Intervention de Morgan Ody

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 21 décembre 2016 à 14h05
Audition des représentants de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles fnsea de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture apca de coordination rurale de la confédération paysanne et de jeunes agriculteurs

Morgan Ody, agricultrice, membre de la Confédération paysanne :

La philosophie même de la loi nous pose problème, qui associe biodiversité et espaces sauvages, alors que celle-ci est liée à l'activité humaine. En montagne, on perd de la biodiversité quand les paysans disparaissent. Aussi faut-il défendre l'agriculture paysanne, en lui assurant des revenus, en la défendant contre le loup, ou en maintenant un réseau de petits abattoirs. C'est indispensable pour préserver une paysannerie sur tout le territoire, qui est la base de la biodiversité. Ne confondons pas compensation environnementale et compensation agricole. Souvent, quand un élu rend constructible une zone agricole, il compense en rendant cultivables des zones naturelles. Et ces terres échoient à de jeunes agriculteurs, qui peinent à les cultiver car leur potentiel agricole est faible.

La vente de terres à des acheteurs chinois ne nous poserait pas de problème si le modèle agricole qu'ils y mettent en oeuvre était différent. Dans la Nièvre, le montage est le même que pour la ferme des mille vaches. La politique de régulation foncière est détricotée par des montages sociétaires. Si nous ne réagissons pas, nos paysans vont disparaître rapidement. Les politiques publiques de défense de l'environnement ne doivent pas être remplacées par des acteurs privés. Avec les contraintes budgétaires actuelles, le risque est fort. La cohérence de l'action publique aurait beaucoup à y perdre.

Enfin, nous sommes très sceptiques sur les bénéfices que les agriculteurs pourraient tirer de l'argent de la compensation.

En effet, au regard des négociations internationales sur la biodiversité menées à l'heure actuelle - la France fait partie d'un programme international sur la compensation de la biodiversité -, il est évident qu'il sera très rapidement beaucoup moins cher d'acheter des réserves d'actifs naturels au Nicaragua ou au Soudan qu'en France.

Je ne crois pas du tout que la création des réserves d'actifs naturels soit une source de revenus potentiels pour les paysans à l'avenir. Au contraire, compte tenu des enjeux financiers, ces dispositions auront des impacts massifs au niveau international - elles en ont d'ores et déjà. C'est un marché très lucratif. Je ne pense pas que nous puissions, en France, nous en laver les mains.

Selon moi, l'inscription des réserves d'actifs naturels dans la loi est potentiellement très dangereuse pour l'avenir.

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