limite. Nous serons, à mon sens, très bientôt dans une impasse - un véritable « trou noir » en termes de quantités de production.

La solution, pour sauver les éleveurs, est avant tout de leur redonner envie d'exercer un métier qui implique aujourd'hui des conditions de vie plus difficiles que dans d'autres productions agricoles. Aujourd'hui, un éleveur travaille 365 jours par an, parfois nuit et jour.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion